Alpha's Shooting 21/05/2018

En-fin. Lorsque la lycane ouvrit les yeux, ce n'était pas pour aller au travail ni même pour aller s'affairer d'une obligation. Aujourd'hui, c'était repos imposé. Aujourd'hui, tout le monde lui foutrait la paix et elle pourra enfin faire ce qu'elle veut de son temps, sans que personne ne vienne l'embêter avec des urgences. Tant pis si ses collègues avaient besoin d'elle, elle prit grand soin d'éteindre son portable pour bien démarrer la journée. Dehors, le temps était radieux et les oiseaux chantaient à l’unisson, ce qui la mettait d'une humeur plus que joyeuse. Elle se leva avec dynamisme et prit son temps sous la douche comme elle ne l'avait pas fait depuis des lustres. Elle arpenta ensuite les couloirs de sa maison en sous-vêtements pour profiler sa silhouette sur la terrasse dans un soupir de satisfaction, afin que les rayons chauds du soleil caressent sa peau. Le voisin en face avait même le droit lui aussi, à un grand sourire de sa part, bien qu'il était plutôt occupé à mater.

Elle referma les portes de la baie vitrée, salua même son père qui ne saurait pas aujourd'hui la mettre de mauvais poil. Elle se dirigea à nouveau vers sa chambre et brandit une robe de couleur rouge en corset qu'elle fit tomber sur son buste. Elle laissa ses cheveux ébènes poser au naturel et dégaina ses plus hauts talons aiguilles.

Aujourd'hui, était une journée radieuse à laquelle elle allait faire honneur. Et faire honneur à ce genre de jour pour Anzu, c'était faire flamber sa carte bleue comme jamais.

L'alpha s'enfonça alors dans le siège auto de sa voiture et démarra en direction des quartiers commerçants dans l'unique but de se faire plaisir. Une fois parvenue à destination, elle coupa le moteur et sortie du véhicule avec une allure fraîche et assurée, juchée sur ses quatorze centimètres de talons qui lui offraient une vue imprenable au dessus des crânes qu'elle croisait. Même si elle maudissait la foule qui foisonnait aux quatre coins des rues, elle furetait avec légèreté à travers les ruelles, s'engouffrant dans le plus de magasins possibles pour dépêcher sa pulsion d'acheter des fringues. Elegante et gracieuse, bon nombre de personnes se retournait sur elle pour la regarder lorsqu'elle passait à côté d'eux. Pour une fois, personne ne la jaugeait avec une certaine méfiance ou animosité. Anzu recevait ça et là le sourire des hommes et même des femmes puis des enfants venaient même à elle pour la complimenter sur son visage, bien qu'ils soient curieux de ses bandes bleues qui parsemaient son nez.

Les sacs sur ses bras s'amassaient de plus en plus, mais sa satisfaction n'était pas complète. Il manquait quelque chose. Et quoi de mieux qu'une bonne glace pour parfaire cette journée impeccable ? Elle alla alors à un stand approprié et demanda à la vendeuse un cornet de six boules de parfums différents, mais surtout les plus exotiques comme elle en raffolait. C'était assez compliqué de la déguster avec tous ce shopping, elle passa alors tous ses achats sur un seul avant bras pour avoir la main libre de l'autre côté. Ce n'était pas un problème quand on avait une force surhumaine.

Mais tandis qu'elle terminait son sorbet en l'ayant englouti en moins de cinq minutes, une odeur particulière s'insinua dans ses narines. Oh ? Une odeur bien commune et bien distincte. Un lycan traînait dans les parages ? Elle leva alors les épaules, signe qu'ils avaient bien le droit de mener aussi leur petite vie et n'y porta pas plus attention.

Toutefois, malgré son indifférence, elle n'allait pas tarder à devoir rencontrer la dite personne dont elle avait détecté la présence par la force des choses. En effet, plus la jeune femme marchait, plus les fragrances s'intensifiaient. Bon sang... Elle sentait qu'elle n'allait pas être tranquille bien longtemps. Et comme lui avait intimé son instinct, celui-ci fit tout de suite mouche.

