Greed, antipathique mégalomane
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Sorcier - Enclaviste de la Puissance
Race : Sorcier sang-pur
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Date d'inscription : 13/02/2019
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Emploi/loisirs : Médecin légiste
Yens : 40
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Mer 13 Fév 2019 - 2:29
GREED
« mégalomane antipathique »
feat Human Sans - Undertale (Humantale) | Fiche d'identité Lust : -Matérialisation spirituelle- Greed peut manipuler l’énergie vitale qu’il a absorbé des défunts ou des vivants, qu’il matérialise sous forme de bras extensibles invisibles. Il les utilise pour manipuler ce qu’il y a autour de lui, bloquer des attaques, etc… -> boosté : ses membres invisibles sont plus larges, plus puissants et plus rapides, mais deviennent visibles pour un oeil averti Envy : -Capture d’énergie résiduelle- Lors de la mort d’un être vivant (quel qu’il soit), il peut lui voler tout ou partie de son énergie vitale. L’être étant décédé, Greed ne peut s’en repêtre pour augmenter son espérance de vie mais les absorber et les faire siennes afin de les asservir, pouvant être utilisées plus tard. Gluttony : -Vol d’énergie- Grâce à Lust, il peut caresser l’essence même de la vie des êtres vivants autour de lui et leur voler de précieuses minutes d’espérance de vie, afin de s’en repêtre et de renflouer sa propre espérance, qui est la source de sa magie. Plus le contact est long et plus l’espérance volée est grande. -> boosté : l’absorption est plus rapide et fatigue la victime. Pride : -Sacri-boost- Il peut, s’il le souhaite sacrifier et consommer une énergie vitale en sa possession pour augmenter sa puissance magique ou se soigner légèrement. Plus le nombre de sacrifice est important, plus la puissance et le soin augmente. Sloth : -Réanimation- Il peut insuffler dans un cadavre frai une essence qu’il contrôle complètement, transformant le macchabé en marionnette docile obéissant au moindre ordre de son créateur. -> Boosté : les cadavres animés semblent posséder une conscience, parlent (même si leurs propos ne sont que des supplications sans queue ni tête) et leurs mouvements sont plus fluides et rapides. |
Physique
« Cicatrices du passé »
Notre crâne, comme à l’accoutumée, est attaqué par une douloureuse migraine. Un corps éthéré ne dort pas, aucun de nous ne dort, mais quand notre corps est à bout il nous arrive de tomber de fatigue physique. Encore dans les vapes, après un bref instant d’adaptation, nous nous accrochons au rebord du lavabo de la salle de bain de la chambre d’hôtel que nous habitons, actuellement faute de mieux, afin de soutenir notre poids. On ne croirait pas qu’il est médecin, vu comme ça. Bien que très légers pour notre taille, environ 55 kilos pour 1m76, nous ne brillons pas vraiment par notre musculature développée. Pour tout dire, nous sommes enflés comme un trombone. Pas faute de vouloir se mettre au sport, mais nous ne sommes pas tous d’accord. Manque de temps, d’argent, d’envie surtout, tout ceci opposé au besoin, à notre santé dégringolante et au rêve d’avoir quelques abdos saillants sous cette peau fine et si blanche. Nous levons la tête vers le miroir, et comme à l’accoutumée, Nous redevient Je.
Je… Enfin seul… Ou presque. Face à mon miroir, j’ai une putain de sale gueule… Mes cernes violettes n’ont pas regonflées même après cette sieste improvisée sur le carrelage… Mes cheveux blancs neige sont en bataille, le blanc de mes yeux est nervuré de rouge. Mes prunelles bleues tremblent, j’ai encore le paupière gauche qui tique, ce qui m’annonce que je ne vais pas être tranquille bien longtemps. Je lève ma main agitée doucement vers ma face, et caresse les poils drus qui commencent à pousser sur mes joues et mon menton, blancs comme mes cheveux.
J’enlève le teeshirt que je porte, lui aussi couleur neige, et contemple dans le miroir mon corps si fragile, filiforme, et compte mes côtes que l’on voit à travers ma peau. Quelques cicatrices de mégots de clopes sur mon sternum, à part ça rien de bien intéressant. Regardant mon dos, j’y voit les cicatrices des coups de ceinturon, assez peu nombreuses. Pour finir ce checkup rapide, je me penche au-dessus du lavabo et rapproche mon visage du miroir, puis tire la langue. Bleue. Toujours bleue néon, presque phosphorescente. Être nécromancien n’apporte clairement que des emmerdes…
Je me recule, et souffle. Voila donc le réceptacle dans lequel je suis coincé, et pas seulement moi, ce serait trop simple… Nous sommes plusieurs, jeunes, vieux, blancs, noirs, riches, pauvres, des inconnus comme des « amis » de toujours -enfin, si j’avais des amis-. Tous, réunis dans ce corps, grâce à ma magie. Peu importe combien de fois je me le répète, plus le temps passe et moins ce corps m’appartient. Soit, je suis le boss, et tant que j’aurai toute ma tête je le resterai. Tu ne le restera pas longtemps, et tu le sais. Ta gueule toi, j’t’ai pas sonné.
Secouant la tête, je vois mon « tatouage » bouger sur la face ventrale de mon avant bras droit. Les chiffres, du même bleu lumineux que ma langue, défilent lentement au fil des secondes qui s’écoulent. « 2’ - 17:54:37 », ce qui me laisse deux jours, 17 heures, 54 minutes et 37 secondes à vivre. Ca fait court, un peu trop à mon goût. Il est temps d’aller « manger ».
Après une rapide douche, j’enfile un teeshirt blanc propre ou peu s’en faut, ma vieille veste bleue à capuche que j’affectionne tant et un jogging noir trop court, des chaussettes blanches et mes confortables chaussons roses. Quoi qu’est-ce qui vous fait rire ?! C’est confort, c’tout ce qui compte.
Dernier passage devant le miroir, j’imprime ma tronche dans mon esprit. Ce visage est le mien, pas le leur. Alors je ferme les yeux. De mes paupières clauses commence à s’échapper un brouillard bleu flamboyant. Quand je les ouvres de nouveau, le blanc de mon oeil gauche est noir onyx et ma pupille, illuminée d’un bleue brillant, fume. Magie ok, puissance plein pot, il est temps d’aller chasser. Je met mon cache-oeil en place, mon masque chirurgical et j’ouvre la porte vers mon diner.
Je… Enfin seul… Ou presque. Face à mon miroir, j’ai une putain de sale gueule… Mes cernes violettes n’ont pas regonflées même après cette sieste improvisée sur le carrelage… Mes cheveux blancs neige sont en bataille, le blanc de mes yeux est nervuré de rouge. Mes prunelles bleues tremblent, j’ai encore le paupière gauche qui tique, ce qui m’annonce que je ne vais pas être tranquille bien longtemps. Je lève ma main agitée doucement vers ma face, et caresse les poils drus qui commencent à pousser sur mes joues et mon menton, blancs comme mes cheveux.
J’enlève le teeshirt que je porte, lui aussi couleur neige, et contemple dans le miroir mon corps si fragile, filiforme, et compte mes côtes que l’on voit à travers ma peau. Quelques cicatrices de mégots de clopes sur mon sternum, à part ça rien de bien intéressant. Regardant mon dos, j’y voit les cicatrices des coups de ceinturon, assez peu nombreuses. Pour finir ce checkup rapide, je me penche au-dessus du lavabo et rapproche mon visage du miroir, puis tire la langue. Bleue. Toujours bleue néon, presque phosphorescente. Être nécromancien n’apporte clairement que des emmerdes…
Je me recule, et souffle. Voila donc le réceptacle dans lequel je suis coincé, et pas seulement moi, ce serait trop simple… Nous sommes plusieurs, jeunes, vieux, blancs, noirs, riches, pauvres, des inconnus comme des « amis » de toujours -enfin, si j’avais des amis-. Tous, réunis dans ce corps, grâce à ma magie. Peu importe combien de fois je me le répète, plus le temps passe et moins ce corps m’appartient. Soit, je suis le boss, et tant que j’aurai toute ma tête je le resterai. Tu ne le restera pas longtemps, et tu le sais. Ta gueule toi, j’t’ai pas sonné.
Secouant la tête, je vois mon « tatouage » bouger sur la face ventrale de mon avant bras droit. Les chiffres, du même bleu lumineux que ma langue, défilent lentement au fil des secondes qui s’écoulent. « 2’ - 17:54:37 », ce qui me laisse deux jours, 17 heures, 54 minutes et 37 secondes à vivre. Ca fait court, un peu trop à mon goût. Il est temps d’aller « manger ».
Après une rapide douche, j’enfile un teeshirt blanc propre ou peu s’en faut, ma vieille veste bleue à capuche que j’affectionne tant et un jogging noir trop court, des chaussettes blanches et mes confortables chaussons roses. Quoi qu’est-ce qui vous fait rire ?! C’est confort, c’tout ce qui compte.
Dernier passage devant le miroir, j’imprime ma tronche dans mon esprit. Ce visage est le mien, pas le leur. Alors je ferme les yeux. De mes paupières clauses commence à s’échapper un brouillard bleu flamboyant. Quand je les ouvres de nouveau, le blanc de mon oeil gauche est noir onyx et ma pupille, illuminée d’un bleue brillant, fume. Magie ok, puissance plein pot, il est temps d’aller chasser. Je met mon cache-oeil en place, mon masque chirurgical et j’ouvre la porte vers mon diner.
Caractère
« Un démon à la bouille d'ange »
Déambulant dans les rues de Nakanoto en ce samedi midi, je me perd au milieu de la foule. La multitude de bras invisibles qui m’entourent caressent tout un chacun, enserrant leur aura, étreignant l’essence de ce qu’ils sont et leur volant peu à peu quelques précieuses secondes d’existence. En 10 minutes, je me repais de sept heures et demi. Pour eux, presque aucune différence, ils ne s’en rendrons jamais compte, foutus ignorants. Mais pour moi, ce sont de précieuses minutes de vie. Personne ne peut comprendre ce que c’est de savoir exactement le temps qu’il nous reste avant l’échéance, de voir les secondes défiler vers une mort inexorable. Même si pour un nécromant comme moi, la mort est un outils de luxe, je la craint autant que je l’admire, et je la manipule tant que je lui échappe.
Ces cons d’humains, en revanche, la subissent sans échappatoire. Je jubile sous mon masque à mesure que je leur vole leur essence si précieuse. Ces êtres stupides, violents, ignares ne sont à mes yeux que de la bouffe, des morceaux de barbaque sans intérêts. Seule leur vitalité m’importe, pour le reste ils peuvent bien crever ça m’arrangerait tout autant. Misanthrope, connard, égoïste, ils pensent de moi ce qu’ils veulent. Rien a branler, s’ils ont un problème qu’ils viennent essayer de m’empêcher de nuire même si je doute qu’ils puissent y arriver, à par gueuler comme ces connasses de féministes ils savent rien faire. Quelle emmerde ces humains.
En marchant, mon crâne recommence à me faire souffrir. Le monde se met soudain à tourner autour de moi. Chier, les revoilà ! Je titube vers une ruelle, à l’écart de cette populace de badauds. Mon oeil s’enflamme peu à peu, j’arrache mon bandeau et mon masque et tombe à genoux. Nous en avons marre de ces conneries, ne peuvent-ils nous laisser tranquille plus d’une heure ?!
Nous tentons de nous relever, mais ne pouvons faire mieux que nous écraser sur le flanc contre un mûr. Nous…? putain encore…
« Tu ne peux nous oublier Naka- » « Finis ta phrase, prononce ce nom et tu disparais pour de bon, t’as compris ?! »
Un silence s’en suit, entrecoupés de sanglots. Nous passons notre main sur nos joues mais aucune larme, ce n’est pas nous qui pleurons. Qui alors ?! Qui chiale ?!
« Ou est ma maman…? »
La colère prend le pas sur la douleur, toute mon attention se concentre sur cette gamine qui m’emmerde chaque jour depuis sa mort. Un accident de voiture, une aubaine pour moi ! La mère et la filles mortes sur le coup, ça faisait deux pour le prix d’une, mais la chiarde est une vrai plaie.
« Greed, c’est qu’une enfant… » « Pauvre petite… » « Tu sais ce que t’es ? Un sombre connard. » Les voix commencent à se mêler aux pleurs de la gosse dans notre esprit, de plus en plus s’élèvent dans un tumulte qui se transforme peu à peu en brouhaha. Nous nous accoudons au mur, pressant notre front sur la pierre grise. Nous ne pouvons continuer à les laisser faire, ils ne sont qu’une réserve d’énergie rien de plus, ils n’ont aucun droit ! Il est temps de les remettre à leur place !
« Vos gueules, fermez vos claques-merde ! Le premier qui l’ouvre je le bouffe sans merci, c’est compris ?! » Nous venons de hurler à plein poumons dans la ruelle, Je retrouve lentement le contrôle de mes pensées. Enfin le silence, que ça fait du bien ! Mais j’entends encore des sanglots.
« Ecoutes moi bien merdeuse, ta mère je l’ai bouffée compris ? Alors si tu veux pas finir pareil tu sèches tes larmes et comme les autres tu ferme gentiment ta gueule. » Et le silence revint. Afin d’être sur de l’avoir pour le reste de la journée, j’en rajoute une couche.
« Rappelez vous bien que si vous êtes encore conscients c’est grâce à ma bonté, sans ça vous auriez disparu depuis des lustres. »
Une idée me passe au travers de l’esprit. Pour marquer ces déchets il faut impacter. J’affiche un sourire carnassier en posant un doigt sur ma tempe, et je le tire peu à peu. De mon crâne sort une frêle forme fantomatique bleutée. J’empoigne ce voile éthéré fermement, et le porte vers ma bouche.
« Non fait pas ça ! » « On recommencera pas promis ! » « Epargne la !! »
« Trop tard, ça vous servira de leçon. Regardez attentivement ! »
Tandis que j’ouvre la bouche, la forme bleutée se met à trembler. « Maman…? »
« Rejoins la, si tu l’aimes tant ! »
J’arrache un morceau avec mes dents, puis un autre avant d’enfourner ce qui reste. Sa voix et ses pleurs s’éteignent peu à peu en moi à mesure que je sens ma force augmenter. Plus aucun bruit, plus rien.
Avec un grand rictus sadique, je remet mon masque et mon cache-oeil, et retourne en titubant vers la rue, et ma chasse aux minutes.
Ces cons d’humains, en revanche, la subissent sans échappatoire. Je jubile sous mon masque à mesure que je leur vole leur essence si précieuse. Ces êtres stupides, violents, ignares ne sont à mes yeux que de la bouffe, des morceaux de barbaque sans intérêts. Seule leur vitalité m’importe, pour le reste ils peuvent bien crever ça m’arrangerait tout autant. Misanthrope, connard, égoïste, ils pensent de moi ce qu’ils veulent. Rien a branler, s’ils ont un problème qu’ils viennent essayer de m’empêcher de nuire même si je doute qu’ils puissent y arriver, à par gueuler comme ces connasses de féministes ils savent rien faire. Quelle emmerde ces humains.
En marchant, mon crâne recommence à me faire souffrir. Le monde se met soudain à tourner autour de moi. Chier, les revoilà ! Je titube vers une ruelle, à l’écart de cette populace de badauds. Mon oeil s’enflamme peu à peu, j’arrache mon bandeau et mon masque et tombe à genoux. Nous en avons marre de ces conneries, ne peuvent-ils nous laisser tranquille plus d’une heure ?!
Nous tentons de nous relever, mais ne pouvons faire mieux que nous écraser sur le flanc contre un mûr. Nous…? putain encore…
« Tu ne peux nous oublier Naka- » « Finis ta phrase, prononce ce nom et tu disparais pour de bon, t’as compris ?! »
Un silence s’en suit, entrecoupés de sanglots. Nous passons notre main sur nos joues mais aucune larme, ce n’est pas nous qui pleurons. Qui alors ?! Qui chiale ?!
« Ou est ma maman…? »
La colère prend le pas sur la douleur, toute mon attention se concentre sur cette gamine qui m’emmerde chaque jour depuis sa mort. Un accident de voiture, une aubaine pour moi ! La mère et la filles mortes sur le coup, ça faisait deux pour le prix d’une, mais la chiarde est une vrai plaie.
« Greed, c’est qu’une enfant… » « Pauvre petite… » « Tu sais ce que t’es ? Un sombre connard. » Les voix commencent à se mêler aux pleurs de la gosse dans notre esprit, de plus en plus s’élèvent dans un tumulte qui se transforme peu à peu en brouhaha. Nous nous accoudons au mur, pressant notre front sur la pierre grise. Nous ne pouvons continuer à les laisser faire, ils ne sont qu’une réserve d’énergie rien de plus, ils n’ont aucun droit ! Il est temps de les remettre à leur place !
« Vos gueules, fermez vos claques-merde ! Le premier qui l’ouvre je le bouffe sans merci, c’est compris ?! » Nous venons de hurler à plein poumons dans la ruelle, Je retrouve lentement le contrôle de mes pensées. Enfin le silence, que ça fait du bien ! Mais j’entends encore des sanglots.
« Ecoutes moi bien merdeuse, ta mère je l’ai bouffée compris ? Alors si tu veux pas finir pareil tu sèches tes larmes et comme les autres tu ferme gentiment ta gueule. » Et le silence revint. Afin d’être sur de l’avoir pour le reste de la journée, j’en rajoute une couche.
« Rappelez vous bien que si vous êtes encore conscients c’est grâce à ma bonté, sans ça vous auriez disparu depuis des lustres. »
Une idée me passe au travers de l’esprit. Pour marquer ces déchets il faut impacter. J’affiche un sourire carnassier en posant un doigt sur ma tempe, et je le tire peu à peu. De mon crâne sort une frêle forme fantomatique bleutée. J’empoigne ce voile éthéré fermement, et le porte vers ma bouche.
« Non fait pas ça ! » « On recommencera pas promis ! » « Epargne la !! »
« Trop tard, ça vous servira de leçon. Regardez attentivement ! »
Tandis que j’ouvre la bouche, la forme bleutée se met à trembler. « Maman…? »
« Rejoins la, si tu l’aimes tant ! »
J’arrache un morceau avec mes dents, puis un autre avant d’enfourner ce qui reste. Sa voix et ses pleurs s’éteignent peu à peu en moi à mesure que je sens ma force augmenter. Plus aucun bruit, plus rien.
Avec un grand rictus sadique, je remet mon masque et mon cache-oeil, et retourne en titubant vers la rue, et ma chasse aux minutes.
Histoire
« Une histoire compliquée »
Il y a bien longtemps, à une époque où la radioactivité vient à peine d’être découverte et où l’Homme effectue son premier vol motorisé, le vie s’écoulait d’une manière bien différentes. Le monde a l’Ouest est encore à feu et à sang, emporté par le tourbillon du premier grand conflit armé international de notre ère, que l’on nommera par la suite « première guerre mondiale ». La France et l’Angleterre sont à couteaux tirés avec l’Allemagne, les morts se comptent déjà par milliers. Bien que d’une gravité sans précédent, ce conflit n’a que peu de répercussion sur le peuple Nippon. Les seules actions entreprises par le gouvernement et son ministre des affaires étrangères visent à étendre l’emprise et l’influence du Japon en Orient, notamment sur la Chine voisine.
Dans l’ombre de ces évènement vit tout un écosystème, dissimulé aux yeux de tous. Les vampires usent du conflit comme couverture pour pénétrer dans le pays en quantité, quand aux Humains qui vivent dans la confidence ils s’organisent peu à peu, réunissant quelques personnes capable de tuer les buveurs de sang. Les changelins restent invisibles autant que faire se peut, comme nous autre sorciers. Notre existence est un secret millénaire qui ne doit jamais être divulgué, et à l’époque tous les moyens sont bons pour s’assurer de la survie de ces cachotteries. L’Enclave existe depuis toujours, elle remonte à l’origine de ce monde tout comme l’existence des personnes capable de manière l’énergie de la nature, depuis les premiers mages.
Elle dirige le monde magique d’une main de maitre coiffée d’une poigne de fer, d’une manière bien différente et moins laxiste qu’aujourd’hui. Le tout puissant Secret possède le pouvoir d’enfermer et condamner tout contrevenant à sa loi, qu’il exerce en toute impartialité devant le conseil des mages de l’Enclave. Il s’agit d’une tâche ardue, assujetti à une discipline stricte et formelle. Ogumo Natsuki occupait ce rôle depuis presque un siècle, connu parmi les maitres enclaviste pour son manque exubérant de sympathie et son amour absolu de l’ordre et de la loi. Il ne faisait jamais de cadeaux et ne donnait aucun signe de clémence au moment de rendre la sentence. Afin d’affermir son emprise sur le peuple sorcier, il avait interdit (de concert avec la Justice) à tout sorcier nippon de quitter le sol Japonais jusqu’à la fin du conflit en Europe. Tout contrevenant était puni d’une assignation à domicile étroitement surveillée, mais les récidivistes qui réussissaient par miracle à échapper à la tutelle encouraient les peines les plus lourdes. La détention n’était pas la plus à craindre, car l’on racontait que dans l’ombre se tramait des choses plus horribles encore, et que jamais ceux qui furent enfermés ne revinrent de leurs cachots.
Maitre dans la manipulation des énergies, Ogumo s’était orienté vers la voie dangereuse de la nécromancie, mais sa position et sa puissance croissante lui avaient fait perdre de vue l’objectif de tout mage. Il abandonna la quête du savoir pour celle de la puissance. Les années passèrent et détériorèrent la santé physique et mentale de cet homme, autrefois illustre mage.
