Dérapage incontrôlé (09/12/2017))

J’étais totalement paniqué. Mais il fallait que je me ressaisisse. Elle ne pouvait pas savoir que j’étais le loup. Elle ne pouvait pas avoir fait le lien. Je lui ressemblais juste. Elle avait dit que je lui faisais penser au loup. Dans ma tête, j’essayais par tous les moyens de me rassurer et de me calmer. J’y arrivais tout doucement mais ce n’était pas le résultat prévu. Et ce maudit chocolat qui m’avait brulé. Je continuais à trembler. C’était plus fort que moi.

Avec tout ça, je me prêtais même plus attention à ce que Jess-san faisait. Je ne l’avais pas entendu me demander si ça allait. Je ne l’avais pas vu retourner derrière le comptoir, ni s’absenter un instant. Ce n’est uniquement quand elle revient en me donnant délicatement le verre d’eau que je sortis de ma tornade de pensées. Elle semblait si inquiète en cet instant que je m’en voulais un peu d’avoir agir comme ça. Je m’étais inquiété pour rien, semble-t-il. Sur le coup, je n’osais pas la regarder dans les yeux.

En douceur, et en m’expliquant calmement, elle s’approcha de moi et posa ses mains sur mes épaules. Elle m’aida à me lever et à avancer jusqu’à la salle-de-bain. Chose que je n’aurais pas pu faire tout seule tellement je tremblais. Ça ne s’arrêtais pas, malgré le réconfort qu’elle m’apportait.

Une fois dans la salle-de-bain, j’aperçus un t-shirt blanc laissé en évidence. Je remerciais Jess-san d’un signe de tête avant de retirer mon t-shirt. J’en profitais pour jeter un coup d’œil à mon torse, légèrement rouge. Ça ne faisait pas trop mal encore, heureusement. Plus de peur de de mal. Cependant, entre ça et la chute de tout à l’heure, ce n’était clairement pas ma journée. Je commençais aussi à me remettre de mes émotions. Même si je n’étais pas au meilleur de ma forme. J’étais mentalement mal en point. Mon secret pesait plus encore sur mes épaules que d’habitude. Et si j’étais seul à cet instant, je tomberais bien en sanglot sur le champ. Cependant, il y avait toujours Jess. Elle qui semblait si inquiète… Je me décidais à mettre le t-shirt qu’elle avait trouvé, avant de retourner comme un grand dans le café.

Il n’y avait toujours personne. Je ne sais pas si j’en étais heureux ou désespéré. Un mélange des deux surement, vu ce que je m’apprêtais à faire. Je regardais Jess droit dans les yeux sans mon masque habituel, toujours en mille morceaux à terre. Je pris mon courage à deux mains – ou ma folie, au choix – et j’ouvris la bouche. Une voix légèrement cassée en sortie.

Zuko ▬ « Est-ce… Est-ce que je peux vous faire confiance et vous confiez un secret ? »

Jess me regardait avec un sourire. Elle ne comprenait pas pourquoi je voulais lui en confier un. Elle dit qu’on venait de se rencontrer. Ce n’était pas vraiment vrai. C’était la deuxième fois. Mais elle ne s’en était pas rendu compte. Je me suis senti complétement idiot. J’avais maintenant la certitude que je m’étais fait des films et je m’étais effrayé pour rien. Franchement, j’avais envie de me taper la tête dans un mur maintenant que j’en étais conscient.

Je restais un instant silencieux, écoutant tout ce que Jess avait à dire. Ses mots avaient du sens, c’était sûr. C’est même ce que je faisais d’habitude., Me protéger, être méfiant, mettre un masque. Mais était-ce réellement une bonne solution ? Quand on voit dans quel état ça m’avait mis aujourd’hui ? Encore heureux, Jess me dit qu’elle était toute à mon écoute et qu’elle garderait bien mon secret.

Zuko ▬ « Je… Merci… Vous savez… Je suis conscient que vous avez raison. Je pense à me protéger. Personne n’est au courant d’ailleurs. Je ne fais même pas assez confiance à mes parents pour leur en parler. Ni même un meilleur ami. Personne n’est au courant. J’ai peur des réactions que les gens pourraient avoir. J’en fais des cauchemars. Ce secret me pèse, m’écrase. Pour peu que j’ai l’impression que quelqu’un l’a découvert, j’angoisse, je panique. Vous l’avez bien vu ici… »

Je fis une courte pause. J’avais besoin de m’assoir pour continuer. J’avais l’impression que j’allais m’étaler sur le sol si je restais debout une seconde de plus. J’avais la gorge sèche en plus. Je respirais profondément pour me calmer, me demandant si j’avais déjà franchis la limite qui m’interdisait de faire demi-tour.

Zuko ▬ « Je crois que j’ai tout de même besoin d’une personne avec qui en parler un minimum. Une personne à qui je peux m’accrocher si je sombre. Pourquoi vous… J’avoue que je vous confiance. Les deux fois ou nous nous sommes rencontrés, vous avez été douce et gentille. Vous avez essayé de m’aider… J’ai cette impression que je peux vous faire confiance. C’est peut-être juste de la folie sinon… Je n’en suis surement pas loin. Pas loin d’être parano aussi, d’ailleurs… »

Plus j’avançai, plus je me détendais. Et je commençais à me rendre compte tout doucement de la situation dans laquelle j’étais.