Une grande blonde apparut alors dans son champ de vision, toute joyeuse et guillerette. Mais qui était donc cette femme ? Peut-être que ce n'était pas à elle qu'étaient adressés ses grands sourires ? Anzu regarda brièvement derrière elle mais apparemment, c'était bien vers elle que cette lycane se dirigeait.

Allons allons... Elle qui pensait pouvoir faire des achats sans être dérangée, c'était loupé. Arrivée à sa hauteur, la louve entreprit tout de même de s'excuser pour cette altercation et lui demanda de but en blanc si elle accepterait d'être son modèle pour la journée.

Un modèle ? Pour un shooting ? Anzu avait du mal à en croire ses oreilles. Puis, manquant à son devoir, elle déclina ensuite son identité.Hirano. Hirano Asuna... Ce nom lui parlait.

-Asuna Hirano ?

Mais bien évidemment, HIRANO ASUNA. Lacroix-san avait fait mention de son nom lors de leur rencontre à la pharmacie. Alors c'était donc elle ? Elle ne l'avait pas imaginé ainsi. Donc cette femme était aussi une alpha, comme elle. C'était facilement détectable, vue l'aura gigantesque qu'elle dégageait. Elle se souvint alors des propos qu'avait tenu Ôkamio à son sujet. Apparemment connue pour être une hystérique et très énergique. Pour le premier adjectif, Anzu ne pouvait pas vraiment se permettre de le valider mais alors pour le côté énergie... Carrément. Cette femme grande et élancée transpirait d'enthousiasme et de joie de vivre.

-J'ai déjà entendu parler de vous. Je suis ravie de vous rencontrer. Elle la gratifia à son tour d'un sourire. Comment ne pas pouvoir lui rendre ? Je suis vraiment honorée de vous faire cette impression mais vous savez... Je n'ai jamais été devant un objectif... J'ai bien peur de ne pas trop savoir comment m'y prendre...

Pas qu'elle voulait refuser son offre mais bon, elle n'avait aucune expérience et craignait de passer pour une potiche.

-D'ailleurs, ce serait pour quoi ces photos ? Je n'aimerais pas atterrir dans un magazine bizarre..

Il ne manquerait plus que ça, après tout. Autant en avoir le cœur net.

Son interlocutrice dégageait une énergie vraiment ahurissante. Était-ce dû à sa condition ou bien simplement à son tempérament fougueux ? Sûrement les deux. Lacroix-san lui avait fait part de son opinion vis à vis de cette femme. Une exubérante dans l'âme qui tendait apparemment sur la folie extravagante. Pour le moment, ce n'était pas vraiment la sensation qu'elle en avait. Mais il valait mieux rester sur ses gardes pour le moment. Après tout, elle ne la connaissait pas du tout et se baser sur les dires d'une simple rencontre restait trop léger.

Après lui avoir intimé ses craintes suite à cette proposition, Asuna eut tôt fait de la rassurer immédiatement. Cette louve avait l'air de regorger de bienveillance et de gentillesse. Ses explications rassurantes décrispa Anzu et balaya sa perplexité. Toutefois, ça ne signifiait pas pour autant qu'elle se sentait confortable à l'idée de poser devant un objectif. Mais ça pouvait être une expérience sympathique à tester, même si cela incombait de voir sa tête affichée dans toute la ville. Elle se mit à triturer les manches de ses sacs de shopping nerveusement.

-Je vois. Et bien écoutez, pourquoi pas ? Après tout, ça peut être intéressant.

Mais la blonde ne tarda pas à soulever une interrogation qui devait l'intriguer. La lycane faisait entendre qu'elle la connaissait et de façon légitime, elle se demandait comment. Apparemment, sa présence en ville était toute récente et se trouvait curieuse qu'une inconnue puisse savoir qui elle pouvait bien être.

-Lacroix-san. C'est lui qui m'a parlé de vous entre deux brides de conversation.

Cette révélation sous-entendait largement qu'elle était au courant pour son statut d'alpha. Mais comme pour en avoir la certitude, son interlocutrice préférait en avoir le cœur net à son sujet. Elle soulignait expressément et sans prendre de pincette avoir senti son odeur distincte portée par la race. Pour des personnes de l'envergure d'Asuna ou Anzu, cela relevait de la logique et de l'instinct que de reconnaître un membre de la même condition.