Il fut emporté par l’âge et la maladie en 1916, à 237 ans, après une vie de tyrannie sur les siens. Afin de sauver les apparences, sa folie des grandeur fut mise sur le compte de sa magie contre-nature qui lui rongeait l’esprit jusqu’à le guider dans les méandres de la frénésie. C’est ainsi que se conclut le rapport officiel, la page se tournait et une autre commençait à s’écrire. Maitre Natsuki laissait derrière lui un poste vacant d’une importance ridiculement exagérée, mais aux responsabilités immenses. Pèseraient sur les épaules de son successeurs les mêmes impositions et missions qu’il avait prit tant de plaisir à mener à bien de son vivant.
C’est donc tout naturellement que l’on posa sur son trône de Secret le fils même du défunt. Le jeune Otsubo Natsuki, âgé de 41 ans. Un adulte auprès des humains, mais un jeune néophyte aux yeux des anciens, qui attendaient tout de même beaucoup de lui malgré son manque d’expérience.
Mais la vérité est bien différente derrière les apparences. Il haïssait son paternel, un homme sans coeur qui les a abandonnés lui et sa mère, un fou violent et grossièrement exigent. L’excellence qu’Otsubo laissait reluire devant ses pairs n’était qu’un pâle reflet des nuits blanches qu’il passait à perfectionner sa magie sous le regard méprisant d’un père horrible. Il était tout l’inverse de son géniteur, un homme intègre et compréhensif, ouvert à l’expérience et à l’erreur. Sa première décision en temps que Secret fut d’abolir les peines qu’avait instauré son père et qui pesaient comme une épée de Damoclès sur chaque sorcier du territoire. Hélas, il se heurta à la véhémence des autres membres de l’Enclave. Ce système patriarcale et dictatorial l’exaspérait du plus profond de son être, mais qui était-il pour imposer sa volonté aux anciens ? Il ne put que se plier aux règles, et en signe de clémence la Loi fut modifiée. La peine capitale était maintenue, mais dut être allégée. Otsubo Natsuki, à l’instar de son père, était un maitre dans la manipulation des énergies. Mais la peur que lui inspirait la magie noire de son père l’avait empêché de se lancer sur ses traces. Il avait décidé d’entreprendre la voie de la métamagie, et quel ne fut pas son bonheur lorsque jeune encore il découvrit une affinité pour ce type de sorcellerie. En accords avec ses pouvoirs, l’emprisonnement devint une peine d’incapacitation. Parmi les sorts que le nouveau Secret possédait se trouvait un puissant sortilège de manipulation de la mémoire, ainsi qu’un drain total de l’énergie magique. Ainsi, les exactions des mages furent punie d’une condamnation à une pathétique vie humaine tout ce qu’il y a de plus normal. Leur magie et leur mémoire leurs étaient dérobés, faisant d’eux le citoyen lambda, retrouvant une espérance de vie tout ce qu’il y a de plus humaine et des souvenirs faux d’un passé inexistant.
Les anciens étaient satisfait de leur nouvelle recrue tant qu’il agissait comme un animal docile et obéissant, destinant ce jeune mage à de grandes choses dont il ne voulait même pas. Pour tout dire, il exécrait cette partie de son travail. Il rêvait d’égalité et d’entraide et non de domination. Pour lui l’Enclave devait changer, cette simili monarchie dictatoriale devait laisser la place à une démocratie, où le peuple puisse prendre la parole et prendre part aux décisions qui le concerne. Mais il étaient encore trop tôt, il savait qu’il n’était pas encore de taille à affronter les autres membres et qu’ils le jetteraient sans remords. Il décida de prendre son mal en patience, et il patienterait, jusqu’à qu’il soit prêt.
Moins d’un an plus tard, c’est à la faculté de magie de Nakanoto qu’il rencontra l’Amour, lors d’une visite officielle. Cette jeune professeure de deuxième année l’avait instantanément fait tomber sous son charme, et réciproquement. Mei Mikogami était une belle jeune femme de 27 ans, à la longue chevelure noir ébène. Ils ne mirent que peu de temps à officialiser leur relation, pour leur plus grand bonheur. Malheureusement, ces évènements n’étaient pas au gouts des autres enclaviste. Ce comportement volatile l’éloignait peu à peu de ses tâches, et l’avis de cette femme renforcent sa véhémence envers le système en place. Pour eux plus de doute il est devenu un poids mort et une menace, qui doit être éliminée.
C’est ainsi qu’une nuit, entre le 15 et le 16 Août 1917, s’opère une effraction dans la petite maison qu’occupaient le couple depuis peu. Une milice de 3 sorcier s’introduit par la baie vitrée. Grand mal leur prit, s’attaquer à un membre de l’enclave, aussi jeune soit-il comporte son lot de danger. Chaque pièce était protégé d’un puissant sortilège, qui permit aux deux amants de gagner le temps nécessaire pour une fuite en catastrophe. C’en était trop, et Otsubo savait pertinemment qu’il ne serait pas de taille à affronter ses anciens collègues. Usant de ses connaissances du fonctionnement de l’ennemi, il réussit -à grande peine- à s’effacer de leurs radars, et au prix de longs efforts il finit par quitter le pays. Voyageant de longs mois dans la clandestinité, ils finirent par atteindre un petit village perdu en Pologne. Le pays étant situé proche de l’Allemagne qui vient de perdre la guerre, personne ne viendra les chercher dans une contrée en ruine, aussi ont-il acheté discrètement une petite maison perdue dans la forêt à 5 kilomètres du village le plus proche. Il y vivent une vie d’ermite pendant de nombreuses années, se contentant d’un passage éclair en ville une fois par mois pour acheter les denrées de première nécessité.
Puis un beau jour, Mei tomba enceinte. Une excellente nouvelle pour le couple qui à eu le temps d’aménager leur espace de vie pour recevoir le nouveau né, qui arriva vers midi un 3 Août 1926. C’est ainsi que je suis né, d’un couple aimant vivant dans la précarité la plus basique qui soit. Néanmoins, j’ai grandit dans un véritable cocon d’amour, ne manquant de rien ou peu s’en faut. La forêt que nous habitions était un terrain de jeu parfait pour un jeune garçon, et mes parents avaient eu tout le temps nécessaire pour poser quelques sortilèges nous permettant de disparaitre aux yeux de tous. J’escaladais les arbres, observais les animaux, je vivais dans la plus grande des insouciances. Lorsque je fut arrivé en âge de manifester mes premières pulsions magiques, à 6 ans, père entreprit de me former. Expert en métamagie, il tenta maintes fois de m’initier à cet art subtil, sans pour autant réussir. Impossible pour moi de lire un esprit ou de former des liens magiques. Mère tenta de m’apprendre la télékinésie, et ce fut tout autant un échec. Les livres que nous avions à notre disposition ne servirent eux aussi à rien, la magie élémentaire ne convenait pas, de même que la magie utilitaire ou la magie blanche. Jour après jours, tous les tests se concluaient par des échecs plus cuisants les uns que les autres, au désespoir visible de l’ancien Enclaviste.
Un soir, alors que j’étais couché, j’ai entendu une conversation entre mes parents. La voix de mon père était empreinte d’amertume et d’un certain désarroi, tandis que ma mère tentait de lui remonter le moral.
« Comment se peut-il que rien ne marche ? J’ai pourtant tout essayé il ne réussit en rien… Il possède pourtant des capacités, alors pourquoi ne manifeste-t-il aucune affinité pour tous les types de magie existants ?! »
« Il n’est peut être pas encore prêt, il se peut qu’il soit encore trop jeune. Soit patient avec lui, le jour viendra où il manifestera un interêt pour quelque chose. Et si ce n’est pas le cas, peut-être a-t-on omit d’essayer quelque chose ? Il existe tant de possibilité, certaines nous ont sans doute échappées ? »
« Impossible, il n’en reste qu’une seule. Tu sais de laquelle il s’agit. Je refuse que mon fils s’engagent sur la même voie que « lui ». C’est trop dangereux, jamais je ne pourrait l’accepter ! »
« C’est de notre fils que tu parles, il n’est pas ton père ! Si nous lui apprenons à se servir de ses pouvoirs, il ne commettra pas les mêmes erreurs. Il pourra devenir un puissant sorcier, unique en son genre. Il pourrait changer les préjugés que notre peuple à sur cette magie particulière. »
« Particulière ?! Elle est tout bonnement contre-nature ! Ses partisans sont maudits, condamnés à la mort ou à la folie, est-ce là le futur que tu lui réserve ? Et comment peux tu imaginer qu’il change quoi que ce soit, nous sommes des fugitifs recherchés. S’ils apprennent qu’il est mon fils, Notre fils, ils le traqueront et le tueront. Je ne veux pas ajouter à cette vie de misère un poids aussi conséquent sur ses épaules, je ne le supporterait pas… Je préfère encore qu’il ne soit jamais mage que d’entrer dans ce monde comme un monstre. »
« Tu penses à lui ? Ses parents sont Sorciers, tu ramènes des courses à la maison sans même les acheter en manipulant la mémoire des humains et j’accomplie toutes les tâches ménagères sans jamais toucher un outils, pourras-tu lui expliquer qu’il n’a rien d’aussi exceptionnel quand il sera en âge de se poser des questions et de chercher des réponses ? »
« Nous n’y sommes pas encore, chaque chose en son temps. »
Complètement perdu par ce que je venais d’entendre, j’hasardais un oeil timide pardessus mon épaule. Père était debout près de la bibliothèque, où il saisit un grimoire apparemment très ancien qu’il posa ensuite face à mère.
« Jamais il ne doit lire ce livre. S’il lui prendrait l’envie de faire ses propres expérience je ne l’en empêcherait pas, mais jamais avec ce bouquin. Avec un peu de chance ses affinités s’éveilleront sous peu, si le ciel est avec nous. »
J’étais bien trop jeune pour comprendre un traitre mot à l’époque, mais loin d’être assez idiot pour ne pas me douter que quelque chose m’était caché, quelque chose que je devais savoir.
Cependant les années continuaient de passer, se ressemblant toutes. La même maison, les mêmes cours de contrôle de ma magie, le même train-train quotidien dont je ne pouvait m’échapper. J’étais un enfant obéissant, aussi je ne m’éloignais jamais bien loin de la maison sans accord. La sortie en ville était la seule part de ce quotidien morne qui me permettait de m’évader, et d’apprendre qu’il y avait un monde au-delà des arbres qui m’étaient si familiers. Mais à chaque voyage, les villageois se montraient plus froids. Je voyait leurs regards méprisant, hautains. Je ne comprenait pas ce qu’ils avaient à nous reprocher, nous ne leurs avions pourtant rien fait. Heureusement père usait de sa magie pour que nous puissions passer facilement dans la petite rue du marché, les badauds oubliaient bien vite notre présence, certains gardaient même quelques secondes un regard béat. Je n’ai cependant jamais eu l’occasion de leur parler, et le temps que mes parents fassent les courses je les observaient avec attention. Des enfants chahutaient ça et là, réprimandés par les commerçants qui les trouvais importuns. De vieilles femmes portaient de lourds paniers d’osier chargés de poissons frais et de légumes. De jeunes femmes flânaient au bras de beaux jeunes hommes richement vêtus. C’était un monde nouveau rempli de bizarreries, mais il me fallait à chaque fois bien vite le quitter sans pour autant comprendre pourquoi. Père disait que moins on connaissait notre existence et plus nous étions en sécurité.
Je n’ai compris pourquoi que lorsque j’ai eu 11 ans, père considérait que j’étais en âge d’apprendre notre histoire. L’existence de notre race, notre supériorité grâce à notre magie, la chasse aux sorcières due à la jalousie des humains, le génocide, tout cela m’effrayait. Ce n’était rien en comparaison des raisons qui nous poussaient à nous cacher des humains et des sorciers bien entendu, mère m’avait raconté l’histoire de leur fuite. J’en voulait à la terre entière, ce n’était pas juste, ils ne méritaient pas ça ! Mais ainsi étaient les choses, et je me pliait à cette situation sans broncher, pour notre bien-être à tous les trois.
Malheureusement, vivre isolé du monde réel comporte son lot de désavantage, et bien vite la situation autour de nous s’envenimait. Une vague de haine venue de l’Est commençait à étendre son ombre vers l’ouest, et 2 ans plus tard à peine elle déferla sur nous comme un raz-de-marée, et personne n’était prêt pour cela.
C’est en automne 1939 que les choses ont radicalement changées. Père et mère refusaient que je les accompagne en ville plus longtemps, restant seul à la maison avec comme seul ordre de demeurer enfermé jusqu’à leur retour. Lorsqu’enfin ils revenaient, leurs visages étaient sombres, et eux muets. Lorsque l’on en parlait, de très rare fois, ils disaient que de nouvelles personnes étaient arrivées en ville, et que bon nombre d’autres étaient partis à cause d’eux. Je m’interrogeais souvent sur les raisons qui pouvaient pousser des villageois à quitter leur domicile juste à cause de l’arrivé d’autres résidents. Etaient-ils méchants ? Ou menaçant ? Je n’avais aucune réponse à mes questions, et mes parents refusaient encore et toujours d’y répondre. Avec le recul, je pense qu’ils ne cherchaient qu’à me protéger, mais ce flou permanent me plongeait dans un stress difficile à assumer lorsque l’on à tout juste 13 ans.
Tout à basculé fin septembre 1939, père passait la plupart de ses journées dehors à poser des sortilèges autour de la maison, et mère semblait tendue en permanence à mesure qu’elle usait de ses pouvoir pour empaqueter toutes nos affaires. Dans les valises de cuir volaient vêtements, nécessaire de toilette, nécessaire de survie, couvertures et livres. Je regardais ce balais incessant avec un soupçon d’émerveillement. Il est vrai que j’ai toujours admiré la grâce avec laquelle mère pouvait mouvoir tous ces objets sans même les toucher. C’est alors qu’un bouquin passant au dessus de ma tête m’interpella. Je l’attrapait aussi discrètement que possible dans le dos de ma mère, et en cachette admirais sa couverture. Un livre relié de cuir noir, écrit en lettre d’argent. Il n’y avait de titre sur la couverture que ce mot, « nécromancie », et le tome ancien pesait son poids. Ouvrant au hasard une page jaunie par les années, je lisais quelques mots. Il s’agissait de sortes de poèmes, parlant d’énergie et de vie, mais surtout de mort. Comme un livre d’horreur bien écrit, chaque ligne suscitait un frisson qui parcourait mon échine. Tout était expliqué dans les moindres détails : le fonctionnement de la vitalité et de son énergie, comment la ponctionner, comment l’utiliser, mais aussi comment la manipuler et s’en repaitre. Aussi dégoûté que fasciné, je ne pouvait détacher mes yeux de ces écrits lorsque la porte d’entrée claqua. Dans un mouvement précipité je glissait le grimoire sous mon oreiller, et me retournait pour faire face à mon père qui venait d’entrer. Il avait grise mine, et mère le regardait avec une visible expression d’inquiétude.
« Quelles sont les nouvelles ..? » demandait-elle, avec la voix tremblante.
« Ils ont pénétré dans la forêt. Je ne suis sûr de rien mais… Je pense qu’ils nous cherchent. »
« Qu’allons nous faire ? »
« Ils n’en sont encore qu’à l’orée, et mes sortilèges leurs donnent du fil à retordre. Mais j’ai peine à croire que ça les arrêtera. Je n’ai jamais vu d’humains aussi farouches, ils sont endoctrinés jusqu’à la moelle. Je crains qu’on ne doive fuir bientôt… »
« Alors nous fuirons, nos affaires seront prêtes sous peu. Ne prends que le stricte nécessaire, nous allons devoir abandonner beaucoup derrière nous… »
Père vient au contact de sa femme et l’entoura de ses bras. Tout en la serrant contre lui, il constate la vide béant de sa maison et les valises empaquetées méthodiquement. Il tourna son regard vers moi, puis d’un signe de la main m’incita à les rejoindre, ce que je fis en quatrième vitesse. Je ressentais leur stress et commençais à le subir, comme une menace pesante qui à tout moment sortirait des ténèbres pour nous assaillir de sa rage sourde.
Les yeux fermés, le silence se fit autour de nous, souligné par le murmure du vent qui se levait à l’extérieur. Un des volets de bois s’était détaché de son amarre et claquait quelquefois contre la butée de la fenêtre dans un bruit sec. Chaque coup me faisait sursauter, et je finit par me décider à quitter l’étreinte familiale pour régler ce problème plus qu’agaçant. Père aussi était piqué de nervosité, et ce tintamarre récurant semblait aussi le gêner. Arrivant au niveau de la fenêtre, je pris la poignée et commençait à la tournée, lorsque mon regard fut attiré à l’extérieur par quelque chose. Approchant mon visage de la vitre, je n’eut le temps de discerner qu’une ombre vague lorsqu’une main s’affala sur mon crâne et me força à genoux. Tournant la tête d’un geste inquiet, mon père se tenait accroupi à côté de moi, une expression d’effroi sur le visage. Il intima à ma mère d’éteindre toutes les lumières, et elle s’exécuta d’une main avant de nous rejoindre dans la pénombre. Un oeil hasardé à travers le vitrage, mon père fixait l’extérieur à l’affut du moindre mouvement, une goutte de sueur perlant sur le côté de son front.
« Impossible… ils nous ont déjà trouvés ?! »
Ma mère porta la main à sa bouche pour étouffer un gémissement, la terreur plus visiblement ancrée sur ses traits à mesure que des ombres se reflétaient sur les carreaux de verre.
Lentement, il nous fit reculer vers nos valises, nous montrant la porte arrière de la maison. Mère verrouilla la porte de devant, pris une mallette et me la donna. Je la pris sans dire un mot, elle était lourde mais ne semblait pas encore pleine, alors je me glissais jusqu’à ma couchette pour y récupérer le livre que j’y avais caché, et le mis discrètement dans mes affaires avant de rejoindre mes parents. Approchant de la porte menant sur la forêt, nous guettions tous le silence extérieur, nous assurant de l’absence de menace. Entrebâillant l’ouverture, nulle silhouette n’hantait les ténèbres, et le vent soufflant de plus en plus fort couvrait tous les sons. Mère me prit par la main, et ensemble nous nous sommes mis à courir vers les arbres. Père portait deux valises et courrait devant nous, et tandis que ma respiration s’accélérait je jetais un oeil derrière moi, voyant la maison que j’ai toujours connue s’éloigner de plus en plus. Lorsqu’elle fût à peine à portée de regard, père posta ses lests et tendis une main vers notre demeure. Peu à peu, une lumière rouge apparaissait, puis des flammes s’échappaient de la porte que nous quittions quelques instants auparavant. Tombant à genoux, des larmes se mirent à couler le long de mes joues. Je regardais impuissant la seule maison que j’ai jamais connue se faire dévorer par les flammes, emportant dans son tourbillon infernal tous les souvenirs que j’y avais vécu. Père s’agenouilla à côté de moi, mit ses mains sur mes épaules et fixa son regard au mien.
« Nous ne devons laisser aucune preuve fils, il y a trop en jeu, ces humains ne doivent jamais savoir. Nous n’avons pas le choix. »
Alors que je le regardais hagard, des voix s’élevaient au loin. Des hommes criaient, dans une langue qui ne m’était pas complètement inconnue. Je reconnus quelques mots, « Schnell », « Finde Sie ! », et sans chercher à comprendre le sens de ces interjection père me releva et m’intima l’ordre de courir. Alors sans perdre de temps nous sommes repartis, courant droit devant nous comme si le diable fut à nos trousses, mais les bagages nous ralentissaient bien trop, et les premiers coups de feu ne tardèrent pas à retentir. Des salves rapides, assourdissantes, qui faisaient voler par moment l’écorce des arbres qui nous entouraient. Je ne comprenais pas la manoeuvre, que cherchaient-ils à faire ? C’est comme s’ils tiraient à l’aveuglette, espérant toucher quelque chose sans trop de succès. Le terrain n’était clairement pas à notre avantage, les récentes intempéries avaient rendu le terrain boueux par endroit, ralentissant notre cavalcade mais aussi nous forçant à laisser des traces évidentes de notre passage. Cette course effrénée eut finalement raison de ma résistance, et je finit par glisser sur la terre meuble en me tordant la cheville. Un cri de douleur m’échappa, j’étais incapable de me relever. Père donna une de ses charge à mère et vient à mon secours, m’empoignant d’une main et me portant contre son torse. Je sentais son coeur battre à tout rompre, sa respiration inconstante et rapide, et malgré le froid nocturne depuis longtemps installé il transpirait comme une bête. De ma position, je pouvais voir nos poursuivants se rapprocher toujours plus. Bientôt ils seraient sur nous, et alors c’en serait fini.
Père s’arrêta de courir, et mère arriva à notre niveau. Il me déposa à terre, le souffle court, et regarda ma mère intensément. Elle secoua la tête, comme incrédule, et murmura « non » plusieurs fois. Père la serra contre lui brièvement avant de l’embrasser, puis il m’embrassa sur le front à mon tour. Alors il nous poussa tous deux et hurla comme jamais auparavant.
« COURREZ !! »
Mère me prit par la mains et se mit à courir, abandonnant une valise derrière elle. Ma cheville encore douloureuse ne me permettait que de trottiner en boitant, et impossible de jeter un dernier coup d’oeil à mon père, resté derrière pour ralentir nos poursuivant. Dans le noir apparurent soudain des éclairs, et les coups de feu se firent entendre. Les cris perçaient les ténèbres et me glaçaient le sang, la douleur était insoutenable mais je continuait à cavaler, poussé par une force invisible. Lorsque nous furent assez loin, les coups de feu avaient cessés, le silence était revenu. Assis au bord d’une petite rivière, je soulageais ma cheville dans l’eau gelée sans dire un mot. A côté de moi, mère guettait les arbres.
