Oiseau nocturne Feat Ôkamiro [11/06/2018]

La ville fut plongée rapidement dans l’obscurité malgré l’été qui voyait lentement ses beaux jours arriver. La lumière du soleil s’effaçait lentement derrière l’ossature imposante des montagnes touffues bordant la ville, fondant celle-ci dans le noir malgré un ciel encore teinté de couleurs. Il commençait à se faire tard et les rues devinrent de plus en plus calme à mesure que la soirée avançait. Les restaurant et quelques bars étaient dors et déjà fermés tandis que les établissements nocturnes eux vivaient pleinement la nuit qui commençait.
Malgré le couvert des montagnes et le vent s’engouffrant dans la vallée, il y avait une forme de tiédeur maintenant la vie dans la ville.
Aujourd’hui, c’était mon jour de repos, je l’avais pris de façon totalement arbitraire encore une fois, mais c’était le charme de mon établissement au final. Je n’aimais pas m’enfermer dans une routine non plus même si elle était garante de stabilité psychique chez moi. Je n’avais pas eu de réservation depuis quelques jours déjà et rares étaient ceux qui venaient à l’improvistes depuis deux trois jours également. Il faut dire qu’avec des prix proches de ceux d’un palace, bien qu’avec une qualité supérieure, tous ne pouvaient pa se permettre de venir tout jours jours. Parfois j’espérais presque que d’avantages de vampires et de lycans viennent à Nakanoto pour ne pas travailler pour rien. Encore que parfois cela avait du bon car je produisait au jours le jours et de vendre à d’autres restaurants. Comme souvent lorsque j’étais en repos, je passais du temps à écumer les restaurants pour goûter un peu ce qu’ils se faisait et faire quelques critiques constructives. Cela se passait rarement bien, mais je n’aimais pas la médiocrité de beaucoup de prétendus chefs.

Je venais de sortir d’un restaurants où je n’aurais crus voir finir un vampire, celui que j’avais remplacé pendant trois ans au service de Junya Ryan. Il avait ouvert son restaurant dans le centre ville, dans le quartier culinaire, un établissement modeste mais pas inintéressant. Toutefois, les critiques avaient dû remonter jusqu’à lui rapidement, mais il n’avait pas du les apprécier.

Ôkamiô ▬ En même temps mon vieux, tu as quand même dit que sa soupe miso avait davantage le goût d’un potage de légume londonien que d’authentique cuisine traditionnelle. Pour un mec qui venait du Japon, c’est un déshonneur incroyable !

C’était pas faux, mais il avait marqué un point pour ce qui était de la situation dans laquelle je me suis trouvé dans la suite de la soirée.


En sortant du restaurant, trois vampires sont sortis de nul part avec l’apparence de véritables petits yakuza bon marchés s’amenant vers un gaijin s’étant égarés dans leur secteur. Ce n’était pas vraiment comme si ils étaient dangereux pour nous, ne pouvant venir à bout d’un lycan. Seul un lycan peut en tuer un autre, bien que cela ne soit pas arrivé à ma connaissance, mais c’était ce qu’il se disait. Ils me toisèrent de leur regard hautain, comme s’ils avaient tout vu et tout fait. Sortant d’une arrière cours arriva le chef qui servait les Ryan, avec un air au combien supérieur. Ses premiers mots se résumèrent à “Et bien, voilà donc le toutou du Seigneur Ryan, tu t’es perdu ?!”. Il y avait évidemment un vieux relent d’orgueil déconfit dans sa voix, n’acceptant pas mon écrasante supériorité dans l’exercice de notre art commun. C’était à cause de ma réputation parmis les lycans et les vampires, celui du gentil petit omega qui ne dit mot à personne et s’incline bien volontier.

Ils se sont avancés pour chercher des problèms, c’était évident. J’ai tourné la tête vers une vitre où je pouvais voir mon alter égo qui était dans l’attente de mon accord. Il y avait quelque chose entre nous qui pouvait faire qu’on se passe de notre bandeau et c’était l’Harmonie. Lorsque notre regard revint sur eux, nous avions échangé nos places plutôt que de ne faire qu’un.

Ôkamiô ▬ Les gars, vous avez fait deux erreurs ce soir !

Toute la posture de notre corps avait ainsi changé, comme c’était le cas lorsqu’Okamiô était aux manettes. Il était plus sûr de lui et cela se ressentait dans une posture tout en tension nerveuse, prêt à en découdre.

Je nouai enfin le bandeau avant de reprendre avec un sourire carnassier le fil de la conversation tandis que l’un arriva après l’avoir noué à ma portée. Je l’ai attrapé par le col.

Ôkamiô ▬ D’abord ! c’est de croire que je suis une lavette, un simple toutou !