-Anzu Taena. Vous ne vous êtes pas fourvoyée, je suis bien une louve. Et comme vous vous en doutez sûrement, une alpha. Tout comme vous, je suppose ?

La femme aux yeux bleus glacés murmurait discrètement en se rapprochant d'elle lorsqu'elle lui répondit. En effet, elle ne manquait pas d'être un peu décontenancée voir gênée face à cette attitude directe, légèrement intrusive. Sachant qu'en plus elles se trouvaient dans les quartiers commerçants et c'est ce qui la dérangeait particulièrement. On avait beau être dimanche, il y avait du monde autour entrain de se promener. Il fallait quand même veiller à ne pas parler trop fort pour éviter d'éveiller les curiosités. Surtout que son interlocutrice démarrait au quart de tour et mentionna rapidement un sujet bien épineux. Cette fois-ci, l'alpha fléchit un sourcil et croisa les bras, comme pour lui signaler qu'elles étaient loin d'être seules, comme d'un avertissement. Le mot discrétion devait être inexistant dans les habitudes de sa congénère par alliance.

-Je vous suis. D'abord pour votre shooting que j'accepte volontiers, mais aussi parce que nous serons plus disposées à discuter librement qu'en étant ici.

Autant écourter tout de suite et accepter son offre rapidement. Sinon, cette femme allait finir par leur attirer des ennuis avec ce genre de questions. Décidément, elle ne manquait pas de ressources ni même d'aplomb mais elle commençait à comprendre pourquoi Ôkamio l'avait décrit comme une excentrique. Elle donnait l'impression de ne pas en louper une.

Mais après tout, plus elle disposait d'informations au sujet des infectés qu'importe le personnage, mieux ce serait. Elle n'était pas méchante, peut-être manquait-elle juste de tact. Dans tous les cas, c'est ce qui l'avait finalement motivée à accepter son invitation.

Les présentations étaient clairement faites. Maintenant, il n'y avait plus qu'à suivre le mouvement. Elle ne manqua pas de lui emboîter le pas en se demandant dans quel genre d'endroit une telle personne pouvait exercer son métier. Anzu avait toujours pensé que le milieu dans lequel on baignait reflétait une partie de sa propre personnalité. Cette sensation s'accrochait à des détails comme la décoration, les couleurs, l'agencement des meubles, la superficie, l'éclairage... Autant d'éléments qui pouvaient mener à révéler la personnalité de son hôte quand on y prêtait de l'attention en superposant ces informations sur son image.

La louve aux cheveux de soie était plutôt curieuse de découvrir son univers, en dehors de l’obscurité qu'offrait leur condition actuelle.

Quelques pas avaient suffi pour se retrouver à l'atelier de la blondinette, dont personne n'aurait pu soupçonner la localisation tant la ruelle semblait pittoresque, assez éloignée du vacarme assourdissant des piétons. En tout cas, elle n'aurait jamais eu l'idée d'y mettre les pieds. Avec courtoisie, Anzu passa l'encadrement de la porte la première pour pénétrer dans son havre professionnel. Un petit « oh » impressionné et surpris franchit le seuil de ses lèvres pour témoigner de son émerveillement. Son regard azur traversa la pièce principale pour se délecter de sa luminosité et du mobilier agencé avec goût. Elle s'attendait plutôt à une décoration moderne et épurée mais finalement, l'ambiance rustique flottait dans une atmosphère apaisante. On aurait presque pu s'imaginer dans une ancienne petite chapelle réagencée grâce à la luminosité des lieux avec la grande verrière qui laissait la vue sur un jardin sobre mais aux allures reposantes. Les pierres et le bois sur les murs se mariaient avec intimité pour offrir des ondes chaleureuses, qui reposèrent l'esprit électrique de la jeune femme.

C'était sans manquer le matériel professionnel de sa comparse, disposé comme un tableau prêt à accueillir le personnage principal de ses clichés.