« Mère..? »
Mais elle ne répondit pas. Elle finit par me relever et m’aider à remettre ma chaussure, après avoir bandé ma cheville avec un haillon de sa veste. En suivant, nous reprirent notre route, en marchant cette fois-ci en suivant le cours de l’eau, dont le clapotis aspirait mes pensées. En l’espace d’une heure à peine, le cours de ma vie avait basculé irrémédiablement, et je fuyais sans savoir pourquoi vers une destination qui m’était totalement inconnue. Ma poigne se serra autour de la main de ma mère, qui répondit par une pression réconfortante.
« Ne t’en fais pas, ton père nous rejoindra bientôt. Après tout il est l’un des mages les plus forts sur terre, rien ne peut lui arriver pas vrai ? »
Cette phrase me redonna un peu le sourire, elle avait raison, père était un puissant mage qui avait appartenu à une grande organisation, il avait même occupé une place importante ! Ce n’était pas des humains qui allaient lui faire du mal, j’en étais convaincu. Je souriais alors a ma mère, et elle me répondit d’un léger rictus d’inconfort. J’ouvrai à peine la bouche pour lui donner raison quand un éclair fendit les cieux et résonna d’un bruit sec, à quelques mètres à peine derrière nous. Mes yeux s’écarquillent à mesure que ma mère s’écroulait sur le sol devant moi. Je restais là, debout, l’air effaré, voyant la femme qui m’avait donné la vie affalée dans l’eau, le visage immergé. Peu à peu la rivière changea de couleur, et l’eau si cristalline vira au rouge. Absorbé par cette vision d’horreur, je ne réagit même pas lorsque des hommes en uniformes sortirent du bois et pointèrent leurs armes vers moi, hurlant des injonctions en allemand. Le sang battait dans mes tempes, je tombais à terre et pris la manche inerte qui trainait au sol, tirant dessus.
« Mère…? Mère…?! MAMAN !!! »
Les larmes vinrent toutes seules, et de muets sanglots s’échappèrent lorsque je réalisait qu’elle ne vivait plus. Alors je restais là, à genoux dans l’eau, à la fixer dans un silence terrifié. Toutes pensées m’avaient quitté, il ne restait plus dans mon esprit secoué qu’une seule question : « pourquoi ? »
Je tournais la tête vers ma gauche, et mes yeux vides se posèrent sur un individu mieux habillé que les autres. Rasé de près, il arborait un uniforme grisâtre sur la poitrine duquel était figée une médaille en forme de croix grise, au centre de laquelle une croix bizarre était gravée.
Lorsque nos yeux se rencontrèrent, il s’accroupit à mon niveau et pris mes cheveux dans une de ses mains. Aucune réplique de ma part, comme une marionnette entre ses mains je me laissais faire sans broncher. Puis il me lâcha, un sourire satisfait aux lèvres, et après un bref signe de la tête je recevais un violent coup à l’arrière du crâne.
A mon réveil, mon crâne et ma jambe me faisaient souffrir. Il faisait grand jour et j’étais couché à même le sol dans un véhicule en mouvement. Deux hommes armés étaient assis sur des bancs de bois, de chaque côté de l’habitacle, et me dévisageaient tous en discutant. Ma tête bourdonnait, et j’avais trop peu de forces pour pouvoir me relever. Peu à peu me revinrent en mémoire des souvenirs de la nuit passée. Alors ils étaient morts, tous les deux… nul ne servait de le demander, je le sentais, comme un pressentiment ou un trou dans ma poitrine. Mes yeux vides fixant la tôle verdâtre au dessus de moi, je cherchais quelle émotion m’animait entre la colère, le dégout, la peur et la tristesse.
Mes pensées furent coupées court par un freinage aussi brut que soudain, et sans plus de temps pour comprendre la situation les deux hommes me saisirent par les épaulent et me jetèrent hors du camion. La chute fut dure mais je réfrénais sans mal le cri de douleur. Redressé à genoux, je regardais lentement le paysage qui se découvrais autour de moi. Des gens étaient parqués en file d’attente, entourés par le même type de personnes qui m’avaient arrêtés et escortés, et semblaient être groupés sous la menace de ces armes sans aucun doute chargées. Une sorte de poste frontière était installé, avec de nombreux camions arrêtés en travers d’une large rue. Les gens en file semblaient être répartis par immeubles, et chacun se voyait remis un brassard blanc ou figurait une étoile bleue brodée dessus.
Tandis que mon regard balayait ce triste panorama, mes yeux s’arrêtèrent et se figèrent sur un homme. C’était lui, celui qui m’avait fait prisonnier, celui qui avait fait tuer mère et père, celui à cause de qui tout avait basculé. L’allemand à la médaille. C’est sans réfléchir que j’ai bondit sur mes pieds, le poing brandit de fureur et m’élançait vers lui. Je fut bien vite stoppé dans ma course par un violent coup de crosse à l’abdomen, offert gracieusement par l’un des soldats sous l’hilarité générale de ses compères. Une fois de plus à genoux, mains sur le ventre et cherchant ma respiration, je relevais lentement la tête vers ce monstre à visage humain. Il me regardait de haut avec une expression impassible, un air bien supérieur à la limite de la suffisance. D’un claquement de doigt, il se fit apporter une valise. Ma valise. Sans plus de cérémonie, les soldats l’éventrèrent et en vidèrent le contenu. Mes vêtements s’éparpillaient sur le sol, foulés au pied par ces chiens, et étaient remués à la recherche d’objets de valeur sans doute. Après quelques secondes, l’un d’eux sorti de cette masse souillée un livre. J’avais complètement oublié l’existence de cet ouvrage, et il était maintenant le seul souvenir qui me restait de mes parents. Lorsque celui qui semblait être leur chef se fit remettre mon précieux grimoire, je tandis une main vers lui. C’était tout ce qui me restait, je ne pouvais me résoudre à le lui laisser. Pourtant, il fit volte-face sans dire un mot et s’éloigna. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, la tristesse ne vint pas et laissa place à l’amertume et la résignation. Les yeux rivés vers le sol, quelqu’un jeta un brassard devant moi.
« Ramasse ! »
La voix était sèche, stricte, et ne semblait pas vraiment me laisser de choix. Trainant mes genoux à terre, j’avançait lentement vers mon bagage détruit. Remettant mes affaires dedans comme je le put, je finit par me relever. Un nouveau coup de crosse sur l’épaule m’indiqua qu’il était temps d’avancer, de presser le pas, et je m’exécutais sans broncher.
A mesure que nous marchions dans la direction indiquée par mon escorte, nous doublions des familles en pleurs, des gens aux visages bien sombres, et de plus en plus de soldats. C’est en arrivant au niveau de larges grilles que je compris que ma liberté venait elle aussi de m’être retirée. Un passage d’une dizaine de mètre, encerclé de hauts murs de béton et de grillage hérissé de pointes, donnait accès à un quartier sordide aux allures de prison.
« Bienvenu chez toi, mein kleins kind. »
C’est à coup de bottes sur les fesses que je fut projeté contre mon grès dans la rue devant moi. Serrant ma valise contre mon torse, je paniquais un peu plus à mesure que j’errais en ligne droite. De part et d’autre, les allemands casaient les gens par familles entières dans des appartements de la taille d’une chambre, et les oubliés essayaient de se faire une place où il restait encore un peu d’espace. Dans ce foutoir complet, c’était premier arrivé premier servi semble-t-il, et j’étais loin d’être le premier sur les lieux. On me dévisageait par la fenêtre, mais fermait les rideaux lorsque j’hasardais un oeil dans leur direction. Ça puait le malheur et l’insalubrité à plein nez, qui irait faire de la place pour un gamin égaré ?
Arrivé au bout de la rue, personne ne m’avait adressé la parole, et lorsque je regardais derrière moi les allemands avaient disparus. Seul, perdu, abandonné de tous, je m’assis par terre sur un trottoir et plongeais la tête dans mes genoux recroquevillés. Le temps passa comme si chaque seconde durait des heures, et seules les voix de l’attroupement à la porte principale résonnaient dans le quartier désert. Pourquoi, comment en étais-je arrivé là ? Qu’avais-je fait au monde pour que l’on me traque ? Qu’avais-je fait aux humains pour qu’il me parque comme un animal ? Tant de question qui suscitaient en moi une tristesse grandissante. Les larmes ne venaient cependant pas, la fatigue l’emportant peu à peu. C’était bien trop à gérer pour un enfant seul, et le désespoir prenait le pas sur tout le reste. Tandis que la nuit commençait à tomber, je me décidais à faire ce que les résidents n’avaient pas fait pour moi : faire un pas vers eux. J’entrepris de sonner à plusieurs portes, mais nul n’ouvrait ou acceptait de me faire rentrer. Déambulant maladroitement de palier en palier, la résignation finit par me gagner. Une dernière porte, c’était ma limite. Si celle-ci demeurait close, j’irai chercher ne ruelle ou passer la nuit.
C’est sans espoir aucun que ma frêle main tremblante cogna mollement le bois de la porte. De longues secondes de silence s’écoulèrent, mais toujours rien. Trainant les pieds, je tournais lentement de dos, le regard vide, lorsque le bruit d’un verrou me stoppa. Regardant de nouveau derrière moi, c’est une petite grand-mère qui apparut dans l’entrebâillement à peine éclairé d’une bougie. Elle semblait âgée, mais n’hésita pas une seconde lorsqu’elle me vit. Elle sortit et tendit une main chaleureuse vers mon visage.
« Mon pauvre garçon, que fais-tu seul à cette heure ? »
Je n’ai pas osé répondre, me contentant de baisser la tête les larmes aux yeux. Elle ne dit aucun mot, et prit doucement ma main pour me tirer vers l’intérieur. Il faisait frai, mais tout de même plus chaud qu’à l’extérieur. La maisonnette, car on pouvait difficilement appeler ça autrement, se résumait en une seule pièce. Dans un coin trônait un poêle à bois qui tournait au ralentit à coté d’un évier en fer rouillé. Un lit se trouvait de l’autre côté, au pied d’une petite table en bois, et servait entre guillemet de paravent pour des toilettes verdâtres. Ça ne respirait vraiment pas la fraicheur. La seule touche de gaieté résidait en un piano adossé au mur face à l’entrée.
« Tu dois être gelé, viens donc t’assoir. »
Je pris place sur le bout de la couchette, et la vieille dame entoura mes épaules d’une couverture de laine. Elle me posa quelques questions auxquelles je ne répondit pas, d’où je venais, où étaient mes parents, et finit par accepter mon silence. J’étais perdu, c’était un fait, mais perdu dans mes pensées surtout. Je n’avais plus confiance en personne, ni foi en rien. Mais la grand-mère ne semblait m’en tenir rigueur. Elle m’apporta un bol de tisane, tellement insipide que ça ne semblait être que de l’eau, mais le geste me réchauffa le coeur presque autant que la boisson me réchauffa le corps.
Accablé par la fatigue et les épreuves, je sombrais vite dans le sommeil. Mon hôte m’avait cédé la place dans le lit, et s’était accoudée à table pour y passer la nuit.
A mon réveil, rien n’avait changé. J’étais toujours dans cette petite chaumine, dans le même quartier. Rien de tout ça n’avait l’air d’un rêve, la dure réalité me revint comme un coup de massue en pleine visage.
Je fis plus ample connaissance avec la vieille juste après mon réveil. La tourmente d’hier soir s’était quelque peu apaisé et j’étais un peu plus ouvert au dialogue, bien que conservant une position défensive et semi-fermée. Elle se faisait appeler mémé Nana par les gosses du quartier, parce qu’elle était âgée sans doute. Elle vivait seule ici depuis le décès de son mari quelques semaines auparavant, et subsistait grâce aux rares provisions qu’elle parvenait à se procurer en travaillant à la boutique du quartier. Elle m’informa sur les lieux, que l’on nommait le Ghetto, en plein coeur de la ville de Varsovie. Les allemands y avaient réunis toute une race qu’ils disaient mauvaise, et les avaient confinés au même endroit tout en les privant de leur liberté et de leurs droits.
Ces juifs me rappelaient l’histoire que père me racontait sur nous autres sorciers, une race que les autres voyaient d’un mauvais oeil et cherchaient à éliminer. J’avais tant entendu parler de la traque, de la capture et de l’élimination de mes ancêtres que j’en avait des sueurs froides. Même sans être juif, j’avais été dénoncé comme l’un des leurs et mon sort fut décidé à mon insu par une nation qui prônait sa suprématie sur toutes les autres.
Les parias juifs portaient l’étoile de David pour désigner leur appartenance à la communauté des exclus, et étaient maltraités à chaque occasion par les citoyens et les forces armées allemandes.
J’étais incrédule devant tant de révélations insensées. Des êtres humains éliminant des êtres humains, juste pour une histoire de croyance ou d’origine, ça ne faisait aucun sens pour moi.
Mais la réalité était là, j’étais désormais prisonnier avec tous les autres, un indésirable de plus aux yeux de tous. Je me refusait à l’admettre, et sur un coup de rage j’arrachais ce brassard ridicule que l’on m’avait obligé à porter et m’enfuit en claquant la porte, ignorant les avertissements et les appels de Nana. Je courrais à en perdre haleine vers la porte, bien décidé à décamper d’ici. Arrivant enfin devant la grille fermée et gardée, des soldats me barraient la route.
« Laissez moi passer, je ne suis pas juif ! »
Mon injonction provoqua chez mes geôliers un fou rire, comme si j’eut raconté la meilleure plaisanterie qu’ils aient entendu. L’un des soldats tapota l’épaule de son camarade, et pointa mon bras. L’hilarité se calma, et l’un deux prit enfin la parole.
« Ça ne va pas mein kleins, tu ne dois pas retirer ton étoile. »
« Mais puisque je vous dit que je ne suis pas juif, vous faites erreur ! »
Les soldats se regardèrent, un sourire en coin, avant que le bavard ne reprenne la parole.
« Nous te croyons kleins kind, tu peux sortir. »
Il se retourna et tira le battant de fer vers lui. J’entrevoyais le chemin grisâtre pris à l’allée, et avec lui l’espoir de sortir de ce trou. J’avançait un pied, une esquisse de sourire aux lèvre, lorsqu’un coup de poing puissant vint s’écraser sur mon visage. Projeté au sol, je ne put me relever et prit ainsi un coup de pied dans l’estomac, puis un autre dans le dos. Ce que je croyais être mon billet pour la sortie se transformait peu à peu en un passage à tabac gratuit, à mesure que la grille se refermait. Les coups pleuvaient sur moi, et lorsqu’enfin leur acharnement s’eut tari, ils me prirent par les épaules et me trainèrent je ne sais où. Pendant de longues minutes mes chaussures raclaient le pavé boueux et les trottoirs, jusqu’à ce que l’on arrive au pied d’une bâtisse mieux entretenue que le reste du Ghetto. Les soldats ouvrirent la double porte centrale et me jetèrent au sol au centre de la pièce. Avant qu’ils ne s’éclipsent je les vis faire une sorte de salut, puis tourner les talons. Enfermé dans cette pièce, au sol comme un chien battu, j’attendais désemparé que quelque chose se passe.
« Alors comme ça tu n’es pas un juif ? »
Je levais mon regard chancelant, une paupière enflée par les multiples coup, pour me retrouver aux pieds du médaillé. Les bras dans le dos, toujours droit comme un i, il jetais sur moi son regard dur et froid. Je me redressait à grand peine, mais bien déterminé à me défendre.
« Je…! »
Je n’eut le temps de formuler une phrase, un coup cinglant et vif m’entailla la joue. Je portais une main à mon visage endolori. L’homme cachait une cravache, et tel un animal il me corrigeait avec. Un nouveau coup suivit le premier sur l’autre joue, la gratifiant elle aussi d’une estafilade.
« Lorsque je parle tu dois te taire, kleins kind. Cela s’appelle la discipline. Connais-tu la discipline ? »
Mes yeux emplis de rage ne cillaient pas un instant, ancré aux siens comme si j’eut pu le fusiller du regard. Son visage se ferma soudainement, il semblait passablement irrité.
« Je n’aime pas ce regard. Trop révoltant, tu dois être plus docile. »
Et sans un mot de plus il m’infligea un nouveau châtiment. Bien résolu à ne pas laisser entrevoir la moindre faiblesse, je ne cédait à aucun coup, ce qui eut le don de l’énerver.
« Tu veux montrer que tu es fort ? Bien, je vais te mater ! Tanz mit mir ! »
Les histoires courtes étant les meilleures, il s’acharna avec un sadisme tel que je ne tenais plus debout, et rappela ses soldats qui viennent m’évacuer dans la rue. Je restais là, allongé dans le froid et la boue, et tous ces juifs qui me regardaient crever à terre sans bouger le petit doigt. Je les haïssait, tous autant qu’ils étaient.
Le temps passa et je perdait le contrôle de mes pensées, lorsqu’une main se posa sur mon épaule.
« Mon pauvre enfant, que t’ont-ils fait… »
De mes paupières mi-closes, je vis mémé Nana penchée au-dessus de moi, à genoux dans la boue. Elle semblait visiblement bouleversée et inquiète pour moi, et ce fut la première fois que dans ce ghetto je sentis un semblant d’humanité.
Je me suis réveillé dans la maisonnette de la vieille, le visage et le corps intensément endoloris. Elle avait prit le soin de me faire quelques bandages et de penser mes plaies, mais j’étais trop faible pour bouger. J’avais une dette envers elle, et pris la décision de lui venir en aide à mon tour une fois guéri.
Le temps passa dans le ghetto, la vie était un véritable enfer. De plus en plus de gens arrivaient, d’autres partaient, la plupart mourrait que ce soit de maladie ou tué aléatoirement par des officiers à la recherche d’un peu d’amusement. Le travail ne payait pas ici, les seuls moyens de se procurer combustible et nourriture étaient soit d’avoir les allemands à la bonne -et de passer pour un traitre ou un lèche cul- soit de voler. Jamais je ne me serait rabaissé à courber l’échine devant ces envahisseur esclavagistes, c’est donc de la deuxième option que je nous faisait vivre mémé et moi. Bien qu’elle me remontait les bretelles sans cesse pour mes exactions, ce que je nous ramenait nous permettait de nous nourrir au dépend des autres. C’était risqué voire dangereux, mais je n’avais pas d’autre options.
En contrepartie, mémé m’apprit à jouer du piano. Feu son mari était pianiste dans un cabaret de Varsovie avant l’arrivée des allemands. Il souffrait d’une maladie qui demandait des soins réguliers, mais le ghetto eut raison de lui peu de temps après son incarcération. Elle vivait donc ici, seule, forcée de trimer 12 heures par jour pour la Kommandantur à son âge.
Après plusieurs mois dans des conditions inhumaines, le caractère endurci des premières semaines avaient laissée peu à peu place à une attitude désabusée. Enjamber des cadavres dans la rue était monnaie courante et ne semblait plus choquer personne. Seuls les Deutch, ou Bosch comme on les appelait discrètement, riaient encore aux éclats en troquant une cigarette à des gosses contre des danses fantaisistes pour se divertir. La connerie humaine m’exaspérait à un tel point que j’aurai aimé les voir mourir séant, à gesticuler comme des singes et marchander leur honneur et leur fierté pour une poignée de cacahuètes salées.
La haine me donnait des ailes, sans doute un peu trop. Une nuit je me suis introduit dans le poste de garde pour y voler des vivres, mais je fut pris la main dans le sac. Tabassé une fois de plus, la douleur ne fit qu’embraser la flamme du courroux qui m’animait. Ils me savaient indomptable, les cicatrices de leurs corrections faisant foi des nombreuses tentatives de m’amadouer, mais rien n’y faisait. Hélas, j’avais franchi le seuil de tolérance de mes geôliers, et j’allais en payer le prix fort.
Trainé une fois de plus devant leur chef SS, le médaillé à l’uniforme gris, je me tenais sans crainte dans une position de défi. Comme à l’accoutumé il me dévisageait froidement d’une mine irritée. Il se leva de son bureau et fit quelques pas dans la pièce, ne laissant résonner que le claquement de ses talonnettes sur le parquet massif.
« Tu fais encore le pitre, tu n’apprends pas. Et pourtant t’es-tu déjà demandé pourquoi je te laisse en vie quoi que tu fasse, Kleins kind ? »
Il touchait un point sensible. J’ai déjà vu des juifs se faire fusiller pour le quart de ce que j’ai fait, et malgré tout j’étais encore de ce monde. Pourquoi donc vouloir me garder en vie ?
Pendant que je m’interrogeais, il se dirigea vers une bibliothèque et en tira un gros bouquin relié de cuir noir. C’était mon livre, celui qu’il m’avait retiré le jour de mon arrivée.
« Il n’y a rien de semblable. Il est unique, et m’intéresse au plus haut point. Mais je me pose ein frage, comment ein kleins kind comme toi peut être en possession de pareil ouvrage ? J’ai beau essayer de le lire je n’y comprend rien. Voilà pourquoi je te garde en vie. »
Déchiffrer ce livre, c’était ça la raison de ma survie ? Il était tant avide de comprendre ces écrits qu’il comptait sur moi pour lui en faire la traduction ? Un rire m’échappa, mais fut bien vite calmé par un souvenir. Celui de mon père, avant tout ce merdier, et cette phrase qu’il me répétait : « les humains ne doivent jamais savoir »
« Tu peux toujours rêver Friedrich. »
Tenant l’ouvrage dans ses mains, il me tourna le dos tout en soupirant dans un polonais approximatif.
« Je savais que tu dirais cela, j’ai voulu être sympathique avec toi mais tu es mauvais, tu ne me laisse pas le choix Klein. »
La porte du bureau s’ouvrit et deux gardes entrèrent en trainant quelqu’un. J’écarquillais des yeux horrifiée en reconnaissant mémé Nana sous les ecchymoses et le sang qui coulait de son arcade sourcilière. Les soldats la jetèrent aux pieds du SS, qui tira son révolver de sa ceinture pour la pointer vers la tête de la vieille dame. J’allais accourir vers elle mais elle leva sa main vers moi, non pas en supplication mais pour me stopper, et fit un non avec la tête. Les larmes commençaient à me monter aux yeux, lorsqu’elle afficha un sourire. Elle articula un mot : merci, puis le coup de feu retentit. Le sang fut projeté partout sur le mur et sur moi, et je me laissait tomber. Mon corps tremblait de partout, et mon regard vide était happé par cette scène d’horreur. D’abord ma mère, et maintenant mémé m’étaient retirés devant mes yeux. Elle emportait avec elle tous les sentiments qui me restait, et tout ce qu’il y avait d’amour en moi, ne laissant qu’une coquille vide.