J’ai commencé d’un geste habile passé ma main le long de mon gilet sans manches dans le but de l’ouvrir, dévoilant ainsi par la même occasion mon torse nu en dessous. J’ai alors commencé à transformer mon corps partiellement, mes muscles se gonflant, les poils poussant.

Ôkamiô ▬ La seconde erreur a été de ne venir qu’à trois pour vous attaquer à un Alpha !

J’ai lancé celui que je tenais entre mes griffes sur ses amis qui ont ensuite détalé à toute vitesse sans venir demander leur reste. J’ai bien entendu arrêté la transformation que j’avais amorcé pour revenir à un état humain stable et dénouer le bandeau pour laisser à nouveau Ôkamiro maître de son corps.
C’est alors qu’une fragrance humaine m’a pris les narines qui venait de derrière moi. Un jeune homme venait arrivé dans la rue. Quelques instants avant et il aurait pu contempler l’étrange et terrible vérité des rumeurs courant dans toute la ville depuis Halloween.

Un gamin est sorti du bout de la rue, les cheveux sombre, mais je distinguais quand même des teintes rousses ou rougeâtres. Il avait l’air un peu perdu ou sur la défensive en apparence, comme s’il ne voulait pas passer par cette ruelle mais ne pouvait pas s’en empêcher. Il était intimidé par quelque chose.

Ôkamiô ▬ Par nous pauvre patate ! C’est forcément par nous qu’il est intimidé ! Mais pourquoi ?! C'’est pas un loup-garou ça se sentirait ! Et surement pas un autre vampire à la rescousse des trois couillons !

Il s’excusa poliment, prétextant être en train de chercher quelqu’un. Peut-être qu’il était à la recherche d’un ami à lui ou avait rendez-vous avec quelqu’un dans le coin. C’était un quartier assez vivant de la ville mine de rien avec quelques restaurants ici et là. Il était jeune et nous étions relativement tôt dans la soirée et à son âge on fait souvent la fête en fin de compte.

Il s’approcha de nous, comme attiré par nous et commença à nous tourner autour comme un chien qui faisait le tour d’un objet inconnu. C’était super bizarre. Toutefois, comme j’étais un habitué des centres médicaux psychiatriques dans le cadre de ma pathologie, j’avais déjà vu des gens comme lui, complètement bizarre, un peu ailleurs et faisant des trucs... tout aussi étranges que ce qu’il venait de faire.

Ôkamiô ▬ Putain il fait quoi ce con là ?! Il est complètement taré ma parole !

C’était en effet très étrange, mais qui étions nous pour le juger ?
Lorsqu’il remarqua son comportement étrange, il se figea dans l’instant comprenant sans doute également la gêne qui se dégageait d’une telle scène surréaliste. Il attendait là, planté devant nous, sans véritablement s’expliquer ou dire quoi que ce soit. Je ne pouvais que rire intérieurement avec mon camarade que je voyais dans les reflets des vitrines à se bidonner.
C’est avec un regard et un ton placide que je lui répondis, faisait alors remarquer la profonde apathie qui se dégageait de ma personne.

Ôkamiro ▬ Je ne sais pas qui tu cherches mon grand... mais je ne pense pas que ce soit moi... Et je peux savoir pourquoi tu m’as tourné autour ?

Je n’attendais pas forcément une réponse claire d’entrée de jeu, mais au moins un début d’explication car on ne peut pas dire que ce soit très facile de voir où voulait en venir ce petit.

Ôkamiô ▬ Moi je te l’dis ! Ce mec a dû être bercé trop près du mur !

Je n’étais vraiment du genre à croire à ce genre d’explications faciles. Il y avait quelque chose d’étrange, comme un comportement animal dans ce qu’il avait fait. C’était peut-être un fou, mais peut être aussi un genre de mec se prenant pour un loup-garou ou un animal à cause de ce qu’il se passe en ville depuis plusieurs mois. Après tout, la lycanthropie est à la base une maladie psychiatrique et avec le talent de Fujibayashi-san, il n’était pas impossible que de tels cas soit en ville, mais libre ?

C’était un drôle d'oiseau ce gamin et pourtant nous sommes mal placés pour juger que quelqu’un n’est pas tout à fait normal ou fait des choses étranges. Le fait est que ce gamin venant tout de même de nous tourner autour comme un chien flairant un congénère. Si reconnaître l'un des nôtres n'était pas quelque chose d’innée, j’aurais pu avoir un doute quant à sa nature.

C’est peut-être une sorte d’évadé du secteur de Fujibayashi-san qui a d’étranges fétiches apparentés à une forme de sentiment d’appartenance à la communauté canine.

Ôkamiô ▬ Tu te prends trop pour un psy à force de traîner avec elle toi.

C’est pas comme si j’étais certain de ce que je pensais non plus en réalité, mais c’est quoi son problème pour faire ce genre de choses ?

Ôkamiô ▬ Oh putain c’est qu’cette excuse de merde ?