Asuna Hirano la tira soudainement de ses pensées et lui proposa de se mettre à son aise avant de démarrer la séance. Machinalement, Anzu posa ses sacs sur le sol prêt du canapé en continuant d'observer ce nouvel environnement.

-De l'eau pétillante, ce serait parfait.

Elle n'était pas très à l'aise et avait la sensation de se sentir intrusive, même si on lui avait gentiment proposé cette invitation. Mais elle était ainsi : elle ne voulait gêner personne et n'avait pas l'habitude de ce genre d'attention, conditionnée à s'enterrer dans elle-même et éviter les foules.

Cependant, elle sentait bien que cette gêne ne devrait pas tarder à disparaître car la photographe ne lui laisserait certainement pas le choix de se sentir comme chez elle. Ou en tout cas, ça lui ressemblerait bien de réagir de cette manière.

-Oh, ça... Elle haussa les épaules. On m'avait déjà plus ou moins prévenue.

Elle lui offrit un petit clin d'oeil sous-entendant qu'il n'y avait pas de problème. Leurs deux personnalités semblaient s'entrechoquer, l'une pétillante comme si on secouait une bouteille de champagne et l'autre plus discrète, comme une rivière tranquille tant qu'on ne l'éclaboussait pas.

Mais déjà, sa spontanéité refit surface pour aller droit au but.

-Et si nous faisions les deux en même temps ? Qu'en pensez-vous ? Ce serait plus... Confortable.

Elle se dirigea donc vers les tissus dont elle se vêtira pour le shooting pour tâter la texture. Elle avait toujours été sensible à la sensation que lui procurait des vêtements au toucher, même si pour le coup, il s'agissait là d'une affaire de visuel et non de tactile. Pendant que l'alpha préparait le terrain, elle se permit de caresser chaque pièce du bout des doigts en laissant aller son bon plaisir de celle qui l'inspirerait le plus. Son œil fut aussitôt attiré par une couleur prune qui scierait parfaitement à son teint et la matière satinée lui plaisait totalement. Elle s'empara alors de ce qui était en fait une robe, et tenta de la visualiser sur son corps avant de se retourner vers la personne qui jugerait de son choix.

-Celle-ci, ça vous conviendrait pour le catalogue ? Vous avez le droit de me dire que je n'ai pas de goûts, promis, je ne me vexerais pas.

Anzu se mit à rire franchement. Même si cette situation l'amusait, elle n'était quand même pas prête à se montrer aussi familière que sa congénère. Ces choses là viennent avec la complicité, même si elle ne lui en tenait pas réellement rigueur.

-Est-ce que vous allez me coiffer aussi ? Et les chaussures ou accessoires ? Ca manque un peu de détails, ce simple bout de tissu.

Autant se mettre en valeur jusqu'au bout pour attirer le regard sur le catalogue.

L'investissement d'Anzu semblait faire énormément plaisir à sa congénère. D'ailleurs, on pouvait dire que son entrain était contagieux. La jeune femme se sentait déjà un peu plus détendue et dans son élément. Les multiples vêtements qui ornaient son armoire réveillaient ses manies d'acheteuse compulsive du jour. De plus, la blonde donnait son accord concernant ses goûts, quoi de plus gratifiant à cet instant que l'avis de cette professionnelle sur son sens de la mode ?

Ce moment privilégié lui donnerait presque l'impression d'être quelqu'un de tout à fait normal, qui vit quelque chose de normal, dans une activité normale. Cette scène pouvait paraître banale pour n'importe qui, mais pour Anzu, ce fut comme une bouffée d'oxygène dans ce brasier infernal. Bien loin des obligations d'alphas ou des tourments qui remuaient son être par rapport aux infectés. Même si le sujet devait être abordé avec cette autre cheffe de meute, elle se délectait paisiblement de cette petite parenthèse qui lui était offert avec bonté.

Apparemment, elle ne comptait pas toucher à sa chevelure d'ébène, qu'elle jugeait beaucoup plus gratifiante au naturel, avec un effet de mouvement. Cette décision était légitime et notre louve s'en satisfaisait. Toutefois, l'audace d'une tenue devait se compléter par des accessoires et là-dessus, elles tombèrent toutes deux d'accord. Son hôte s'expédia alors gaiement pour aller lui chercher ce qu'elle convoitait afin de sublimer cette robe prune.