« Tu vois ce que tu m’oblige à faire ? Il faudra nettoyer le tapis maintenant. Et c’est toi qui va le faire. »
Il enjamba la dépouille inerte et se planta en face de moi, puis s’accroupit à ma hauteur. Il saisit mes cheveux et releva ma tête qui pendait mollement à mon cou.
« Oh, et pour toi ce sera Her Hauffmanstal, ne t’avise plus jamais de me défier ou de prononcer mon prénom. Verstanden ? »
Puis il quitta la pièce. Les soldats m’apportèrent un balais et un seau d’eau, et me remirent debout. Je suis resté là, à regarder le corps de celle à qui je devais tant. Les Bosch ne me laissèrent pas le temps de faire mon deuil, et pour m’humilier encore plus c’est moi qui dut retirer le cadavre de la pièce. Trainant la vieille par les pieds jusqu’à la rue, elle fut chargée sur la charrette, avec les autres macchabés du jour.
Je mis plus d’une heure à retirer le sang des murs et du sol, et mes vêtements étaient imprégnés de rouge carmin. Lorsque j’eut fini, on me guida vers une petite pièce à la porte d’acier. Il s’agissait de ma nouvelle chambre. Un carré de 4 mètres de coté sans fenêtre, éclairé par une ampoule unique qui grésillait. Pour tout mobilier, une couchette sans couverture et un bureau sur lequel trônait le maudit livre.
J’ai passé quelques jours enfermé, dans le silence du bourdonnement de l’ampoule à incandescence, sans visite ni nourriture. Allongé sur le maigre matelas, je fixait le plafond, l’esprit vide, immobile. Je perdais la fil du temps, le sens du jour et de la nuit, l’isolement physique et mental le plus parfait. Quelquefois un soldat venait, me faisait mettre à nue et fouetter à coup de ceinturon, mais jamais à la même heure. C’était sporadique, le but simple étant de me faire perdre le compte des heures. Il me laissait de temps à autre un morceau de pain et un pichet d’eau, et en partant m’assaillait sur la chaise en face du bouquin. Il tournait les pages certaines fois, après que j’eut passé quelques heures le regard vide à fixer la même feuille.
Je ne bronchait même plus, comme un pantin je recevrait les coups sans gémir, clignant parfois des yeux lorsqu
Dans l’ombre de ces évènement vit tout un écosystème, dissimulé aux yeux de tous. Les vampires usent du conflit comme couverture pour pénétrer dans le pays en quantité, quand aux Humains qui vivent dans la confidence ils s’organisent peu à peu, réunissant quelques personnes capable de tuer les buveurs de sang. Les changelins restent invisibles autant que faire se peut, comme nous autre sorciers. Notre existence est un secret millénaire qui ne doit jamais être divulgué, et à l’époque tous les moyens sont bons pour s’assurer de la survie de ces cachotteries. L’Enclave existe depuis toujours, elle remonte à l’origine de ce monde tout comme l’existence des personnes capable de manière l’énergie de la nature, depuis les premiers mages.
Elle dirige le monde magique d’une main de maitre coiffée d’une poigne de fer, d’une manière bien différente et moins laxiste qu’aujourd’hui. Le tout puissant Secret possède le pouvoir d’enfermer et condamner tout contrevenant à sa loi, qu’il exerce en toute impartialité devant le conseil des mages de l’Enclave. Il s’agit d’une tâche ardue, assujetti à une discipline stricte et formelle. Ogumo Natsuki occupait ce rôle depuis presque un siècle, connu parmi les maitres enclaviste pour son manque exubérant de sympathie et son amour absolu de l’ordre et de la loi. Il ne faisait jamais de cadeaux et ne donnait aucun signe de clémence au moment de rendre la sentence. Afin d’affermir son emprise sur le peuple sorcier, il avait interdit (de concert avec la Justice) à tout sorcier nippon de quitter le sol Japonais jusqu’à la fin du conflit en Europe. Tout contrevenant était puni d’une assignation à domicile étroitement surveillée, mais les récidivistes qui réussissaient par miracle à échapper à la tutelle encouraient les peines les plus lourdes. La détention n’était pas la plus à craindre, car l’on racontait que dans l’ombre se tramait des choses plus horribles encore, et que jamais ceux qui furent enfermés ne revinrent de leurs cachots.
Maitre dans la manipulation des énergies, Ogumo s’était orienté vers la voie dangereuse de la nécromancie, mais sa position et sa puissance croissante lui avaient fait perdre de vue l’objectif de tout mage. Il abandonna la quête du savoir pour celle de la puissance. Les années passèrent et détériorèrent la santé physique et mentale de cet homme, autrefois illustre mage.
Il fut emporté par l’âge et la maladie en 1916, à 237 ans, après une vie de tyrannie sur les siens. Afin de sauver les apparences, sa folie des grandeur fut mise sur le compte de sa magie contre-nature qui lui rongeait l’esprit jusqu’à le guider dans les méandres de la frénésie. C’est ainsi que se conclut le rapport officiel, la page se tournait et une autre commençait à s’écrire. Maitre Natsuki laissait derrière lui un poste vacant d’une importance ridiculement exagérée, mais aux responsabilités immenses. Pèseraient sur les épaules de son successeurs les mêmes impositions et missions qu’il avait prit tant de plaisir à mener à bien de son vivant.
C’est donc tout naturellement que l’on posa sur son trône de Secret le fils même du défunt. Le jeune Otsubo Natsuki, âgé de 41 ans. Un adulte auprès des humains, mais un jeune néophyte aux yeux des anciens, qui attendaient tout de même beaucoup de lui malgré son manque d’expérience.
Mais la vérité est bien différente derrière les apparences. Il haïssait son paternel, un homme sans coeur qui les a abandonnés lui et sa mère, un fou violent et grossièrement exigent. L’excellence qu’Otsubo laissait reluire devant ses pairs n’était qu’un pâle reflet des nuits blanches qu’il passait à perfectionner sa magie sous le regard méprisant d’un père horrible. Il était tout l’inverse de son géniteur, un homme intègre et compréhensif, ouvert à l’expérience et à l’erreur. Sa première décision en temps que Secret fut d’abolir les peines qu’avait instauré son père et qui pesaient comme une épée de Damoclès sur chaque sorcier du territoire. Hélas, il se heurta à la véhémence des autres membres de l’Enclave. Ce système patriarcale et dictatorial l’exaspérait du plus profond de son être, mais qui était-il pour imposer sa volonté aux anciens ? Il ne put que se plier aux règles, et en signe de clémence la Loi fut modifiée. La peine capitale était maintenue, mais dut être allégée. Otsubo Natsuki, à l’instar de son père, était un maitre dans la manipulation des énergies. Mais la peur que lui inspirait la magie noire de son père l’avait empêché de se lancer sur ses traces. Il avait décidé d’entreprendre la voie de la métamagie, et quel ne fut pas son bonheur lorsque jeune encore il découvrit une affinité pour ce type de sorcellerie. En accords avec ses pouvoirs, l’emprisonnement devint une peine d’incapacitation. Parmi les sorts que le nouveau Secret possédait se trouvait un puissant sortilège de manipulation de la mémoire, ainsi qu’un drain total de l’énergie magique. Ainsi, les exactions des mages furent punie d’une condamnation à une pathétique vie humaine tout ce qu’il y a de plus normal. Leur magie et leur mémoire leurs étaient dérobés, faisant d’eux le citoyen lambda, retrouvant une espérance de vie tout ce qu’il y a de plus humaine et des souvenirs faux d’un passé inexistant.
Les anciens étaient satisfait de leur nouvelle recrue tant qu’il agissait comme un animal docile et obéissant, destinant ce jeune mage à de grandes choses dont il ne voulait même pas. Pour tout dire, il exécrait cette partie de son travail. Il rêvait d’égalité et d’entraide et non de domination. Pour lui l’Enclave devait changer, cette simili monarchie dictatoriale devait laisser la place à une démocratie, où le peuple puisse prendre la parole et prendre part aux décisions qui le concerne. Mais il étaient encore trop tôt, il savait qu’il n’était pas encore de taille à affronter les autres membres et qu’ils le jetteraient sans remords. Il décida de prendre son mal en patience, et il patienterait, jusqu’à qu’il soit prêt.
Moins d’un an plus tard, c’est à la faculté de magie de Nakanoto qu’il rencontra l’Amour, lors d’une visite officielle. Cette jeune professeure de deuxième année l’avait instantanément fait tomber sous son charme, et réciproquement. Mei Mikogami était une belle jeune femme de 27 ans, à la longue chevelure noir ébène. Ils ne mirent que peu de temps à officialiser leur relation, pour leur plus grand bonheur. Malheureusement, ces évènements n’étaient pas au gouts des autres enclaviste. Ce comportement volatile l’éloignait peu à peu de ses tâches, et l’avis de cette femme renforcent sa véhémence envers le système en place. Pour eux plus de doute il est devenu un poids mort et une menace, qui doit être éliminée.
C’est ainsi qu’une nuit, entre le 15 et le 16 Août 1917, s’opère une effraction dans la petite maison qu’occupaient le couple depuis peu. Une milice de 3 sorcier s’introduit par la baie vitrée. Grand mal leur prit, s’attaquer à un membre de l’enclave, aussi jeune soit-il comporte son lot de danger. Chaque pièce était protégé d’un puissant sortilège, qui permit aux deux amants de gagner le temps nécessaire pour une fuite en catastrophe. C’en était trop, et Otsubo savait pertinemment qu’il ne serait pas de taille à affronter ses anciens collègues. Usant de ses connaissances du fonctionnement de l’ennemi, il réussit -à grande peine- à s’effacer de leurs radars, et au prix de longs efforts il finit par quitter le pays. Voyageant de longs mois dans la clandestinité, ils finirent par atteindre un petit village perdu en Pologne. Le pays étant situé proche de l’Allemagne qui vient de perdre la guerre, personne ne viendra les chercher dans une contrée en ruine, aussi ont-il acheté discrètement une petite maison perdue dans la forêt à 5 kilomètres du village le plus proche. Il y vivent une vie d’ermite pendant de nombreuses années, se contentant d’un passage éclair en ville une fois par mois pour acheter les denrées de première nécessité.
Puis un beau jour, Mei tomba enceinte. Une excellente nouvelle pour le couple qui à eu le temps d’aménager leur espace de vie pour recevoir le nouveau né, qui arriva vers midi un 3 Août 1926. C’est ainsi que je suis né, d’un couple aimant vivant dans la précarité la plus basique qui soit. Néanmoins, j’ai grandit dans un véritable cocon d’amour, ne manquant de rien ou peu s’en faut. La forêt que nous habitions était un terrain de jeu parfait pour un jeune garçon, et mes parents avaient eu tout le temps nécessaire pour poser quelques sortilèges nous permettant de disparaitre aux yeux de tous. J’escaladais les arbres, observais les animaux, je vivais dans la plus grande des insouciances. Lorsque je fut arrivé en âge de manifester mes premières pulsions magiques, à 6 ans, père entreprit de me former. Expert en métamagie, il tenta maintes fois de m’initier à cet art subtil, sans pour autant réussir. Impossible pour moi de lire un esprit ou de former des liens magiques. Mère tenta de m’apprendre la télékinésie, et ce fut tout autant un échec. Les livres que nous avions à notre disposition ne servirent eux aussi à rien, la magie élémentaire ne convenait pas, de même que la magie utilitaire ou la magie blanche. Jour après jours, tous les tests se concluaient par des échecs plus cuisants les uns que les autres, au désespoir visible de l’ancien Enclaviste.
Un soir, alors que j’étais couché, j’ai entendu une conversation entre mes parents. La voix de mon père était empreinte d’amertume et d’un certain désarroi, tandis que ma mère tentait de lui remonter le moral.
« Comment se peut-il que rien ne marche ? J’ai pourtant tout essayé il ne réussit en rien… Il possède pourtant des capacités, alors pourquoi ne manifeste-t-il aucune affinité pour tous les types de magie existants ?! »
« Il n’est peut être pas encore prêt, il se peut qu’il soit encore trop jeune. Soit patient avec lui, le jour viendra où il manifestera un interêt pour quelque chose. Et si ce n’est pas le cas, peut-être a-t-on omit d’essayer quelque chose ? Il existe tant de possibilité, certaines nous ont sans doute échappées ? »
« Impossible, il n’en reste qu’une seule. Tu sais de laquelle il s’agit. Je refuse que mon fils s’engagent sur la même voie que « lui ». C’est trop dangereux, jamais je ne pourrait l’accepter ! »
« C’est de notre fils que tu parles, il n’est pas ton père ! Si nous lui apprenons à se servir de ses pouvoirs, il ne commettra pas les mêmes erreurs. Il pourra devenir un puissant sorcier, unique en son genre. Il pourrait changer les préjugés que notre peuple à sur cette magie particulière. »
« Particulière ?! Elle est tout bonnement contre-nature ! Ses partisans sont maudits, condamnés à la mort ou à la folie, est-ce là le futur que tu lui réserve ? Et comment peux tu imaginer qu’il change quoi que ce soit, nous sommes des fugitifs recherchés. S’ils apprennent qu’il est mon fils, Notre fils, ils le traqueront et le tueront. Je ne veux pas ajouter à cette vie de misère un poids aussi conséquent sur ses épaules, je ne le supporterait pas… Je préfère encore qu’il ne soit jamais mage que d’entrer dans ce monde comme un monstre. »
« Tu penses à lui ? Ses parents sont Sorciers, tu ramènes des courses à la maison sans même les acheter en manipulant la mémoire des humains et j’accomplie toutes les tâches ménagères sans jamais toucher un outils, pourras-tu lui expliquer qu’il n’a rien d’aussi exceptionnel quand il sera en âge de se poser des questions et de chercher des réponses ? »
« Nous n’y sommes pas encore, chaque chose en son temps. »
Complètement perdu par ce que je venais d’entendre, j’hasardais un oeil timide pardessus mon épaule. Père était debout près de la bibliothèque, où il saisit un grimoire apparemment très ancien qu’il posa ensuite face à mère.
« Jamais il ne doit lire ce livre. S’il lui prendrait l’envie de faire ses propres expérience je ne l’en empêcherait pas, mais jamais avec ce bouquin. Avec un peu de chance ses affinités s’éveilleront sous peu, si le ciel est avec nous. »
J’étais bien trop jeune pour comprendre un traitre mot à l’époque, mais loin d’être assez idiot pour ne pas me douter que quelque chose m’était caché, quelque chose que je devais savoir.
Cependant les années continuaient de passer, se ressemblant toutes. La même maison, les mêmes cours de contrôle de ma magie, le même train-train quotidien dont je ne pouvait m’échapper. J’étais un enfant obéissant, aussi je ne m’éloignais jamais bien loin de la maison sans accord. La sortie en ville était la seule part de ce quotidien morne qui me permettait de m’évader, et d’apprendre qu’il y avait un monde au-delà des arbres qui m’étaient si familiers. Mais à chaque voyage, les villageois se montraient plus froids. Je voyait leurs regards méprisant, hautains. Je ne comprenait pas ce qu’ils avaient à nous reprocher, nous ne leurs avions pourtant rien fait. Heureusement père usait de sa magie pour que nous puissions passer facilement dans la petite rue du marché, les badauds oubliaient bien vite notre présence, certains gardaient même quelques secondes un regard béat. Je n’ai cependant jamais eu l’occasion de leur parler, et le temps que mes parents fassent les courses je les observaient avec attention. Des enfants chahutaient ça et là, réprimandés par les commerçants qui les trouvais importuns. De vieilles femmes portaient de lourds paniers d’osier chargés de poissons frais et de légumes. De jeunes femmes flânaient au bras de beaux jeunes hommes richement vêtus. C’était un monde nouveau rempli de bizarreries, mais il me fallait à chaque fois bien vite le quitter sans pour autant comprendre pourquoi. Père disait que moins on connaissait notre existence et plus nous étions en sécurité.
Je n’ai compris pourquoi que lorsque j’ai eu 11 ans, père considérait que j’étais en âge d’apprendre notre histoire. L’existence de notre race, notre supériorité grâce à notre magie, la chasse aux sorcières due à la jalousie des humains, le génocide, tout cela m’effrayait. Ce n’était rien en comparaison des raisons qui nous poussaient à nous cacher des humains et des sorciers bien entendu, mère m’avait raconté l’histoire de leur fuite. J’en voulait à la terre entière, ce n’était pas juste, ils ne méritaient pas ça ! Mais ainsi étaient les choses, et je me pliait à cette situation sans broncher, pour notre bien-être à tous les trois.
Malheureusement, vivre isolé du monde réel comporte son lot de désavantage, et bien vite la situation autour de nous s’envenimait. Une vague de haine venue de l’Est commençait à étendre son ombre vers l’ouest, et 2 ans plus tard à peine elle déferla sur nous comme un raz-de-marée, et personne n’était prêt pour cela.
C’est en automne 1939 que les choses ont radicalement changées. Père et mère refusaient que je les accompagne en ville plus longtemps, restant seul à la maison avec comme seul ordre de demeurer enfermé jusqu’à leur retour. Lorsqu’enfin ils revenaient, leurs visages étaient sombres, et eux muets. Lorsque l’on en parlait, de très rare fois, ils disaient que de nouvelles personnes étaient arrivées en ville, et que bon nombre d’autres étaient partis à cause d’eux. Je m’interrogeais souvent sur les raisons qui pouvaient pousser des villageois à quitter leur domicile juste à cause de l’arrivé d’autres résidents. Etaient-ils méchants ? Ou menaçant ? Je n’avais aucune réponse à mes questions, et mes parents refusaient encore et toujours d’y répondre. Avec le recul, je pense qu’ils ne cherchaient qu’à me protéger, mais ce flou permanent me plongeait dans un stress difficile à assumer lorsque l’on à tout juste 13 ans.
Tout à basculé fin septembre 1939, père passait la plupart de ses journées dehors à poser des sortilèges autour de la maison, et mère semblait tendue en permanence à mesure qu’elle usait de ses pouvoir pour empaqueter toutes nos affaires. Dans les valises de cuir volaient vêtements, nécessaire de toilette, nécessaire de survie, couvertures et livres. Je regardais ce balais incessant avec un soupçon d’émerveillement. Il est vrai que j’ai toujours admiré la grâce avec laquelle mère pouvait mouvoir tous ces objets sans même les toucher. C’est alors qu’un bouquin passant au dessus de ma tête m’interpella. Je l’attrapait aussi discrètement que possible dans le dos de ma mère, et en cachette admirais sa couverture. Un livre relié de cuir noir, écrit en lettre d’argent. Il n’y avait de titre sur la couverture que ce mot, « nécromancie », et le tome ancien pesait son poids. Ouvrant au hasard une page jaunie par les années, je lisais quelques mots. Il s’agissait de sortes de poèmes, parlant d’énergie et de vie, mais surtout de mort. Comme un livre d’horreur bien écrit, chaque ligne suscitait un frisson qui parcourait mon échine. Tout était expliqué dans les moindres détails : le fonctionnement de la vitalité et de son énergie, comment la ponctionner, comment l’utiliser, mais aussi comment la manipuler et s’en repaitre. Aussi dégoûté que fasciné, je ne pouvait détacher mes yeux de ces écrits lorsque la porte d’entrée claqua. Dans un mouvement précipité je glissait le grimoire sous mon oreiller, et me retournait pour faire face à mon père qui venait d’entrer. Il avait grise mine, et mère le regardait avec une visible expression d’inquiétude.
« Quelles sont les nouvelles ..? » demandait-elle, avec la voix tremblante.
« Ils ont pénétré dans la forêt. Je ne suis sûr de rien mais… Je pense qu’ils nous cherchent. »
« Qu’allons nous faire ? »
« Ils n’en sont encore qu’à l’orée, et mes sortilèges leurs donnent du fil à retordre. Mais j’ai peine à croire que ça les arrêtera. Je n’ai jamais vu d’humains aussi farouches, ils sont endoctrinés jusqu’à la moelle. Je crains qu’on ne doive fuir bientôt… »
« Alors nous fuirons, nos affaires seront prêtes sous peu. Ne prends que le stricte nécessaire, nous allons devoir abandonner beaucoup derrière nous… »
Père vient au contact de sa femme et l’entoura de ses bras. Tout en la serrant contre lui, il constate la vide béant de sa maison et les valises empaquetées méthodiquement. Il tourna son regard vers moi, puis d’un signe de la main m’incita à les rejoindre, ce que je fis en quatrième vitesse. Je ressentais leur stress et commençais à le subir, comme une menace pesante qui à tout moment sortirait des ténèbres pour nous assaillir de sa rage sourde.
Les yeux fermés, le silence se fit autour de nous, souligné par le murmure du vent qui se levait à l’extérieur. Un des volets de bois s’était détaché de son amarre et claquait quelquefois contre la butée de la fenêtre dans un bruit sec. Chaque coup me faisait sursauter, et je finit par me décider à quitter l’étreinte familiale pour régler ce problème plus qu’agaçant. Père aussi était piqué de nervosité, et ce tintamarre récurant semblait aussi le gêner. Arrivant au niveau de la fenêtre, je pris la poignée et commençait à la tournée, lorsque mon regard fut attiré à l’extérieur par quelque chose. Approchant mon visage de la vitre, je n’eut le temps de discerner qu’une ombre vague lorsqu’une main s’affala sur mon crâne et me força à genoux. Tournant la tête d’un geste inquiet, mon père se tenait accroupi à côté de moi, une expression d’effroi sur le visage. Il intima à ma mère d’éteindre toutes les lumières, et elle s’exécuta d’une main avant de nous rejoindre dans la pénombre. Un oeil hasardé à travers le vitrage, mon père fixait l’extérieur à l’affut du moindre mouvement, une goutte de sueur perlant sur le côté de son front.