Il voulait vérifier un truc ? Mais quel genre de truc il pouvait bien vouloir vérifier en tournant ainsi autour des gens comme un animal faisant les présentations en se reniflant mutuellement. C’est peut-être une sorte de taré qui chasse les lycans et sait que nous en sommes un.

Ôkamiô ▬ Pour l’coup il a pas l‘air aussi futé qu’ça mon vieux ! Il a cru qu’on lui faisait penser à quelqu’un ? Sérieusement ?

Il est vrai que c’était pas la meilleure façon de ne pas passer au mieux pour quelqu’un de très glauque et dérangé et au pire pour un fou dangereux qui cherche une nouvelle proie à ajouter à son tableau de chasse.
Le pire est sans doute la façon de demander ce que nous sommes.

Ôkamiô ▬ C’est vrai que “Quoi” c’est pas la façon la plus clair de formuler une question. C’mec est surnaturel mon gars crois moi j’ai l’flaire pour ça ! T’as vu comment il a du mal à nous parler en plus de ça ? L’mec bafouille comme une collégienne ! C’est hyper louche !

C’est pas faux. Il faut faire attention à ce type hyper bizarre, mais les lycans font déjà l’actualité des médias depuis Halloween, alors les gens sont au courant. Lui dire clairement ce que nous sommes si c’est qu’il souhaite n’est pas quelque chose d’idiot. Dans le pire des cas qu’est-ce qu’il fera ? Ce n’est pas comme s’il était facile de tuer un lycan en fait.

Je jetais un lent coup d’œil vers la vitre où se reflétait mon partenaire en guise d’hallucination standard dans notre dynamique de tandem. De quoi pouvions bien avoir peur après tout ?
Je me suis tourné vers notre interlocuteur si étrange avant de lui adresser la parôle avec un ton monocorde et lancinant.

Ôkamiro ▬ Un loup-garou... c’est ça que tu voulais savoir ? ...

Je restai là à le regarder en guettant un semblant de regain d’assurance ou de la crainte, une quelconque réaction de sa part.

Nous y voilà. Il avait donc cette envie de savoir ce que nous étions depuis le début, en attente surement d’une terrible révélation sans aucun doute qu’il était. Alors il cherchait un loup-garou mais pourquoi donc ? Quel adolescent humain pouvait bien avoir dans l’idée par les temps qui courent de faire une rencontre avec un lycan de nuit dans une ruelle assez sombre et un quartier déserté de la ville ? Il doit être complètement inconscient.

Ôkamiô ▬ Ou complètement con, tu sous-estime clairement cette possibilité à chaque fois qu’on rencontre quelqu’un mon ami. Toutefois, les gens sont majoritairement des cons, faut pas l’oublier.

Lui et sa façon de voir le monde comme personne. Le moins lucide de tous les éveillés en sommes quoi. Ce n’est pas une vie simple que de partager son corps avec un tel misanthrope mais bon. Le fait est que quelque part il n’a pas tout à faire tort pour une fois.

C’était peut-être un excentrique en quête de frisson en fin de compte. Il n’était finalement pas très étonnant que cela n’arrive un moment ou à un autre. Nous ne sommes pas vraiment versés nouvelles technologies mise à part en matière de cuisine. On se fait livrer à un magasinier en ville des magasins spécialisés sur la cuisine et les nouveaux talents ou technique plutôt que d’arpenter internet pour ça, c’est dire. Mais avec les événements d’Halloween dernier en ville et la fuite d’une vidéo du lycan qui a attaqué la soirée sur le net a dû attirer les plus téméraires des chasseurs de frissons fantastique en mal de vus sur YouTube.

Ôkamiô ▬ Tu penses vraiment que ce petit morveux est un chasseur de loup-garou version explorateur du net ? Faudrait le prévenir que si c’est ça il va plutôt connaître une fin façon BlairWitch Project.

C’est pas faux. Il a de grandes chances de finir dévoré par un lycan infecté si c’est vraiment son délire que de trouver d’authentiques loup-garou. Je sais pas trop comment lui ait venue l’idée selon laquelle nous pouvions en être un, mais bon, ce n’est pas comme si nous avions été des plus discret dans la ruelle avec ces vampires. Il avait juste du nous apercevoir et se cacher.

Sa réponse fut toutefois aussi surprenante que laconique. Il avait l’air parfaitement satisfait de la réponse qu’il avait eu et en resta là. C’était vraiment singulier comme rencontre d’un soir. Toutefois, je n’avais pas le temps de lui faire la morale sur le fait de chercher des loup-garous. Il a l’air assez grand pour faire ses propres choix après tout.

Ôkamiro ▬ Ok... et bien te voilà maintenant éclairé sur la question...

Je tournais les talons pour nous en aller de là et le laisser dans la ruelle, sa réponse enfin acquise...