Ses yeux azurs passèrent sur chaque accessoire et naturellement, son choix se porta sur un bracelet couleur or, orné d'une pierre émeraude. L'or sciait plutôt bien à son teint halé et s'agrémentait parfaitement avec le prune du textile. Elle emprunta aussi une bague dorée à l'anneau très fin, serti d'un bijou saphir puis d'un collier simple, toujours de la même teinte, au diamètre plus gros. Il ne servait à rien de trop charger, tout était dans la subtilité.

Tandis qu'elle s'en habillait avec application, sa congénère attaqua sur cette conversation moins légère qu'un simple shooting. Anzu fit alors quelques pas en direction d'un miroir et marqua un temps de silence en observant sa silhouette. Elle voulait seulement étirer un peu plus la parenthèse qui semblait être sur le point de se fermer. Mais rapidement, son attention se reporta sur la photographe qui paraissait assez inquiète du discours qu'on pouvait tenir à son propos.

Toutefois, la jeune femme n'allait quand même pas lui dire que ses partenaires la prenaient concrètement pour une illuminée, excentrique et fatigante. Même s'ils semblaient l'apprécier, le portrait n'était pas très flatteur et Anzu ne souhaitait pas la vexer, ni faire de vagues.

-Ôkamio vous a décrite comme une personne très énergique. Et je ne lui donnerai pas tort à ce niveau. Elle lui fit un clin d'oeil rapide. Sinon, nous n'avons discuté que très peu de vous. Mais il vous apprécie comme une bonne personne. Et si vous êtes une piètre cuisinière, ça nous fait un autre point commun !

Ce qui en soi, était tout à fait vrai. Mais plus qu'excentrique, elle la qualifierait plutôt de pétillante et dynamique. Enfin, c'était ce qu'elle en pensait sur le moment, après tout, elle ne la connaissait pas non plus.

-Concernant Ôgawa, j'ai eu l'occasion d'enquêter avec elle, une fois seulement. Elle a failli nous faire une crise cardiaque quand cet omega et moi lui avons annoncé s'inscrire chez les Chevaliers des Ombres. Néanmoins, je peux comprendre sa rancœur, même si c'est assez triste pour elle, finalement. D'ailleurs, cet omega... Daisuke, c'est bien ça ? Il s'agit bien du vôtre ?

Elle ne voyait pas comment cette femme aurait pu être au courant de leur rencontre sinon.

-Il avait l'air assez agité.

Enfin en même temps, avec cette situation, il y avait de quoi. A moins que ce ne fut pour un autre motif ?

Le vent bifurqua ensuite sur une pente plus glissante mais nécessaire à envisager.

-J'en suis également venue à cette conclusion. Souffla la jeune femme d'un air entendu. De toute évidence, il ne serait pas raisonnable d'agir chacun de son côté. En tant qu'alphas digne de ce nom, il nous faudra mettre nos différends et états d'âme de côté. Après tout, nous sommes tous dans le même merdier, et il sera nécessaire d'agir intelligemment en resserrant nos rangs.

Sans parler du fait qu'elle voyait les Ôka d'ici quelques jours pour un dîner et son petit doigt lui indiquait qu'ils avaient une idée derrière la tête. Mais ce ne sera sûrement pas suffisant, comme Asuna Hirano pouvait le souligner.

-Ça ne m'enchante pas tellement, mais c'est une idée à envisager. Rentrer dans les rangs des Chevaliers des Ombres me permettra peut-être d'obtenir des contacts. Je ne cracherais pas sur un peu de soutien pour aider notre cause fâcheuse.

Machinalement, elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille avant de soupirer doucement.

-Mais je suppose que vous avez déjà réfléchi à ces questions pour m'interroger de la sorte. Je vous rassure tout de suite, vous pouvez me compter parmi vos alliés.