« Impossible… ils nous ont déjà trouvés ?! »
Ma mère porta la main à sa bouche pour étouffer un gémissement, la terreur plus visiblement ancrée sur ses traits à mesure que des ombres se reflétaient sur les carreaux de verre.
Lentement, il nous fit reculer vers nos valises, nous montrant la porte arrière de la maison. Mère verrouilla la porte de devant, pris une mallette et me la donna. Je la pris sans dire un mot, elle était lourde mais ne semblait pas encore pleine, alors je me glissais jusqu’à ma couchette pour y récupérer le livre que j’y avais caché, et le mis discrètement dans mes affaires avant de rejoindre mes parents. Approchant de la porte menant sur la forêt, nous guettions tous le silence extérieur, nous assurant de l’absence de menace. Entrebâillant l’ouverture, nulle silhouette n’hantait les ténèbres, et le vent soufflant de plus en plus fort couvrait tous les sons. Mère me prit par la main, et ensemble nous nous sommes mis à courir vers les arbres. Père portait deux valises et courrait devant nous, et tandis que ma respiration s’accélérait je jetais un oeil derrière moi, voyant la maison que j’ai toujours connue s’éloigner de plus en plus. Lorsqu’elle fût à peine à portée de regard, père posta ses lests et tendis une main vers notre demeure. Peu à peu, une lumière rouge apparaissait, puis des flammes s’échappaient de la porte que nous quittions quelques instants auparavant. Tombant à genoux, des larmes se mirent à couler le long de mes joues. Je regardais impuissant la seule maison que j’ai jamais connue se faire dévorer par les flammes, emportant dans son tourbillon infernal tous les souvenirs que j’y avais vécu. Père s’agenouilla à côté de moi, mit ses mains sur mes épaules et fixa son regard au mien.
« Nous ne devons laisser aucune preuve fils, il y a trop en jeu, ces humains ne doivent jamais savoir. Nous n’avons pas le choix. »
Alors que je le regardais hagard, des voix s’élevaient au loin. Des hommes criaient, dans une langue qui ne m’était pas complètement inconnue. Je reconnus quelques mots, « Schnell », « Finde Sie ! », et sans chercher à comprendre le sens de ces interjection père me releva et m’intima l’ordre de courir. Alors sans perdre de temps nous sommes repartis, courant droit devant nous comme si le diable fut à nos trousses, mais les bagages nous ralentissaient bien trop, et les premiers coups de feu ne tardèrent pas à retentir. Des salves rapides, assourdissantes, qui faisaient voler par moment l’écorce des arbres qui nous entouraient. Je ne comprenais pas la manoeuvre, que cherchaient-ils à faire ? C’est comme s’ils tiraient à l’aveuglette, espérant toucher quelque chose sans trop de succès. Le terrain n’était clairement pas à notre avantage, les récentes intempéries avaient rendu le terrain boueux par endroit, ralentissant notre cavalcade mais aussi nous forçant à laisser des traces évidentes de notre passage. Cette course effrénée eut finalement raison de ma résistance, et je finit par glisser sur la terre meuble en me tordant la cheville. Un cri de douleur m’échappa, j’étais incapable de me relever. Père donna une de ses charge à mère et vient à mon secours, m’empoignant d’une main et me portant contre son torse. Je sentais son coeur battre à tout rompre, sa respiration inconstante et rapide, et malgré le froid nocturne depuis longtemps installé il transpirait comme une bête. De ma position, je pouvais voir nos poursuivants se rapprocher toujours plus. Bientôt ils seraient sur nous, et alors c’en serait fini.
Père s’arrêta de courir, et mère arriva à notre niveau. Il me déposa à terre, le souffle court, et regarda ma mère intensément. Elle secoua la tête, comme incrédule, et murmura « non » plusieurs fois. Père la serra contre lui brièvement avant de l’embrasser, puis il m’embrassa sur le front à mon tour. Alors il nous poussa tous deux et hurla comme jamais auparavant.
« COURREZ !! »
Mère me prit par la mains et se mit à courir, abandonnant une valise derrière elle. Ma cheville encore douloureuse ne me permettait que de trottiner en boitant, et impossible de jeter un dernier coup d’oeil à mon père, resté derrière pour ralentir nos poursuivant. Dans le noir apparurent soudain des éclairs, et les coups de feu se firent entendre. Les cris perçaient les ténèbres et me glaçaient le sang, la douleur était insoutenable mais je continuait à cavaler, poussé par une force invisible. Lorsque nous furent assez loin, les coups de feu avaient cessés, le silence était revenu. Assis au bord d’une petite rivière, je soulageais ma cheville dans l’eau gelée sans dire un mot. A côté de moi, mère guettait les arbres.
« Mère..? »
Mais elle ne répondit pas. Elle finit par me relever et m’aider à remettre ma chaussure, après avoir bandé ma cheville avec un haillon de sa veste. En suivant, nous reprirent notre route, en marchant cette fois-ci en suivant le cours de l’eau, dont le clapotis aspirait mes pensées. En l’espace d’une heure à peine, le cours de ma vie avait basculé irrémédiablement, et je fuyais sans savoir pourquoi vers une destination qui m’était totalement inconnue. Ma poigne se serra autour de la main de ma mère, qui répondit par une pression réconfortante.
« Ne t’en fais pas, ton père nous rejoindra bientôt. Après tout il est l’un des mages les plus forts sur terre, rien ne peut lui arriver pas vrai ? »
Cette phrase me redonna un peu le sourire, elle avait raison, père était un puissant mage qui avait appartenu à une grande organisation, il avait même occupé une place importante ! Ce n’était pas des humains qui allaient lui faire du mal, j’en étais convaincu. Je souriais alors a ma mère, et elle me répondit d’un léger rictus d’inconfort. J’ouvrai à peine la bouche pour lui donner raison quand un éclair fendit les cieux et résonna d’un bruit sec, à quelques mètres à peine derrière nous. Mes yeux s’écarquillent à mesure que ma mère s’écroulait sur le sol devant moi. Je restais là, debout, l’air effaré, voyant la femme qui m’avait donné la vie affalée dans l’eau, le visage immergé. Peu à peu la rivière changea de couleur, et l’eau si cristalline vira au rouge. Absorbé par cette vision d’horreur, je ne réagit même pas lorsque des hommes en uniformes sortirent du bois et pointèrent leurs armes vers moi, hurlant des injonctions en allemand. Le sang battait dans mes tempes, je tombais à terre et pris la manche inerte qui trainait au sol, tirant dessus.
« Mère…? Mère…?! MAMAN !!! »
Les larmes vinrent toutes seules, et de muets sanglots s’échappèrent lorsque je réalisait qu’elle ne vivait plus. Alors je restais là, à genoux dans l’eau, à la fixer dans un silence terrifié. Toutes pensées m’avaient quitté, il ne restait plus dans mon esprit secoué qu’une seule question : « pourquoi ? »
Je tournais la tête vers ma gauche, et mes yeux vides se posèrent sur un individu mieux habillé que les autres. Rasé de près, il arborait un uniforme grisâtre sur la poitrine duquel était figée une médaille en forme de croix grise, au centre de laquelle une croix bizarre était gravée.
Lorsque nos yeux se rencontrèrent, il s’accroupit à mon niveau et pris mes cheveux dans une de ses mains. Aucune réplique de ma part, comme une marionnette entre ses mains je me laissais faire sans broncher. Puis il me lâcha, un sourire satisfait aux lèvres, et après un bref signe de la tête je recevais un violent coup à l’arrière du crâne.
…///…
A mon réveil, mon crâne et ma jambe me faisaient souffrir. Il faisait grand jour et j’étais couché à même le sol dans un véhicule en mouvement. Deux hommes armés étaient assis sur des bancs de bois, de chaque côté de l’habitacle, et me dévisageaient tous en discutant. Ma tête bourdonnait, et j’avais trop peu de forces pour pouvoir me relever. Peu à peu me revinrent en mémoire des souvenirs de la nuit passée. Alors ils étaient morts, tous les deux… nul ne servait de le demander, je le sentais, comme un pressentiment ou un trou dans ma poitrine. Mes yeux vides fixant la tôle verdâtre au dessus de moi, je cherchais quelle émotion m’animait entre la colère, le dégout, la peur et la tristesse.
Mes pensées furent coupées court par un freinage aussi brut que soudain, et sans plus de temps pour comprendre la situation les deux hommes me saisirent par les épaulent et me jetèrent hors du camion. La chute fut dure mais je réfrénais sans mal le cri de douleur. Redressé à genoux, je regardais lentement le paysage qui se découvrais autour de moi. Des gens étaient parqués en file d’attente, entourés par le même type de personnes qui m’avaient arrêtés et escortés, et semblaient être groupés sous la menace de ces armes sans aucun doute chargées. Une sorte de poste frontière était installé, avec de nombreux camions arrêtés en travers d’une large rue. Les gens en file semblaient être répartis par immeubles, et chacun se voyait remis un brassard blanc ou figurait une étoile bleue brodée dessus.
Tandis que mon regard balayait ce triste panorama, mes yeux s’arrêtèrent et se figèrent sur un homme. C’était lui, celui qui m’avait fait prisonnier, celui qui avait fait tuer mère et père, celui à cause de qui tout avait basculé. L’allemand à la médaille. C’est sans réfléchir que j’ai bondit sur mes pieds, le poing brandit de fureur et m’élançait vers lui. Je fut bien vite stoppé dans ma course par un violent coup de crosse à l’abdomen, offert gracieusement par l’un des soldats sous l’hilarité générale de ses compères. Une fois de plus à genoux, mains sur le ventre et cherchant ma respiration, je relevais lentement la tête vers ce monstre à visage humain. Il me regardait de haut avec une expression impassible, un air bien supérieur à la limite de la suffisance. D’un claquement de doigt, il se fit apporter une valise. Ma valise. Sans plus de cérémonie, les soldats l’éventrèrent et en vidèrent le contenu. Mes vêtements s’éparpillaient sur le sol, foulés au pied par ces chiens, et étaient remués à la recherche d’objets de valeur sans doute. Après quelques secondes, l’un d’eux sorti de cette masse souillée un livre. J’avais complètement oublié l’existence de cet ouvrage, et il était maintenant le seul souvenir qui me restait de mes parents. Lorsque celui qui semblait être leur chef se fit remettre mon précieux grimoire, je tandis une main vers lui. C’était tout ce qui me restait, je ne pouvais me résoudre à le lui laisser. Pourtant, il fit volte-face sans dire un mot et s’éloigna. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, la tristesse ne vint pas et laissa place à l’amertume et la résignation. Les yeux rivés vers le sol, quelqu’un jeta un brassard devant moi.
« Ramasse ! »
La voix était sèche, stricte, et ne semblait pas vraiment me laisser de choix. Trainant mes genoux à terre, j’avançait lentement vers mon bagage détruit. Remettant mes affaires dedans comme je le put, je finit par me relever. Un nouveau coup de crosse sur l’épaule m’indiqua qu’il était temps d’avancer, de presser le pas, et je m’exécutais sans broncher.
A mesure que nous marchions dans la direction indiquée par mon escorte, nous doublions des familles en pleurs, des gens aux visages bien sombres, et de plus en plus de soldats. C’est en arrivant au niveau de larges grilles que je compris que ma liberté venait elle aussi de m’être retirée. Un passage d’une dizaine de mètre, encerclé de hauts murs de béton et de grillage hérissé de pointes, donnait accès à un quartier sordide aux allures de prison.
« Bienvenu chez toi, mein kleins kind. »
C’est à coup de bottes sur les fesses que je fut projeté contre mon grès dans la rue devant moi. Serrant ma valise contre mon torse, je paniquais un peu plus à mesure que j’errais en ligne droite. De part et d’autre, les allemands casaient les gens par familles entières dans des appartements de la taille d’une chambre, et les oubliés essayaient de se faire une place où il restait encore un peu d’espace. Dans ce foutoir complet, c’était premier arrivé premier servi semble-t-il, et j’étais loin d’être le premier sur les lieux. On me dévisageait par la fenêtre, mais fermait les rideaux lorsque j’hasardais un oeil dans leur direction. Ça puait le malheur et l’insalubrité à plein nez, qui irait faire de la place pour un gamin égaré ?
Arrivé au bout de la rue, personne ne m’avait adressé la parole, et lorsque je regardais derrière moi les allemands avaient disparus. Seul, perdu, abandonné de tous, je m’assis par terre sur un trottoir et plongeais la tête dans mes genoux recroquevillés. Le temps passa comme si chaque seconde durait des heures, et seules les voix de l’attroupement à la porte principale résonnaient dans le quartier désert. Pourquoi, comment en étais-je arrivé là ? Qu’avais-je fait au monde pour que l’on me traque ? Qu’avais-je fait aux humains pour qu’il me parque comme un animal ? Tant de question qui suscitaient en moi une tristesse grandissante. Les larmes ne venaient cependant pas, la fatigue l’emportant peu à peu. C’était bien trop à gérer pour un enfant seul, et le désespoir prenait le pas sur tout le reste. Tandis que la nuit commençait à tomber, je me décidais à faire ce que les résidents n’avaient pas fait pour moi : faire un pas vers eux. J’entrepris de sonner à plusieurs portes, mais nul n’ouvrait ou acceptait de me faire rentrer. Déambulant maladroitement de palier en palier, la résignation finit par me gagner. Une dernière porte, c’était ma limite. Si celle-ci demeurait close, j’irai chercher ne ruelle ou passer la nuit.
C’est sans espoir aucun que ma frêle main tremblante cogna mollement le bois de la porte. De longues secondes de silence s’écoulèrent, mais toujours rien. Trainant les pieds, je tournais lentement de dos, le regard vide, lorsque le bruit d’un verrou me stoppa. Regardant de nouveau derrière moi, c’est une petite grand-mère qui apparut dans l’entrebâillement à peine éclairé d’une bougie. Elle semblait âgée, mais n’hésita pas une seconde lorsqu’elle me vit. Elle sortit et tendit une main chaleureuse vers mon visage.
« Mon pauvre garçon, que fais-tu seul à cette heure ? »
Je n’ai pas osé répondre, me contentant de baisser la tête les larmes aux yeux. Elle ne dit aucun mot, et prit doucement ma main pour me tirer vers l’intérieur. Il faisait frai, mais tout de même plus chaud qu’à l’extérieur. La maisonnette, car on pouvait difficilement appeler ça autrement, se résumait en une seule pièce. Dans un coin trônait un poêle à bois qui tournait au ralentit à coté d’un évier en fer rouillé. Un lit se trouvait de l’autre côté, au pied d’une petite table en bois, et servait entre guillemet de paravent pour des toilettes verdâtres. Ça ne respirait vraiment pas la fraicheur. La seule touche de gaieté résidait en un piano adossé au mur face à l’entrée.
« Tu dois être gelé, viens donc t’assoir. »
Je pris place sur le bout de la couchette, et la vieille dame entoura mes épaules d’une couverture de laine. Elle me posa quelques questions auxquelles je ne répondit pas, d’où je venais, où étaient mes parents, et finit par accepter mon silence. J’étais perdu, c’était un fait, mais perdu dans mes pensées surtout. Je n’avais plus confiance en personne, ni foi en rien. Mais la grand-mère ne semblait m’en tenir rigueur. Elle m’apporta un bol de tisane, tellement insipide que ça ne semblait être que de l’eau, mais le geste me réchauffa le coeur presque autant que la boisson me réchauffa le corps.
Accablé par la fatigue et les épreuves, je sombrais vite dans le sommeil. Mon hôte m’avait cédé la place dans le lit, et s’était accoudée à table pour y passer la nuit.
A mon réveil, rien n’avait changé. J’étais toujours dans cette petite chaumine, dans le même quartier. Rien de tout ça n’avait l’air d’un rêve, la dure réalité me revint comme un coup de massue en pleine visage.
Je fis plus ample connaissance avec la vieille juste après mon réveil. La tourmente d’hier soir s’était quelque peu apaisé et j’étais un peu plus ouvert au dialogue, bien que conservant une position défensive et semi-fermée. Elle se faisait appeler mémé Nana par les gosses du quartier, parce qu’elle était âgée sans doute. Elle vivait seule ici depuis le décès de son mari quelques semaines auparavant, et subsistait grâce aux rares provisions qu’elle parvenait à se procurer en travaillant à la boutique du quartier. Elle m’informa sur les lieux, que l’on nommait le Ghetto, en plein coeur de la ville de Varsovie. Les allemands y avaient réunis toute une race qu’ils disaient mauvaise, et les avaient confinés au même endroit tout en les privant de leur liberté et de leurs droits.
Ces juifs me rappelaient l’histoire que père me racontait sur nous autres sorciers, une race que les autres voyaient d’un mauvais oeil et cherchaient à éliminer. J’avais tant entendu parler de la traque, de la capture et de l’élimination de mes ancêtres que j’en avait des sueurs froides. Même sans être juif, j’avais été dénoncé comme l’un des leurs et mon sort fut décidé à mon insu par une nation qui prônait sa suprématie sur toutes les autres.
Les parias juifs portaient l’étoile de David pour désigner leur appartenance à la communauté des exclus, et étaient maltraités à chaque occasion par les citoyens et les forces armées allemandes.
J’étais incrédule devant tant de révélations insensées. Des êtres humains éliminant des êtres humains, juste pour une histoire de croyance ou d’origine, ça ne faisait aucun sens pour moi.
Mais la réalité était là, j’étais désormais prisonnier avec tous les autres, un indésirable de plus aux yeux de tous. Je me refusait à l’admettre, et sur un coup de rage j’arrachais ce brassard ridicule que l’on m’avait obligé à porter et m’enfuit en claquant la porte, ignorant les avertissements et les appels de Nana. Je courrais à en perdre haleine vers la porte, bien décidé à décamper d’ici. Arrivant enfin devant la grille fermée et gardée, des soldats me barraient la route.
« Laissez moi passer, je ne suis pas juif ! »
Mon injonction provoqua chez mes geôliers un fou rire, comme si j’eut raconté la meilleure plaisanterie qu’ils aient entendu. L’un des soldats tapota l’épaule de son camarade, et pointa mon bras. L’hilarité se calma, et l’un deux prit enfin la parole.
« Ça ne va pas mein kleins, tu ne dois pas retirer ton étoile. »
« Mais puisque je vous dit que je ne suis pas juif, vous faites erreur ! »
Les soldats se regardèrent, un sourire en coin, avant que le bavard ne reprenne la parole.
« Nous te croyons kleins kind, tu peux sortir. »
Il se retourna et tira le battant de fer vers lui. J’entrevoyais le chemin grisâtre pris à l’allée, et avec lui l’espoir de sortir de ce trou. J’avançait un pied, une esquisse de sourire aux lèvre, lorsqu’un coup de poing puissant vint s’écraser sur mon visage. Projeté au sol, je ne put me relever et prit ainsi un coup de pied dans l’estomac, puis un autre dans le dos. Ce que je croyais être mon billet pour la sortie se transformait peu à peu en un passage à tabac gratuit, à mesure que la grille se refermait. Les coups pleuvaient sur moi, et lorsqu’enfin leur acharnement s’eut tari, ils me prirent par les épaules et me trainèrent je ne sais où. Pendant de longues minutes mes chaussures raclaient le pavé boueux et les trottoirs, jusqu’à ce que l’on arrive au pied d’une bâtisse mieux entretenue que le reste du Ghetto. Les soldats ouvrirent la double porte centrale et me jetèrent au sol au centre de la pièce. Avant qu’ils ne s’éclipsent je les vis faire une sorte de salut, puis tourner les talons. Enfermé dans cette pièce, au sol comme un chien battu, j’attendais désemparé que quelque chose se passe.
« Alors comme ça tu n’es pas un juif ? »
Je levais mon regard chancelant, une paupière enflée par les multiples coup, pour me retrouver aux pieds du médaillé. Les bras dans le dos, toujours droit comme un i, il jetais sur moi son regard dur et froid. Je me redressait à grand peine, mais bien déterminé à me défendre.
« Je…! »
Je n’eut le temps de formuler une phrase, un coup cinglant et vif m’entailla la joue. Je portais une main à mon visage endolori. L’homme cachait une cravache, et tel un animal il me corrigeait avec. Un nouveau coup suivit le premier sur l’autre joue, la gratifiant elle aussi d’une estafilade.
« Lorsque je parle tu dois te taire, kleins kind. Cela s’appelle la discipline. Connais-tu la discipline ? »
Mes yeux emplis de rage ne cillaient pas un instant, ancré aux siens comme si j’eut pu le fusiller du regard. Son visage se ferma soudainement, il semblait passablement irrité.
« Je n’aime pas ce regard. Trop révoltant, tu dois être plus docile. »
Et sans un mot de plus il m’infligea un nouveau châtiment. Bien résolu à ne pas laisser entrevoir la moindre faiblesse, je ne cédait à aucun coup, ce qui eut le don de l’énerver.
« Tu veux montrer que tu es fort ? Bien, je vais te mater ! Tanz mit mir ! »
Les histoires courtes étant les meilleures, il s’acharna avec un sadisme tel que je ne tenais plus debout, et rappela ses soldats qui viennent m’évacuer dans la rue. Je restais là, allongé dans le froid et la boue, et tous ces juifs qui me regardaient crever à terre sans bouger le petit doigt. Je les haïssait, tous autant qu’ils étaient.
Le temps passa et je perdait le contrôle de mes pensées, lorsqu’une main se posa sur mon épaule.
« Mon pauvre enfant, que t’ont-ils fait… »
De mes paupières mi-closes, je vis mémé Nana penchée au-dessus de moi, à genoux dans la boue. Elle semblait visiblement bouleversée et inquiète pour moi, et ce fut la première fois que dans ce ghetto je sentis un semblant d’humanité.
Je me suis réveillé dans la maisonnette de la vieille, le visage et le corps intensément endoloris. Elle avait prit le soin de me faire quelques bandages et de penser mes plaies, mais j’étais trop faible pour bouger. J’avais une dette envers elle, et pris la décision de lui venir en aide à mon tour une fois guéri.
Le temps passa dans le ghetto, la vie était un véritable enfer. De plus en plus de gens arrivaient, d’autres partaient, la plupart mourrait que ce soit de maladie ou tué aléatoirement par des officiers à la recherche d’un peu d’amusement. Le travail ne payait pas ici, les seuls moyens de se procurer combustible et nourriture étaient soit d’avoir les allemands à la bonne -et de passer pour un traitre ou un lèche cul- soit de voler. Jamais je ne me serait rabaissé à courber l’échine devant ces envahisseur esclavagistes, c’est donc de la deuxième option que je nous faisait vivre mémé et moi. Bien qu’elle me remontait les bretelles sans cesse pour mes exactions, ce que je nous ramenait nous permettait de nous nourrir au dépend des autres. C’était risqué voire dangereux, mais je n’avais pas d’autre options.
En contrepartie, mémé m’apprit à jouer du piano. Feu son mari était pianiste dans un cabaret de Varsovie avant l’arrivée des allemands. Il souffrait d’une maladie qui demandait des soins réguliers, mais le ghetto eut raison de lui peu de temps après son incarcération. Elle vivait donc ici, seule, forcée de trimer 12 heures par jour pour la Kommandantur à son âge.
Après plusieurs mois dans des conditions inhumaines, le caractère endurci des premières semaines avaient laissée peu à peu place à une attitude désabusée. Enjamber des cadavres dans la rue était monnaie courante et ne semblait plus choquer personne. Seuls les Deutch, ou Bosch comme on les appelait discrètement, riaient encore aux éclats en troquant une cigarette à des gosses contre des danses fantaisistes pour se divertir. La connerie humaine m’exaspérait à un tel point que j’aurai aimé les voir mourir séant, à gesticuler comme des singes et marchander leur honneur et leur fierté pour une poignée de cacahuètes salées.
La haine me donnait des ailes, sans doute un peu trop. Une nuit je me suis introduit dans le poste de garde pour y voler des vivres, mais je fut pris la main dans le sac. Tabassé une fois de plus, la douleur ne fit qu’embraser la flamme du courroux qui m’animait. Ils me savaient indomptable, les cicatrices de leurs corrections faisant foi des nombreuses tentatives de m’amadouer, mais rien n’y faisait. Hélas, j’avais franchi le seuil de tolérance de mes geôliers, et j’allais en payer le prix fort.
Trainé une fois de plus devant leur chef SS, le médaillé à l’uniforme gris, je me tenais sans crainte dans une position de défi. Comme à l’accoutumé il me dévisageait froidement d’une mine irritée. Il se leva de son bureau et fit quelques pas dans la pièce, ne laissant résonner que le claquement de ses talonnettes sur le parquet massif.
« Tu fais encore le pitre, tu n’apprends pas. Et pourtant t’es-tu déjà demandé pourquoi je te laisse en vie quoi que tu fasse, Kleins kind ? »
Il touchait un point sensible. J’ai déjà vu des juifs se faire fusiller pour le quart de ce que j’ai fait, et malgré tout j’étais encore de ce monde. Pourquoi donc vouloir me garder en vie ?
Pendant que je m’interrogeais, il se dirigea vers une bibliothèque et en tira un gros bouquin relié de cuir noir. C’était mon livre, celui qu’il m’avait retiré le jour de mon arrivée.
« Il n’y a rien de semblable. Il est unique, et m’intéresse au plus haut point. Mais je me pose ein frage, comment ein kleins kind comme toi peut être en possession de pareil ouvrage ? J’ai beau essayer de le lire je n’y comprend rien. Voilà pourquoi je te garde en vie. »
Déchiffrer ce livre, c’était ça la raison de ma survie ? Il était tant avide de comprendre ces écrits qu’il comptait sur moi pour lui en faire la traduction ? Un rire m’échappa, mais fut bien vite calmé par un souvenir. Celui de mon père, avant tout ce merdier, et cette phrase qu’il me répétait : « les humains ne doivent jamais savoir »
« Tu peux toujours rêver Friedrich. »
Tenant l’ouvrage dans ses mains, il me tourna le dos tout en soupirant dans un polonais approximatif.
« Je savais que tu dirais cela, j’ai voulu être sympathique avec toi mais tu es mauvais, tu ne me laisse pas le choix Klein. »
La porte du bureau s’ouvrit et deux gardes entrèrent en trainant quelqu’un. J’écarquillais des yeux horrifiée en reconnaissant mémé Nana sous les ecchymoses et le sang qui coulait de son arcade sourcilière. Les soldats la jetèrent aux pieds du SS, qui tira son révolver de sa ceinture pour la pointer vers la tête de la vieille dame. J’allais accourir vers elle mais elle leva sa main vers moi, non pas en supplication mais pour me stopper, et fit un non avec la tête. Les larmes commençaient à me monter aux yeux, lorsqu’elle afficha un sourire. Elle articula un mot : merci, puis le coup de feu retentit. Le sang fut projeté partout sur le mur et sur moi, et je me laissait tomber. Mon corps tremblait de partout, et mon regard vide était happé par cette scène d’horreur. D’abord ma mère, et maintenant mémé m’étaient retirés devant mes yeux. Elle emportait avec elle tous les sentiments qui me restait, et tout ce qu’il y avait d’amour en moi, ne laissant qu’une coquille vide.
« Tu vois ce que tu m’oblige à faire ? Il faudra nettoyer le tapis maintenant. Et c’est toi qui va le faire. »
Il enjamba la dépouille inerte et se planta en face de moi, puis s’accroupit à ma hauteur. Il saisit mes cheveux et releva ma tête qui pendait mollement à mon cou.
« Oh, et pour toi ce sera Her Hauffmanstal, ne t’avise plus jamais de me défier ou de prononcer mon prénom. Verstanden ? »
Puis il quitta la pièce. Les soldats m’apportèrent un balais et un seau d’eau, et me remirent debout. Je suis resté là, à regarder le corps de celle à qui je devais tant. Les Bosch ne me laissèrent pas le temps de faire mon deuil, et pour m’humilier encore plus c’est moi qui dut retirer le cadavre de la pièce. Trainant la vieille par les pieds jusqu’à la rue, elle fut chargée sur la charrette, avec les autres macchabés du jour.
Je mis plus d’une heure à retirer le sang des murs et du sol, et mes vêtements étaient imprégnés de rouge carmin. Lorsque j’eut fini, on me guida vers une petite pièce à la porte d’acier. Il s’agissait de ma nouvelle chambre. Un carré de 4 mètres de coté sans fenêtre, éclairé par une ampoule unique qui grésillait. Pour tout mobilier, une couchette sans couverture et un bureau sur lequel trônait le maudit livre.
J’ai passé quelques jours enfermé, dans le silence du bourdonnement de l’ampoule à incandescence, sans visite ni nourriture. Allongé sur le maigre matelas, je fixait le plafond, l’esprit vide, immobile. Je perdais la fil du temps, le sens du jour et de la nuit, l’isolement physique et mental le plus parfait. Quelquefois un soldat venait, me faisait mettre à nue et fouetter à coup de ceinturon, mais jamais à la même heure. C’était sporadique, le but simple étant de me faire perdre le compte des heures. Il me laissait de temps à autre un morceau de pain et un pichet d’eau, et en partant m’assaillait sur la chaise en face du bouquin. Il tournait les pages certaines fois, après que j’eut passé quelques heures le regard vide à fixer la même feuille.
Je ne bronchait même plus, comme un pantin je recevrait les coups sans gémir, clignant parfois des yeux lorsqu
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Dim 3 Mar 2019 - 17:22
« Alors ? As-tu déchiffré les écrits ? »
Je ne répondit rien, non pas que je n’eut rien à répondre mais sa question ne m’atteignait même pas. Je ne faisait que le fixer avec un regard vide hébété, remarquant toutefois la présence à ses coté d’un inconnu.
« Je te conseille de répondre. Vois-tu, la situation ici devient un peu difficile, des groupes commencent à nous opposer résistance. Bientôt je quitterai cet endroit pour diriger ein Konzentrationlager, un camp à l’Est plus approprié pour éradiquer la vermine. »
Il continuait de parler sans que ses mots ne me touchent, mon attention vague était absorbée par l’homme qui se tenait à ses côtés, un inconnu de toute évidence étranger. Ses traits me rappelait vaguement quelque chose, mais outre cela j’avais une étrange impression à son encontre.
Le SS stoppa son monologue, remarquant mon intérêt pour l’étranger.
« Je te présente le docteur Hiroto Akatoki, un éminent scientifique en sciences occultes, art dans lequel je me suis passionné. Il est ici pour examiner l’ouvrage et possiblement ce que tu pourras en sortir. »
L’homme me fixait intensément, me mettant dans une position d’inconfort exagéré. Il fit un pas vers moi, puis s’accroupit en tendant une main vers mon visage. Instinctivement je reculait de crainte, l’isolement ne m’ayant rendu que plus sauvage, mais je n’avais nulle part où fuir. Sa main rentra en contact avec ma joue, et je ressentit à cet instant comme une décharge électrique qui me fit sursauter. L’homme quand à lui se campa sur sa position, un air surpris sur le visage qui laissa rapidement sa place à une sorte de demi-sourire éphémère. Il se releva et approcha du médaillé pour lui chuchoter quelque chose, qui ne semblait pas vraiment plaire au chef des bosch. Il finit par acquiescer à contre-coeur semble-t-il.
« Soit, si vous pensez que c’est nécessaire qu’il en soit ainsi. Mais vous en porterez la pleine responsabilité. Marquez-le et préparez-le, wir müssen los. »
Suite à ça, les soldats m’emmenèrent dans une sale sordide ou un homme me tatoua un matricule sur la face ventrale de l’avant-bras droit. Je n’avait jamais vraiment eu de nom pour eux, mais de la à résumer mon existence à un numéro… enfin, c’est ce que j’étais, je n’étais rien ou du moins plus rien.
Je fut ensuite trainé vers une partie du ghetto que je ne fréquentais pas d’habitude, pour peu que je m’en souvienne encore tant les ruelles avaient changées pendant mon isolement. Certain immeubles que je connaissait bien étaient condamnés, de nombreuses fenêtres brisées justes rebouchées par des morceaux de cartons mal coupés, et la population semblait plus affamée que jamais. Pour ce que j’en avais à faire, je n’y prêtait qu’une distante attention. Nous finissions donc par arriver à une sorte de quai gardé par des soldats où nous attendait une rame de véhicule monté sur des rails, couleur rouge et or. Il s’agissait là du tramway « des nobles gens » comme l’appelait mémé, un véhicule de transport pour les polonais libre de Varsovie qui passait au travers du Ghetto. Cette rame nous mena directement jusqu’à la gare de Umschlagplatz, inhabituellement peuplée.
Des militaires faisaient entrer en masse des gens dans des wagons à bétail, les entassant les uns sur les autres par la force des armes. Quand à notre groupe restreint, nous allions nous installer dans un wagon de tête luxueusement équipé. Chemin faisant, je sentait sur moi les regards méprisants des juifs que l’on entassait comme des bestiaux, et ne manquait pas d’en reconnaitre quelques uns. La haine et la jalousie se peignaient sur leurs traits tandis que je gravissait les deux marches qui me séparait du compartiment réservé à la Kommandantur. Je pris place à même le sol, forcé de m’asseoir en face du SS, et le train ne mit que peut de temps à partir vers une destination inconnue.
La route fut longue, le paysage défilait autour de nous à grande vitesse. C’était la première fois que je prenais le train, mais je ne m’en rendait même pas compte. La poupée de chair que j’étais vacillait au grès des virages et des accélérations sans prendre en compte le temps qui passe. De vagues informations rentraient par une de mes oreilles pour sortir par l’autre sans que j’en retienne un traitre mot, 80km, Treblinka, tout cela ne me touchait pas.
Le train finit par s’immobiliser, et on me força à descendre. Aucune volonté ne me permit de résister, je m’exécutais sans un mot. Hors du wagon les juifs étaient triés de manière très binaire : les hommes à droite les femmes à gauche. Des enfants étaient arrachés à leurs mères, et les bébés étaient isolés plus loin sans rentrer dans l’un des deux rangs -la rumeur dit que l’on ne les revit jamais-. Comme lors de mon premier jour à Varsovie, chacun se fit remettre un numéro, qui à l’instar du brassard était gravé à même leur peau à jamais, puis on les jetais dans le camp dans de sordides bungalows en bois miteux.
Mon baraquement était toutefois de meilleur acabit. Une demeure en pierre de bon gout trônait fièrement au centre de ce camp de fortune, et nous y pénétrions comme si ce fut déjà chez nous. Friedrich s’annonça par un salut en claquant sèchement des talons, et serra la main d’un homme que j’identifiais comme Irmfried Eberl, dont le nom avait été porté à mes oreilles lors d’une discussion entre deux soldats. Cet homme semblait incapable de gérer correctement ce camp, dévoué à l’extermination plus qu’à la concentration. Mais enfin, cela ne m’importait que peu.
Une conversation s’ensuit, durant laquelle les deux hommes firent connaissance et mirent en commun leur expérience d’administration de centre. L’un avait été à la tête de deux hôpitaux psychiatriques en Allemagne et l’autre avait de l’expérience dans le confinement et le matage de juif en masse. Il s’entendirent rapidement, et en vinrent à échanger des commodités. Mon sujet fut aussi abordé, dans le cadre d’un projet de recherche occultes ou magique, qu’importe. Ma place serait celle d’un esclave, mais ma survie serait assurée tant que mon inutilité n’aurait pas été démontrée.
Ma garde fut confiée au docteur Akatoki, qui pouvait disposer de moi comme il l’entendait, et ne tardait pas à exiger de moi que je l’aide dans ses recherches. Les lignes du bouquin dansaient devant mes yeux sans qu’aucun mot ne puisse être lu par mon esprit creux, seuls résonnaient comme une douce mélodie à mes oreilles les fréquents coups de feu tirés ça et là dans le camp. Si la mort dans le ghetto était monnaie courante, ici c’en était une véritable industrie. Ce fréquent arrivage de cadavre frai était un matériel de choix pour les recherches du professeur, et tel un robot je traduisait lentement les quelques passages que je pouvais lire lorsque mon esprit faisait acte de présence.
Jour après jour, les expériences s’enchaînaient plus intenses les unes que les autres, mais le docteur me traitait avec soin contre toute attente, et plus humainement que Her Hauffmanstal. Ce qui n’était pas vraiment pour plaire à ce dernier. Si la mort était omniprésente, lui n’aimait pas la dispenser de manière abrupte, loin de là, il préférait faire souffrir subtilement et voir la douleur sur le visage de sa victime. J’étais balancé entre deux monde, celui où j’étais un rat de laboratoire dans des expérience inhumaines sur la vie et la mort et celui où je n’étais qu’un jouet aux mains d’un sadique assoiffé de perversion.
Les cicatrices s’amoncelaient sur mon corps, les mégots de cigarette que l’on écrasaient sur mon torse tantôt, ou les sillons creusés par les coups de ceinturon à répétition dans mon dos. J’était navigué entre l’envie de mourir et l’intérêt naissant que je nourrissait pour les recherches du professeur. Au final, ce livre et le savoir qu’il contenait était la seule corde à laquelle se raccrochait mon esprit torturé pour ne pas sombrer dans la folie.
Plus le temps passait et plus j’en apprenais cependant, oubliant l’espace de quelques instants les mauvais traitements quotidiens. Plus qu’un traducteur, j’étais devenu un assistant pour le docteur, qui me faisait mettre en pratique les écrits que j’avais au préalable traduit. Certes il restait d’immenses part d’ombres, mais les enseignements que je recevait ouvraient ma perception nouvelle sur un monde dont j’ignorais la possible existence.
Chaque être vivant était la résultante d’interaction entre des cellules, des molécules et leurs environnement, mais le tout était animé d’un souffle d’énergie intangible et invisible. J’apprenais peu à peu à la ressentir, et remarquais avec le temps que cette énergie était présente de manière résiduelle chez les macchabés pendant une courte période après le décès. Ces découvertes furent un grand bouleversement dans la suite des recherches, dont je fut contre toute attente tenu à l’écart. Mon rôle était terminé, mais je cru comprendre que l’on me gardait sous la main en cas de besoin. En attendant, je retrouvais ma condition d’esclave qui ne m’avait pas manqué, et l’éloignement avec ma corde de secours étouffait peu à peu la flamme qui s’était à peine rallumée en moi.
Du matin au soir, je travaillais la terre dans une sorte de potager pour les officiers, sous le regard moqueur et les railleries des gardes affectés à ma surveillance. Cela faisait maintenant quelques mois que nous étions arrivés, et une odeur de pourriture embaumait l’atmosphère sans interruption. De l’autre coté des grillages qui entouraient les quartiers administratifs, les juifs étaient exécutés au rythme de presque 3000 par heure. Ce chiffre je ne l’avais pas inventé, c’était un des officiers qui se ventait de l’extrême efficacité de leur invention, la chambre à gaz. 10 nouvelles chambres d’extermination avaient vu le jour aux alentour de la mi-aout 1942, il y avait de cela 6 ou 7 mois. Depuis, la gestion du camp était facilité pour les Nazis. Les juifs étaient éliminés aussi vite qu’acheminés jusqu’ici, et les dépouilles s’entassaient dans d’immenses fosses communes. J’avais depuis longtemps déjà abandonné tout espoir dans l’espèce humaine, alors leur mort ne me faisait ni chaud ni froid, mais je fut tout de même interloqué de me prendre à regretter la perte de matériel de recherche de cette façon. A vivre avec des monstres, je devenais lentement mais surement l’un des leurs, sans pour autant n’y apporter le moindre regret.
A mesure que ce cercle vicieux d’exécution à grande échelle suivait son rythme, mes conditions de vie se détérioraient jusqu’à ressembler presque en tous point à celles des prisonniers du camp, l’aspect décès prématuré en moins. Les gardes se sentaient pousser des ailes et n’hésitaient pas à tirer entre mes jambes pour me voir gesticuler, m’accrochant à la vie par réflexe, et mes rations de nourriture s’amenuisaient toujours plus. J’en était presque à un repas de misère tous les trois jours, apporté uniquement par le professeur dans le dos de Her Hauffmanstal. Ce dernier renforçait ses abus et ses mauvais traitements, me faisant même trimer de nuit et réveiller aléatoirement à grande eau. Mon visage se creusait de plus en plus, et les cernes violettes sous mes yeux contrastaient nettement avec la pâleur originelle de ma peau. Je soupçonnait que ma fin fut programmée par les grands pontes de ce gourbi, mais je n’étais sûr de rien.
Vint enfin un jour la visite d’un officiel du troisième Reich, très attendus par tous. Enfin, par les allemands plutôt, qui s’empressèrent de faire exécuter les trois quarts du camp dans la nuit précédant son arrivée afin de faire démonstration de l’efficacité du procédé de « la solution finale ». C’était Heinrich Himler en personne qui avait fait le déplacement, et toute sa garde avec lui. Comme un fidèle animal suivant son maitre comme son ombre, j’emboitais le pas du dirigeant du camp comme si j’eut été enchaîné à lui, les bras ballants et la mine creuse. J’eut le privilège de découvrir en exclusivité la raison de cette visite, qui était de tout sauf de courtoisie. Le peuple allemand perdait foi dans ces actes barbares, et l’absence de fours crématoires laissait bien trop de preuves. L’ordre fut donné de tout faire disparaitre, cadavres comme prisonniers, et c’est en un regard insistant sur ma piètre personne que Himler précisa qu’il ne devait y avoir aucune exception.
Dès le lendemain, les prisonniers eux-mêmes furent chargés de déterrer la centaine de millier de corps enfouis dans les fosses, et de grands braseros furent allumés. A l’odeur de pourriture se mêla soudainement celle de chair cramée, et les grands feux brulaient sans interruption jours et nuits, visibles à des kilomètres.
L’extermination n’en resta pas là cependant, car chaque jour les équipes de crémation étaient remplacées par de nouvelles, et les anciennes disparaissaient bien vite pour réapparaître dans les monticules de cadavre à carboniser. Cette industrie inhumaine eut tôt fait de déclencher des soulèvements au sein du camp, et après 4 mois à bruler sans cesse toute trace de crime une révolte éclata, le 2 aout 1943. Les prisonniers se rendirent enfin compte qu’ils étaient bien plus nombreux que leurs geôliers, et finirent par se procurer des armes. Une véritable guerre prit place au sein du camp, les grilles tombaient et le sang coulait à flot. Les Bosch avaient ordre de tirer à vue, et les coups de feu raisonnaient sans cesse pendant de longues heures. Enfermé dans les bureaux de la Kommandantur, je ne savait de cette révolte que ce que mes oreilles m’apprenaient : ça se rapprochait. Il fallut peu de temps pour que les prisonniers atteignent le bâtiment, et les gardes périrent en essayant de les repousser. Je ressentait en moi un soulagement naissant de la mort de ces hommes, moi qui avait renié tout sentiments depuis plus d’un an commençait à sentir mon coeur s’accélérer dans ma poitrine.