Anzu obtempéra à ses conseils, bien qu'elle se mit à froncer du nez, assez maladroite dans ses gestes. Il était assez difficile pour une amatrice de paraître naturelle dans son mouvement alors qu'il lui paraissait si simple dans une situation réelle. Mais elle se lança dans ce défi, adoptant l'attitude d'une femme devant des vitrines avec des réactions qu'elle pouvait adopter parfois devant certains vêtements.

Elle fronçait des sourcils, tantôt avec une mine boudeuse, tantôt avec un grand sourire. Elle faisait glisser ses mains sur ses courbes, comme si elle se regardait dans un miroir. Ses cheveux s'animaient grâce à la légère brise qui les agitaient doucement. Un pas sur le côté, un pas sur l'autre, de face, de profil. Plus elle tentait des figures, plus l'exercice lui paraissait facile. La jeune femme lançait des regards amusés à sa photographe, et jouait de sa chevelure soyeuse et épaisse. Une jambe se levait, une main, imitant au plus proche les mimiques d'une demoiselle cherchant l'habit qui lui ira le mieux en s'observant. Les jeux de regard, les expressions du visage, comme si elle vivait la même situation quelques minutes plus tôt, dans les rayons d'un magasin.

Puis, elle cessa de jouer ce rôle de mannequin et quitta la scène pour se revêtir de sa personnalité habituelle. Le sérieux reprenait vite le court de la discussion et surtout... Une révélation explosait en plein milieu, dans une confidence extrême. A cette énoncée, la jeune femme s'immobilisa, figée face à cette alpha qu'elle ne connaissait pas.

Ses yeux bleus se mirent à briller d'une lueur étrange, à la fois apeurée et inquiète par cette horrible confession. Sa mine enjouée s'assombrit directement, avant de constater que la plus gênée des deux, restait Asuna. Elle baissait les yeux, certainement honteuse, se parant à l'éventualité d'être rejetée comme une malpropre. On aurait dit une enfant, qui attendait le coup de bâton et qui l'aurait accepté volontiers, comme pour s'excuser de l'état infect dans lequel elle se situait.

Mais ce n'était pas de sa faute.

Un silence morbide plana, Anzu restait incapable de prononcer un mot. Comment était-elle sensée réagir face à cette abomination ?

Son instinct de protection tendait à l'inciter à prendre la fuite, rapidement, par simple réflexe de conservation. Mais l'impuissance que dégageait cette femme face à sa condition délicate, lui ordonnait de rester. Penaude, honteuse mais surtout, effrayée. Sa consoeur semblait totalement perdue.

-Asuna-san. Regardez-moi.

Finalement, elle se décidait à prendre la parole d'un ton calme et posé, avançant quelques pas dans sa direction.

-Vous n'avez pas besoin de vous justifier. Il serait bien honteux de ma part que je vous rejette en tant que congénère, alors que ce qu'il vous arrive est terrible en plus de ne pas l'avoir choisi. Ce n'est pas de votre faute.

Anzu reprenait son assurance naturelle. Alors certes, elle n'était qu'une petite jeunette dans le monde impardonnable du surnaturel, mais elle y avait clairement son rôle à jouer, à commencer par soutenir les siens.

-Vous ne me faites pas peur, même si je suis quelque peu décontenancée. Comment savez-vous que vous êtes infectée si vous n'en avez pas les symptômes ? Est-ce que vous avez trouvé quelqu'un capable de vous suivre ?

D'un pas silencieux, elle s'approcha pour se tenir bien en face d'elle, s'octroyant le droit d'emprunter une de ses mains qu'elle cachait entre les siennes pour la réconforter d'une chaleur amicale. Elle devait lui démontrer qu'elle n'était pas seule, même si son état étai critique. Dans ce genre de situation, un soutien moral n'est jamais de trop.

-Ne vous laissez pas abattre. Vous êtes pleine de ressources. Nous avons tous notre petit tempérament certes, mais, aucun des chefs de meute ne vous laisserait tomber. On fera notre possible pour trouver une solution et éradiquer cette horreur. Comme je vous l'ai dit, vous pouvez me compter parmi vos alliés.

La louve lâcha sa main et se posa sur le canapé à disposition, remettant sa robe correctement en tirant dessus.

-Est-ce que vous voulez m'en parler ? Peut-être que ça vous apaiserait.