Je fit sauter le verrou de la porte qui me retenais avec un cale-livre, c’était mon premier acte de rébellion depuis le ghetto, mais dans cette situation personne ne le remarquerait, et je ressentait ce besoin de voir de mes yeux mourrir les êtres qui m’avaient depuis tant de temps maltraité et rabaissé.
Une main sur la rampe de marbre, je descendait les escaliers pas après pas et découvrais le hall peu à peu, jonché de nazis à l’agonie et de prisonniers aux crânes percés de part en part. L’affrontement avait sans doute déjà prit fin, j’arrivais après la bataille mais la vue était des plus délectable. Tous ces mois passés à souffrir le martyr et enfin ils recevaient une punition à la hauteur de leurs crimes, sans que j’eut à me salir les mains. Je me délectais de chaque centimètre carré de bonheur étalé devant mon regard, lorsque celui-ci se fixa sur un homme à terre. Une main sur l’abdomen, il semblait tenter de faire compression pour retenir le sang et les entrailles en lui. Le ventre avait éclaté sous l’effet des balles, et la mort n’était qu’une question de minute. Je n’eut pas reconnu de prime abord le visage tuméfié et recouvert de sang, mais en m’approchant j’identifiais le blessé, et un sourire macabre se dessina sur mon visage depuis si longtemps inexpressif. A mes pieds trônait le si fier et tout-puissant Friedrich Hauffmanstal, aux portes de la mort.
Sa respiration saccadées et difficile sonnait comme une si douce mélodie, mais il ne semblait pas avoir remarqué ma présence. D’un coup de pied dans le flan je me rappelait à lui, le faisant geindre et couiner sous l’impact. Maintenant plié en deux, il leva vers moi des yeux tant meurtris que surpris. Et oui, je n’étais pas mort. A vouloir garder mon exécution pour son propre plaisir il avait finit par sauver ma peau, et s’était lui même retrouvé sous le feu fatal qui mettrait fin à sa vie.
Il avançait lentement sa main tremblante vers le revolver qui gisait à côté de lui, que je poussait malicieusement hors de sa portée avec une extrême lenteur. Il sembla abandonner l’idée d’en finir avec moi ici et maintenant, et resta là à me dévisager sans un mot, le souffle court. J’étais debout face à lui, mon regard plongé dans le sien, et je me remémorait tout ce qu’il m’avait fait vivre.
Ce salaud m’avait volé mon père, ma mère, ma liberté, ma fierté, mes sentiments, il avait fait de moi une marionnette pour son bon plaisir, abusé de moi, volé mon innocence, mon enfance, et mon futur. Enfin il était à ma merci, et j’allais me venger de tout ce qu’il m’avait prit. J’allais lui voler tout ce qui lui était cher, je prendrais sa vie, non mieux encore je séparerait son corps et son âme et le ferai mien à jamais.
Dans mon esprit soudainement ranimé après tant de temps les idées de vendetta se multipliaient et se mêlaient. Il m’avait tout pris mais n’était pas le seul fautif, les juifs n’avaient jamais rien tenté pour me sauver, les soldats m’avaient rabaissés et volé mon honneur, l’humanité m’avait oblitéré et changé en un animal, alors je reprendrais tous ces droits à la force de mes mains. Je ferai de tout ce qui existe ma possession, et ferait mien tout ce qui est.
J’écrasais un genoux sur la blessure de ce pourri de SS, bloquant sa main au passage. Son cri de douleur élargit encore le sourire carnassier qui déchirait mon visage en deux, et j’empoignais ses cheveux d’une main pour plaquer son crâne contre le mur.
« Hey, Her hauffmanstal… Will du tanz mit mir ? »
Il écarquilla les yeux comme deux berlons, et j’y enfonçait mes deux pouces. Il criait et se débattait comme il pouvait, mais mes deux mains de chaque côté de son crâne le tenaient fermement à mesure que mes phalanges écrasaient ses globes oculaires. Cette barbarie résumait à elle seule la douleur que j’eut endurée tout ce temps, et je prenais un malin plaisir à effacer cet air supérieur dans un bain de sang. Mais le tuer comme ça ne suffirait pas, sa souffrance serait trop brève, alors je me remémorais les pages du livres que je connaissaient par coeur, des enseignements que j’en avais retiré, des conseils et expériences du professeur, et tout en martyrisant mon bourreau je fouillait en lui jusqu’à déceler le filon de son énergie vitale.
Jusqu’à présent je n’avais expérimenté que sur des cadavres, mais le matériaux vivant se révélait être un sujet d’excellence, et tout en continuant ma torture je commençait à lui ponctionner son énergie vitale. Je sentais cette vague de puissance parcourir mes membres, s’insuffler dans mes veines et bientôt gagner la totalité de mon être. C’était extraordinairement intense, à la limite du jouissif, et j’y prit instantanément goût. Il m’en fallait plus, je lui prendrait jusqu’à la dernière once de souffle qui lui restait, et bientôt à ses cris de douleur se mêla un rire macabre incontrôlable. Je sentais tout mon corps me bruler, mais de manière si agréable que j’intensifiait mortellement la pression sur mes doigts. Le corps presque inconscient commençait à convulser sur mon poids tandis que mes veines se mirent à luire d’un bleu étincelant, et sans que je m’en rende compte mon tatouage de matricule avait muté en une horloge inversée, qui à l’image d’un sablier décomptait mon temps de vie. Je perdis toute notion de temps et de raison, et l’inconscience prit le pas sur mon esprit.
Des pas de courses derrière moi me firent tourner la tête. Face à moi se tenait le professeur Akatoki, visiblement en nage et à bout de souffle. Je l’accueillait avec un grand sourire ampli d’innocence.
« Professeur ! Vous arrivez juste à temps, regardez ! »
Je tandis vers lui une main ensanglantée, au creux de laquelle flottait mollement un voile éthéré bleuâtre, comme une pâle flamme translucide. Je n’arrivais pas à la lâcher des yeux, fasciné par la magnificence de cette essence fraichement arrachée du corps qui gisait sous mes pieds.
Je sentais cependant le regard horrifié du professeur sur moi, sans en comprendre forcément l’origine. Lui qui travaillait en permanence sur des cadavres était-il choqué que j’en produise un par mes propre moyens ? Ou bien encore était-il désemparé par le fait que mes deux yeux aient viré au noir onyx et que mes pupilles brulaient d’un bleu néon incandescent ? Je n’en avais strictement rien à faire, je serrai dans mon poing la vie d’un être humain, et cette sensation indescriptible de puissance et de supériorité était d’un délice sans pareil. Cette faible lueur m’attirait et déclenchait comme une sorte d’appétit sans fin, et je ne tardais pas à ouvrir la bouche pour mordre à pleine dent ce qui restait du SS. A peine avais-je arraché le premier morceau que mon corps fut pris de spasmes et de décharges si intenses que je sentais mes yeux se révulser. Je me sentais plus puissant, plus fort que jamais, et ampli d’une soudaine joie malsaine.
J’allais arracher un autre morceau lorsque le professeur me saisit au poignet. Je le dévisageais, interloqué, la bouche entrouverte.
« Nous n’avons pas le temps, il faut profiter du chaos ambiant pour disparaitre ! »
Et il me tira sans peine de mes positions pour me trainer derrière lui. J’avais toujours l’essence de ma victime au creux de la main mais suivait le professeur avec un air dubitatif. Il avait toujours été plus ou moins bon avec moi, je n’avais aucune raison de me méfier de lui n’est-ce pas ?
Tantôt accroupi, tantôt courant, nous passions entre les ruines incendiées des anciens bungalows du camp. Des scènes de guérilla se déroulaient toujours dans les grandes artères de terre et de pierre de Treblinka, les coups de feux ne cessaient d’aucun des deux cotés, et par moment des balles perdues s’encastraient dans le bois des baraquements à quelques centimètres de moi. Je ressentait la mort plus que je ne la vivais, les énergies s’éteignaient violemment et disparaissaient si facilement, c’était exaltant. Tant de puissance à porté de main, et pourtant ils la gâchaient en s’entretuant, c’était tant rageant que satisfaisant.
Notre cavalcade dura de nombreuses minutes, bien que le camps soit relativement restreint. Les grillages et barbelés avaient déjà été déchirés par endroit par les prisonniers qui s’étaient déjà fait la malle, et nous profitions de ces passages pour nous éclipser le plus discrètement possible avant de courir nous abriter dans les bois. A partir de ce moment, le professeur et moi avions disparu aux yeux des nazis, et nous entamions un long périple vers une destination qui, une fois n’est pas coutume, m’était totalement inconnue.
Nous avons marché de longues journées, et le docteur m’expliquait d’où il venait et la mission qui lui fut confiée. Il occupait le rôle de sentinelle sous les ordres d’une sorte d’enclave à ce que j’ai compris, et sa mission était de me trouver et de me ramener avec lui dans le pays d’origine de mes parents. Me trouver ne fut pas tâche facile cependant car père et mère connaissaient par coeur le fonctionnement de leur organisation. C’est ma capture par les allemands qui à permis de faire remonter ma trace auprès de leur service de recherche. En se faisant passer pour un expert en sciences occultes il avait fini par s’introduire dans les rangs des humains pour m’approcher, et me servit discrètement d’instructeur comme il put en attendant que l’occasion se présente de me tirer de ce camp.
Tout ceci ressemblait à un récit fantastique que j’avais du mal à avaler, mais surtout j’étais quelque part excité à l’idée que d’autres sorciers puissent exister en ce monde, et que je n’étais plus seul.
Il nous fallut deux mois pour arriver au Japon, principalement à cause des contrôles de la police allemande et des nombreux pays qu’il nous fallut traverser. Nous vivions clandestinement la plupart du temps, mais en comparaison avec la vie au Ghetto et au camp c’était de véritable vacances. Je retrouvais les joies de la liberté et l’excitation du vol à l’étalage pour pouvoir me nourrir, sans craindre qu’un Nazi ne me persécute. Durant tout le voyage, mon passe temps favori restait de m’entraîner à extirper et réintégrer en moi l’énergie vitale de Friedrich, et quelquefois de lui arracher un morceau pour m’en repêtre. Au début, j’entendais encore sa voix dans ma tête, m’implorer de l’épargner, mais plus je l’affaiblissait et le dévorait et plus sa voix se faisait faible et discrète. C’était délectable en tous sens.
Nous avions enfin fini par retourner à Nakanoto, la ville dont j’avais tant entendu parler, et le professeur me présenta à cette Enclave dont il ne cessait de faire des éloges. Elle avait bien évoluée depuis le temps où mon père faisait parti des leurs, et il ne restait rien ni personne de cette époque là. Je restait bouche bée devant ces hommes et femme d’une puissance que je sentait incommensurable, et ne pouvait trouver les mots à leurs questions tant j’étais submergé par une admiration sans borne. Je sentais en eux une force vitale extraordinaire, menant à une puissance colossale écrasante. Sans m’en rendre compte, j’avais pris la décision de vouer mon existence à atteindre leur rangs, faisant d’eux mon model.
Placé sous leur tutelle, je subissait en premier lieux un examen psychologique dont le résultat semblait les stupéfier. Selon eux, je souffrait de nombreux chocs psycho-traumatiques responsables d’un dédoublement de personnalité lunatique à tendance sadique psychotique. Je n’en comprenais pas un traitre mot, mais je fut forcé de suivre une thérapie. Ça ne changeait pas grand chose pour moi au final, les médicaments ne faisant qu’empirer mes crises, et contrairement à mes habitudes je me mettais à répondre ouvertement à la voix dans ma tête.
Je restais cependant un jeune sorcier instable, et décision fut prise de me présenter à un maitre adapté à ma situation. A ses côtés j’appris à contrôler le flux d’énergie qui circulait de manière anarchique dans mon corps, et à renforcer mon esprit pour reprendre le contrôle de mes pensées. Ce fut indéniablement plus efficace que les thérapies standards de l’hôpital psychiatrique, et lorsque je fut jugé assez stable je fut relâché et put enfin intégrer le premier cycle de l’école de sorcellerie de Nakanoto.
Mes progrès fulgurants me permirent de gravir les échelons plus vites que mes petits camarades, car en effet j’étais sensiblement plus âgés qu’eux. Quelquefois j’étais forcé de prendre une semaine de repos au centre psychiatrique pour ne pas perdre les pédales. Entouré de tant d’énergie, mon insatiable faim me rendait presque fou, et c’était là la deuxième partie de ma formation : apprendre à contrôler mes pulsions et réguler l’utilisation de ma magie pour ne pas amenuiser mon espérance de vie plus vite que nécessaire. C’est à ce moment que je me mis à développer seul une manière de soutirer de l’énergie vitale par fractionnement à mes victimes, sans pour autant avoir à les tuer. La méthode était basique mais incomplète, et bien trop dangereuse, alors mon maitre m’aida à contrecoeur à la perfectionner. En contrepartie, je recevrais des cours particulier, étant jugé trop dangereux pour mes pairs, et placé sous contrôle permanent pour éviter les abus. Je me pliais sans broncher aux impositions des sorciers confirmés, car c’était un sacrifice nécessaire s’il me permettait un jour d’attendre le niveau des plus puissants sorcier de ce monde.
Les années passèrent et ma puissance ne cessait d’augmenter de manière exponentielle. Non content de pouvoir manipuler les énergies dans le corps des autres, j’ai appris matérialiser celles que j'avais subtilisé pour modifier et interagir avec mon entourage. Dès lors mes propres mains ne me servaient plus que rarement. J’obtenais ainsi le droit de sortir sans garde dans la ville, et respirais pour la première fois l’air libre. Décidant enfin par moi même ce que je pourrais faire, je repris contact avec la directrice du centre hospitalier de la ville où j’avais passé bon nombre d’examens et de temps en suivi, et finit par rejoindre le cursus médical en temps qu’étudiant.
Huit ans plus tard, mon diplôme en main, je me spécialisais en médecine légale et rejoingnais la morgue de l’hôpital central de Nakanoto, où en peut de temps je pris la tête du pôle légiste. Ce boulot me permit de continuer en toute discrétion mes travaux de recherche sur des cadavres frais, et ainsi finaliser ma magie en découvrant que je pouvais ranimer un macchabé en lui insufflant une énergie vitale. Tel Dieu, je me sentais tout puissant sur la vie d’autrui, possédant le droit de vie ou de mort sur quiconque.
Toutes ces péripéties finirent par m’octroyer la place que j’occupe actuellement au sein de l’enclave. Je suis la puissance, et personne ne peut se dresser contre moi. Je possède tout, et tout m’appartient, je suis celui qui est mort par la main des hommes et revenu pour tout leur prendre.
Je ne répondit rien, non pas que je n’eut rien à répondre mais sa question ne m’atteignait même pas. Je ne faisait que le fixer avec un regard vide hébété, remarquant toutefois la présence à ses coté d’un inconnu.
« Je te conseille de répondre. Vois-tu, la situation ici devient un peu difficile, des groupes commencent à nous opposer résistance. Bientôt je quitterai cet endroit pour diriger ein Konzentrationlager, un camp à l’Est plus approprié pour éradiquer la vermine. »
Il continuait de parler sans que ses mots ne me touchent, mon attention vague était absorbée par l’homme qui se tenait à ses côtés, un inconnu de toute évidence étranger. Ses traits me rappelait vaguement quelque chose, mais outre cela j’avais une étrange impression à son encontre.
Le SS stoppa son monologue, remarquant mon intérêt pour l’étranger.
« Je te présente le docteur Hiroto Akatoki, un éminent scientifique en sciences occultes, art dans lequel je me suis passionné. Il est ici pour examiner l’ouvrage et possiblement ce que tu pourras en sortir. »
L’homme me fixait intensément, me mettant dans une position d’inconfort exagéré. Il fit un pas vers moi, puis s’accroupit en tendant une main vers mon visage. Instinctivement je reculait de crainte, l’isolement ne m’ayant rendu que plus sauvage, mais je n’avais nulle part où fuir. Sa main rentra en contact avec ma joue, et je ressentit à cet instant comme une décharge électrique qui me fit sursauter. L’homme quand à lui se campa sur sa position, un air surpris sur le visage qui laissa rapidement sa place à une sorte de demi-sourire éphémère. Il se releva et approcha du médaillé pour lui chuchoter quelque chose, qui ne semblait pas vraiment plaire au chef des bosch. Il finit par acquiescer à contre-coeur semble-t-il.
« Soit, si vous pensez que c’est nécessaire qu’il en soit ainsi. Mais vous en porterez la pleine responsabilité. Marquez-le et préparez-le, wir müssen los. »
Suite à ça, les soldats m’emmenèrent dans une sale sordide ou un homme me tatoua un matricule sur la face ventrale de l’avant-bras droit. Je n’avait jamais vraiment eu de nom pour eux, mais de la à résumer mon existence à un numéro… enfin, c’est ce que j’étais, je n’étais rien ou du moins plus rien.
Je fut ensuite trainé vers une partie du ghetto que je ne fréquentais pas d’habitude, pour peu que je m’en souvienne encore tant les ruelles avaient changées pendant mon isolement. Certain immeubles que je connaissait bien étaient condamnés, de nombreuses fenêtres brisées justes rebouchées par des morceaux de cartons mal coupés, et la population semblait plus affamée que jamais. Pour ce que j’en avais à faire, je n’y prêtait qu’une distante attention. Nous finissions donc par arriver à une sorte de quai gardé par des soldats où nous attendait une rame de véhicule monté sur des rails, couleur rouge et or. Il s’agissait là du tramway « des nobles gens » comme l’appelait mémé, un véhicule de transport pour les polonais libre de Varsovie qui passait au travers du Ghetto. Cette rame nous mena directement jusqu’à la gare de Umschlagplatz, inhabituellement peuplée.
Des militaires faisaient entrer en masse des gens dans des wagons à bétail, les entassant les uns sur les autres par la force des armes. Quand à notre groupe restreint, nous allions nous installer dans un wagon de tête luxueusement équipé. Chemin faisant, je sentait sur moi les regards méprisants des juifs que l’on entassait comme des bestiaux, et ne manquait pas d’en reconnaitre quelques uns. La haine et la jalousie se peignaient sur leurs traits tandis que je gravissait les deux marches qui me séparait du compartiment réservé à la Kommandantur. Je pris place à même le sol, forcé de m’asseoir en face du SS, et le train ne mit que peut de temps à partir vers une destination inconnue.
La route fut longue, le paysage défilait autour de nous à grande vitesse. C’était la première fois que je prenais le train, mais je ne m’en rendait même pas compte. La poupée de chair que j’étais vacillait au grès des virages et des accélérations sans prendre en compte le temps qui passe. De vagues informations rentraient par une de mes oreilles pour sortir par l’autre sans que j’en retienne un traitre mot, 80km, Treblinka, tout cela ne me touchait pas.
Le train finit par s’immobiliser, et on me força à descendre. Aucune volonté ne me permit de résister, je m’exécutais sans un mot. Hors du wagon les juifs étaient triés de manière très binaire : les hommes à droite les femmes à gauche. Des enfants étaient arrachés à leurs mères, et les bébés étaient isolés plus loin sans rentrer dans l’un des deux rangs -la rumeur dit que l’on ne les revit jamais-. Comme lors de mon premier jour à Varsovie, chacun se fit remettre un numéro, qui à l’instar du brassard était gravé à même leur peau à jamais, puis on les jetais dans le camp dans de sordides bungalows en bois miteux.
Mon baraquement était toutefois de meilleur acabit. Une demeure en pierre de bon gout trônait fièrement au centre de ce camp de fortune, et nous y pénétrions comme si ce fut déjà chez nous. Friedrich s’annonça par un salut en claquant sèchement des talons, et serra la main d’un homme que j’identifiais comme Irmfried Eberl, dont le nom avait été porté à mes oreilles lors d’une discussion entre deux soldats. Cet homme semblait incapable de gérer correctement ce camp, dévoué à l’extermination plus qu’à la concentration. Mais enfin, cela ne m’importait que peu.
Une conversation s’ensuit, durant laquelle les deux hommes firent connaissance et mirent en commun leur expérience d’administration de centre. L’un avait été à la tête de deux hôpitaux psychiatriques en Allemagne et l’autre avait de l’expérience dans le confinement et le matage de juif en masse. Il s’entendirent rapidement, et en vinrent à échanger des commodités. Mon sujet fut aussi abordé, dans le cadre d’un projet de recherche occultes ou magique, qu’importe. Ma place serait celle d’un esclave, mais ma survie serait assurée tant que mon inutilité n’aurait pas été démontrée.
Ma garde fut confiée au docteur Akatoki, qui pouvait disposer de moi comme il l’entendait, et ne tardait pas à exiger de moi que je l’aide dans ses recherches. Les lignes du bouquin dansaient devant mes yeux sans qu’aucun mot ne puisse être lu par mon esprit creux, seuls résonnaient comme une douce mélodie à mes oreilles les fréquents coups de feu tirés ça et là dans le camp. Si la mort dans le ghetto était monnaie courante, ici c’en était une véritable industrie. Ce fréquent arrivage de cadavre frai était un matériel de choix pour les recherches du professeur, et tel un robot je traduisait lentement les quelques passages que je pouvais lire lorsque mon esprit faisait acte de présence.
Jour après jour, les expériences s’enchaînaient plus intenses les unes que les autres, mais le docteur me traitait avec soin contre toute attente, et plus humainement que Her Hauffmanstal. Ce qui n’était pas vraiment pour plaire à ce dernier. Si la mort était omniprésente, lui n’aimait pas la dispenser de manière abrupte, loin de là, il préférait faire souffrir subtilement et voir la douleur sur le visage de sa victime. J’étais balancé entre deux monde, celui où j’étais un rat de laboratoire dans des expérience inhumaines sur la vie et la mort et celui où je n’étais qu’un jouet aux mains d’un sadique assoiffé de perversion.
Les cicatrices s’amoncelaient sur mon corps, les mégots de cigarette que l’on écrasaient sur mon torse tantôt, ou les sillons creusés par les coups de ceinturon à répétition dans mon dos. J’était navigué entre l’envie de mourir et l’intérêt naissant que je nourrissait pour les recherches du professeur. Au final, ce livre et le savoir qu’il contenait était la seule corde à laquelle se raccrochait mon esprit torturé pour ne pas sombrer dans la folie.
Plus le temps passait et plus j’en apprenais cependant, oubliant l’espace de quelques instants les mauvais traitements quotidiens. Plus qu’un traducteur, j’étais devenu un assistant pour le docteur, qui me faisait mettre en pratique les écrits que j’avais au préalable traduit. Certes il restait d’immenses part d’ombres, mais les enseignements que je recevait ouvraient ma perception nouvelle sur un monde dont j’ignorais la possible existence.
Chaque être vivant était la résultante d’interaction entre des cellules, des molécules et leurs environnement, mais le tout était animé d’un souffle d’énergie intangible et invisible. J’apprenais peu à peu à la ressentir, et remarquais avec le temps que cette énergie était présente de manière résiduelle chez les macchabés pendant une courte période après le décès. Ces découvertes furent un grand bouleversement dans la suite des recherches, dont je fut contre toute attente tenu à l’écart. Mon rôle était terminé, mais je cru comprendre que l’on me gardait sous la main en cas de besoin. En attendant, je retrouvais ma condition d’esclave qui ne m’avait pas manqué, et l’éloignement avec ma corde de secours étouffait peu à peu la flamme qui s’était à peine rallumée en moi.
Du matin au soir, je travaillais la terre dans une sorte de potager pour les officiers, sous le regard moqueur et les railleries des gardes affectés à ma surveillance. Cela faisait maintenant quelques mois que nous étions arrivés, et une odeur de pourriture embaumait l’atmosphère sans interruption. De l’autre coté des grillages qui entouraient les quartiers administratifs, les juifs étaient exécutés au rythme de presque 3000 par heure. Ce chiffre je ne l’avais pas inventé, c’était un des officiers qui se ventait de l’extrême efficacité de leur invention, la chambre à gaz. 10 nouvelles chambres d’extermination avaient vu le jour aux alentour de la mi-aout 1942, il y avait de cela 6 ou 7 mois. Depuis, la gestion du camp était facilité pour les Nazis. Les juifs étaient éliminés aussi vite qu’acheminés jusqu’ici, et les dépouilles s’entassaient dans d’immenses fosses communes. J’avais depuis longtemps déjà abandonné tout espoir dans l’espèce humaine, alors leur mort ne me faisait ni chaud ni froid, mais je fut tout de même interloqué de me prendre à regretter la perte de matériel de recherche de cette façon. A vivre avec des monstres, je devenais lentement mais surement l’un des leurs, sans pour autant n’y apporter le moindre regret.
A mesure que ce cercle vicieux d’exécution à grande échelle suivait son rythme, mes conditions de vie se détérioraient jusqu’à ressembler presque en tous point à celles des prisonniers du camp, l’aspect décès prématuré en moins. Les gardes se sentaient pousser des ailes et n’hésitaient pas à tirer entre mes jambes pour me voir gesticuler, m’accrochant à la vie par réflexe, et mes rations de nourriture s’amenuisaient toujours plus. J’en était presque à un repas de misère tous les trois jours, apporté uniquement par le professeur dans le dos de Her Hauffmanstal. Ce dernier renforçait ses abus et ses mauvais traitements, me faisant même trimer de nuit et réveiller aléatoirement à grande eau. Mon visage se creusait de plus en plus, et les cernes violettes sous mes yeux contrastaient nettement avec la pâleur originelle de ma peau. Je soupçonnait que ma fin fut programmée par les grands pontes de ce gourbi, mais je n’étais sûr de rien.
Vint enfin un jour la visite d’un officiel du troisième Reich, très attendus par tous. Enfin, par les allemands plutôt, qui s’empressèrent de faire exécuter les trois quarts du camp dans la nuit précédant son arrivée afin de faire démonstration de l’efficacité du procédé de « la solution finale ». C’était Heinrich Himler en personne qui avait fait le déplacement, et toute sa garde avec lui. Comme un fidèle animal suivant son maitre comme son ombre, j’emboitais le pas du dirigeant du camp comme si j’eut été enchaîné à lui, les bras ballants et la mine creuse. J’eut le privilège de découvrir en exclusivité la raison de cette visite, qui était de tout sauf de courtoisie. Le peuple allemand perdait foi dans ces actes barbares, et l’absence de fours crématoires laissait bien trop de preuves. L’ordre fut donné de tout faire disparaitre, cadavres comme prisonniers, et c’est en un regard insistant sur ma piètre personne que Himler précisa qu’il ne devait y avoir aucune exception.
Dès le lendemain, les prisonniers eux-mêmes furent chargés de déterrer la centaine de millier de corps enfouis dans les fosses, et de grands braseros furent allumés. A l’odeur de pourriture se mêla soudainement celle de chair cramée, et les grands feux brulaient sans interruption jours et nuits, visibles à des kilomètres.
L’extermination n’en resta pas là cependant, car chaque jour les équipes de crémation étaient remplacées par de nouvelles, et les anciennes disparaissaient bien vite pour réapparaître dans les monticules de cadavre à carboniser. Cette industrie inhumaine eut tôt fait de déclencher des soulèvements au sein du camp, et après 4 mois à bruler sans cesse toute trace de crime une révolte éclata, le 2 aout 1943. Les prisonniers se rendirent enfin compte qu’ils étaient bien plus nombreux que leurs geôliers, et finirent par se procurer des armes. Une véritable guerre prit place au sein du camp, les grilles tombaient et le sang coulait à flot. Les Bosch avaient ordre de tirer à vue, et les coups de feu raisonnaient sans cesse pendant de longues heures. Enfermé dans les bureaux de la Kommandantur, je ne savait de cette révolte que ce que mes oreilles m’apprenaient : ça se rapprochait. Il fallut peu de temps pour que les prisonniers atteignent le bâtiment, et les gardes périrent en essayant de les repousser. Je ressentait en moi un soulagement naissant de la mort de ces hommes, moi qui avait renié tout sentiments depuis plus d’un an commençait à sentir mon coeur s’accélérer dans ma poitrine.
Je fit sauter le verrou de la porte qui me retenais avec un cale-livre, c’était mon premier acte de rébellion depuis le ghetto, mais dans cette situation personne ne le remarquerait, et je ressentait ce besoin de voir de mes yeux mourrir les êtres qui m’avaient depuis tant de temps maltraité et rabaissé.
Une main sur la rampe de marbre, je descendait les escaliers pas après pas et découvrais le hall peu à peu, jonché de nazis à l’agonie et de prisonniers aux crânes percés de part en part. L’affrontement avait sans doute déjà prit fin, j’arrivais après la bataille mais la vue était des plus délectable. Tous ces mois passés à souffrir le martyr et enfin ils recevaient une punition à la hauteur de leurs crimes, sans que j’eut à me salir les mains. Je me délectais de chaque centimètre carré de bonheur étalé devant mon regard, lorsque celui-ci se fixa sur un homme à terre. Une main sur l’abdomen, il semblait tenter de faire compression pour retenir le sang et les entrailles en lui. Le ventre avait éclaté sous l’effet des balles, et la mort n’était qu’une question de minute. Je n’eut pas reconnu de prime abord le visage tuméfié et recouvert de sang, mais en m’approchant j’identifiais le blessé, et un sourire macabre se dessina sur mon visage depuis si longtemps inexpressif. A mes pieds trônait le si fier et tout-puissant Friedrich Hauffmanstal, aux portes de la mort.
Sa respiration saccadées et difficile sonnait comme une si douce mélodie, mais il ne semblait pas avoir remarqué ma présence. D’un coup de pied dans le flan je me rappelait à lui, le faisant geindre et couiner sous l’impact. Maintenant plié en deux, il leva vers moi des yeux tant meurtris que surpris. Et oui, je n’étais pas mort. A vouloir garder mon exécution pour son propre plaisir il avait finit par sauver ma peau, et s’était lui même retrouvé sous le feu fatal qui mettrait fin à sa vie.
Il avançait lentement sa main tremblante vers le revolver qui gisait à côté de lui, que je poussait malicieusement hors de sa portée avec une extrême lenteur. Il sembla abandonner l’idée d’en finir avec moi ici et maintenant, et resta là à me dévisager sans un mot, le souffle court. J’étais debout face à lui, mon regard plongé dans le sien, et je me remémorait tout ce qu’il m’avait fait vivre.
Ce salaud m’avait volé mon père, ma mère, ma liberté, ma fierté, mes sentiments, il avait fait de moi une marionnette pour son bon plaisir, abusé de moi, volé mon innocence, mon enfance, et mon futur. Enfin il était à ma merci, et j’allais me venger de tout ce qu’il m’avait prit. J’allais lui voler tout ce qui lui était cher, je prendrais sa vie, non mieux encore je séparerait son corps et son âme et le ferai mien à jamais.
Dans mon esprit soudainement ranimé après tant de temps les idées de vendetta se multipliaient et se mêlaient. Il m’avait tout pris mais n’était pas le seul fautif, les juifs n’avaient jamais rien tenté pour me sauver, les soldats m’avaient rabaissés et volé mon honneur, l’humanité m’avait oblitéré et changé en un animal, alors je reprendrais tous ces droits à la force de mes mains. Je ferai de tout ce qui existe ma possession, et ferait mien tout ce qui est.
J’écrasais un genoux sur la blessure de ce pourri de SS, bloquant sa main au passage. Son cri de douleur élargit encore le sourire carnassier qui déchirait mon visage en deux, et j’empoignais ses cheveux d’une main pour plaquer son crâne contre le mur.
« Hey, Her hauffmanstal… Will du tanz mit mir ? »
Il écarquilla les yeux comme deux berlons, et j’y enfonçait mes deux pouces. Il criait et se débattait comme il pouvait, mais mes deux mains de chaque côté de son crâne le tenaient fermement à mesure que mes phalanges écrasaient ses globes oculaires. Cette barbarie résumait à elle seule la douleur que j’eut endurée tout ce temps, et je prenais un malin plaisir à effacer cet air supérieur dans un bain de sang. Mais le tuer comme ça ne suffirait pas, sa souffrance serait trop brève, alors je me remémorais les pages du livres que je connaissaient par coeur, des enseignements que j’en avais retiré, des conseils et expériences du professeur, et tout en martyrisant mon bourreau je fouillait en lui jusqu’à déceler le filon de son énergie vitale.
Jusqu’à présent je n’avais expérimenté que sur des cadavres, mais le matériaux vivant se révélait être un sujet d’excellence, et tout en continuant ma torture je commençait à lui ponctionner son énergie vitale. Je sentais cette vague de puissance parcourir mes membres, s’insuffler dans mes veines et bientôt gagner la totalité de mon être. C’était extraordinairement intense, à la limite du jouissif, et j’y prit instantanément goût. Il m’en fallait plus, je lui prendrait jusqu’à la dernière once de souffle qui lui restait, et bientôt à ses cris de douleur se mêla un rire macabre incontrôlable. Je sentais tout mon corps me bruler, mais de manière si agréable que j’intensifiait mortellement la pression sur mes doigts. Le corps presque inconscient commençait à convulser sur mon poids tandis que mes veines se mirent à luire d’un bleu étincelant, et sans que je m’en rende compte mon tatouage de matricule avait muté en une horloge inversée, qui à l’image d’un sablier décomptait mon temps de vie. Je perdis toute notion de temps et de raison, et l’inconscience prit le pas sur mon esprit.
…///…
Des pas de courses derrière moi me firent tourner la tête. Face à moi se tenait le professeur Akatoki, visiblement en nage et à bout de souffle. Je l’accueillait avec un grand sourire ampli d’innocence.
« Professeur ! Vous arrivez juste à temps, regardez ! »
Je tandis vers lui une main ensanglantée, au creux de laquelle flottait mollement un voile éthéré bleuâtre, comme une pâle flamme translucide. Je n’arrivais pas à la lâcher des yeux, fasciné par la magnificence de cette essence fraichement arrachée du corps qui gisait sous mes pieds.
Je sentais cependant le regard horrifié du professeur sur moi, sans en comprendre forcément l’origine. Lui qui travaillait en permanence sur des cadavres était-il choqué que j’en produise un par mes propre moyens ? Ou bien encore était-il désemparé par le fait que mes deux yeux aient viré au noir onyx et que mes pupilles brulaient d’un bleu néon incandescent ? Je n’en avais strictement rien à faire, je serrai dans mon poing la vie d’un être humain, et cette sensation indescriptible de puissance et de supériorité était d’un délice sans pareil. Cette faible lueur m’attirait et déclenchait comme une sorte d’appétit sans fin, et je ne tardais pas à ouvrir la bouche pour mordre à pleine dent ce qui restait du SS. A peine avais-je arraché le premier morceau que mon corps fut pris de spasmes et de décharges si intenses que je sentais mes yeux se révulser. Je me sentais plus puissant, plus fort que jamais, et ampli d’une soudaine joie malsaine.
J’allais arracher un autre morceau lorsque le professeur me saisit au poignet. Je le dévisageais, interloqué, la bouche entrouverte.
« Nous n’avons pas le temps, il faut profiter du chaos ambiant pour disparaitre ! »
Et il me tira sans peine de mes positions pour me trainer derrière lui. J’avais toujours l’essence de ma victime au creux de la main mais suivait le professeur avec un air dubitatif. Il avait toujours été plus ou moins bon avec moi, je n’avais aucune raison de me méfier de lui n’est-ce pas ?
Tantôt accroupi, tantôt courant, nous passions entre les ruines incendiées des anciens bungalows du camp. Des scènes de guérilla se déroulaient toujours dans les grandes artères de terre et de pierre de Treblinka, les coups de feux ne cessaient d’aucun des deux cotés, et par moment des balles perdues s’encastraient dans le bois des baraquements à quelques centimètres de moi. Je ressentait la mort plus que je ne la vivais, les énergies s’éteignaient violemment et disparaissaient si facilement, c’était exaltant. Tant de puissance à porté de main, et pourtant ils la gâchaient en s’entretuant, c’était tant rageant que satisfaisant.
Notre cavalcade dura de nombreuses minutes, bien que le camps soit relativement restreint. Les grillages et barbelés avaient déjà été déchirés par endroit par les prisonniers qui s’étaient déjà fait la malle, et nous profitions de ces passages pour nous éclipser le plus discrètement possible avant de courir nous abriter dans les bois. A partir de ce moment, le professeur et moi avions disparu aux yeux des nazis, et nous entamions un long périple vers une destination qui, une fois n’est pas coutume, m’était totalement inconnue.
Nous avons marché de longues journées, et le docteur m’expliquait d’où il venait et la mission qui lui fut confiée. Il occupait le rôle de sentinelle sous les ordres d’une sorte d’enclave à ce que j’ai compris, et sa mission était de me trouver et de me ramener avec lui dans le pays d’origine de mes parents. Me trouver ne fut pas tâche facile cependant car père et mère connaissaient par coeur le fonctionnement de leur organisation. C’est ma capture par les allemands qui à permis de faire remonter ma trace auprès de leur service de recherche. En se faisant passer pour un expert en sciences occultes il avait fini par s’introduire dans les rangs des humains pour m’approcher, et me servit discrètement d’instructeur comme il put en attendant que l’occasion se présente de me tirer de ce camp.
Tout ceci ressemblait à un récit fantastique que j’avais du mal à avaler, mais surtout j’étais quelque part excité à l’idée que d’autres sorciers puissent exister en ce monde, et que je n’étais plus seul.
Il nous fallut deux mois pour arriver au Japon, principalement à cause des contrôles de la police allemande et des nombreux pays qu’il nous fallut traverser. Nous vivions clandestinement la plupart du temps, mais en comparaison avec la vie au Ghetto et au camp c’était de véritable vacances. Je retrouvais les joies de la liberté et l’excitation du vol à l’étalage pour pouvoir me nourrir, sans craindre qu’un Nazi ne me persécute. Durant tout le voyage, mon passe temps favori restait de m’entraîner à extirper et réintégrer en moi l’énergie vitale de Friedrich, et quelquefois de lui arracher un morceau pour m’en repêtre. Au début, j’entendais encore sa voix dans ma tête, m’implorer de l’épargner, mais plus je l’affaiblissait et le dévorait et plus sa voix se faisait faible et discrète. C’était délectable en tous sens.
Nous avions enfin fini par retourner à Nakanoto, la ville dont j’avais tant entendu parler, et le professeur me présenta à cette Enclave dont il ne cessait de faire des éloges. Elle avait bien évoluée depuis le temps où mon père faisait parti des leurs, et il ne restait rien ni personne de cette époque là. Je restait bouche bée devant ces hommes et femme d’une puissance que je sentait incommensurable, et ne pouvait trouver les mots à leurs questions tant j’étais submergé par une admiration sans borne. Je sentais en eux une force vitale extraordinaire, menant à une puissance colossale écrasante. Sans m’en rendre compte, j’avais pris la décision de vouer mon existence à atteindre leur rangs, faisant d’eux mon model.
Placé sous leur tutelle, je subissait en premier lieux un examen psychologique dont le résultat semblait les stupéfier. Selon eux, je souffrait de nombreux chocs psycho-traumatiques responsables d’un dédoublement de personnalité lunatique à tendance sadique psychotique. Je n’en comprenais pas un traitre mot, mais je fut forcé de suivre une thérapie. Ça ne changeait pas grand chose pour moi au final, les médicaments ne faisant qu’empirer mes crises, et contrairement à mes habitudes je me mettais à répondre ouvertement à la voix dans ma tête.
Je restais cependant un jeune sorcier instable, et décision fut prise de me présenter à un maitre adapté à ma situation. A ses côtés j’appris à contrôler le flux d’énergie qui circulait de manière anarchique dans mon corps, et à renforcer mon esprit pour reprendre le contrôle de mes pensées. Ce fut indéniablement plus efficace que les thérapies standards de l’hôpital psychiatrique, et lorsque je fut jugé assez stable je fut relâché et put enfin intégrer le premier cycle de l’école de sorcellerie de Nakanoto.
Mes progrès fulgurants me permirent de gravir les échelons plus vites que mes petits camarades, car en effet j’étais sensiblement plus âgés qu’eux. Quelquefois j’étais forcé de prendre une semaine de repos au centre psychiatrique pour ne pas perdre les pédales. Entouré de tant d’énergie, mon insatiable faim me rendait presque fou, et c’était là la deuxième partie de ma formation : apprendre à contrôler mes pulsions et réguler l’utilisation de ma magie pour ne pas amenuiser mon espérance de vie plus vite que nécessaire. C’est à ce moment que je me mis à développer seul une manière de soutirer de l’énergie vitale par fractionnement à mes victimes, sans pour autant avoir à les tuer. La méthode était basique mais incomplète, et bien trop dangereuse, alors mon maitre m’aida à contrecoeur à la perfectionner. En contrepartie, je recevrais des cours particulier, étant jugé trop dangereux pour mes pairs, et placé sous contrôle permanent pour éviter les abus. Je me pliais sans broncher aux impositions des sorciers confirmés, car c’était un sacrifice nécessaire s’il me permettait un jour d’attendre le niveau des plus puissants sorcier de ce monde.
Les années passèrent et ma puissance ne cessait d’augmenter de manière exponentielle. Non content de pouvoir manipuler les énergies dans le corps des autres, j’ai appris matérialiser celles que j'avais subtilisé pour modifier et interagir avec mon entourage. Dès lors mes propres mains ne me servaient plus que rarement. J’obtenais ainsi le droit de sortir sans garde dans la ville, et respirais pour la première fois l’air libre. Décidant enfin par moi même ce que je pourrais faire, je repris contact avec la directrice du centre hospitalier de la ville où j’avais passé bon nombre d’examens et de temps en suivi, et finit par rejoindre le cursus médical en temps qu’étudiant.
Huit ans plus tard, mon diplôme en main, je me spécialisais en médecine légale et rejoingnais la morgue de l’hôpital central de Nakanoto, où en peut de temps je pris la tête du pôle légiste. Ce boulot me permit de continuer en toute discrétion mes travaux de recherche sur des cadavres frais, et ainsi finaliser ma magie en découvrant que je pouvais ranimer un macchabé en lui insufflant une énergie vitale. Tel Dieu, je me sentais tout puissant sur la vie d’autrui, possédant le droit de vie ou de mort sur quiconque.
Toutes ces péripéties finirent par m’octroyer la place que j’occupe actuellement au sein de l’enclave. Je suis la puissance, et personne ne peut se dresser contre moi. Je possède tout, et tout m’appartient, je suis celui qui est mort par la main des hommes et revenu pour tout leur prendre.
Je suis Greed.
Et toi, mon enfant ?
« Je fais parti des murs askip »
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Shinji Tsukishima#100027#100027#100027#100027#100027#100027#100027
Sorcier Sang-pur - Spécialiste - Sentinelle
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Dim 10 Mar 2019 - 12:10
Rebienvenue à toi !!!
Quelle fiche mon dieu ! Un sacré morceau xD
Mais j'en suis venue à bout dediou !
Le perso est badass et... terrifiant. Pourtant avec son histoire je peux pas m'empêcher d'avoir de la peine pour lui x3
Je n'ai pas grand chose à dire. Tout est bon, on avait déjà discuté des quelques détails y'a un moment !
Quelle fiche mon dieu ! Un sacré morceau xD
Mais j'en suis venue à bout dediou !
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Te voilà validé(e), enfin ! Félicitations ! Maintenant que tu fais partie intégrante de la famille, tu vas pouvoir profiter pleinement du forum et de toutes les merveilles (ou dangers fufu) qui sillonnent Nakanoto.
Mais, ne t'inquiète pas ! Tu ne seras pas seul(e) dans cette aventure. Voici notre petit guide rien que pour toi ♥
Enjoy !
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