Zuko ▬ « Enfin… Tout ça pour dire… Je suis le loup que vous avez rencontré dans la forêt. C’est ça mon secret. C’est moi qui vous ai offert les fleurs bleues. »

Alors que je venais de faire la révélation du siècle, certainement, j’attendais patiemment une réaction de la part de la demoiselle en face de moi. A l’heure actuelle, je m’étais attendu à tout, même aux pires réactions. J’étais loin de me douter du long silence auquel j’ai eu droit à la place. Je ne sais pas s’il était réellement si long. Mais il m’avait paru une éternité.

Quand Jess répondit enfin, je me sentis légèrement soulagé. Sa réponse était calme, bien que je pouvais sentir l’étonnement qui résultait. Elle continua à se montrer douce et gentille. Elle n’était partie pas en criant, elle ne s’était pas moquée de moi et, surtout, je n’avais pas l’impression que j’allais me retrouver enfermé dans un laboratoire pour subir des expériences. J’avais cependant un peu de me mal à la regarder. J’avais l’impression d’être nu devant elle. Mais c’était logique, je venais de confier une immense part d’ombre de moi-même et je ne savais toujours pas si j’avais eu raison de le faire ou pas. En tout cas, je comprenais sa réaction. Je pense que moi-même j’aurais eu de mal à le croire si je n’étais pas capable de me transformer.

Comme je m’y attendais un peu, quelques questions au sujet de ma capacité à me transformer ne tardèrent pas. Je pris une grande inspiration pour y répondre.

Zuko ▬ « A vrai dire… J’avoue que je ne sais pas trop comment ça fonctionne. J’y pense juste et je me transforme. Aussi bien dans un sens que dans l’autre. Il me suffit juste de le vouloir. »

Je ne savais pas quoi dire de plus. C’était totalement naturel pour moi. Je ne devais pas me forcer ou me concentrer. Enfin, maintenant… Il est vrai que j’avais plus de difficultés quand j’ai découvert cette capacité. Le temps de comprendre comment ça marche.

Zuko ▬ « J’ai découvert que je pouvais le faire très jeune. Je devais avoir 8 ou 9 ans si je me souviens bien. A part ça... Ca fait autant de temps que je garde ça pour moi. Je n’en avais jamais parlé à personne. »

Et je devais l’avouer, même si je me sentais un peu mal et incertain, j’avais un poids en moins à l’estomac. Un poids qui me pesait pendant si longtemps que, maintenant qu’il n’était plus là, j’avais l’impression de pouvoir m’envoler au moindre coup de vent. C’était une sensation étrange, mais agréable !

Encore, Jess-san se montra douce et compatissante. Elle posa délicatement sa main sur mon épaule. Mon regard renouea le contact avec le sien et un début de sourire apparut sur mon visage. J’avais toujours cette sensation d’être aussi léger qu’une plume. Cela ne dura pas longtemps étant donné que je fus ramené à la réalité par la reprise de la conversation et par l’air sérieux de la serveuse. Je l’écoutais avec beaucoup d’attention et un peu d’appréhension. « Quelqu’un capable de nous éclairer et de nous guider ». Cela sonnait un rien trop mystérieux à mon gout. Jess l’avait surement remarqué, d’ailleurs.

Zuko ▬ « Des rumeurs ? J’entends parfois des élèves de ma classe parler de choses étranges. »

Car oui, s’il y a bien un endroit où les rumeurs vont de bons trains, c’est dans les couloirs de l’école. Ainsi, j’entendais souvent des élèves discuter d’événements étranges. De personnes retrouvées mortes sans aucune explications, vidées de leur sang ou réduit en morceau par une bête féroce. Bref, le genre de chose que les ados apprécient : l’étrange et le gore. J’avais parfois du mal à comprendre la fascination que certains avaient pour ça. Mais bon…

Jess avança dans sa confidence. Je n’étais pas le seul à être spécial. Je ne trouver pas cela effrayant mais je ne savais pas si cela était réellement rassurant. Il n’empêchait que j’écoutais toujours Jess. Si je pouvais comprendre un peu plus ce que j’étais. Bien que j’avais un peu peur de la conclusion sur laquelle on allait tomber. Je fus cependant tiré de ma réflexion. Jess était capable de don, elle aussi ! Et je pus avoir droit à une démonstration. Doucement, l’eau du verre bougea comme si elle avait une volonté propre. C’était surprenant et fascinant. Pour ma part, je gardais. Je ne voulais pas attirer l’attention sur ce qu’il se passait juste devant moi. Mais je devais surement être trahi par mon regard.

Une fois que la démonstration fut finie, Jess-san reprit la discussion à son sujet. Elle restait vague d’une certaine manière. Et elle parla de son régime alimentaire. Je ne sais pas pourquoi je repensais soudainement aux victimes retrouvées vidées de leur sang et aux discussions qu’avaient mes camarades de classes à ce sujet. Parmi les mythes et les légendes qu'on racontait, il me semblait qu'il existait d'une seule créature qui buvait le sang humain. Inconsciemment, je passais ma main dans mon dos, à l’endroit où je m’étais blessé. Non… Quand même pas ? Je devins soudainement livide.

Zuko ▬ « Je suis désolé… pour le sang… J’espère que cela ne vous a pas… dérangée. »

La situation était un peu délicate pour moi. Pas tendue, loin de là. Mais je me sentais un peu en défaut par rapport à Jess. Le sang… J’imaginais quelqu’un s’amener avec une bonne côte de bœuf bien saignante devant mon nez. J’espérais ne pas lui avoir donner trop faim.

Zuko ▬ « Du coup… Je ne suis pas humain, non plus, n’est-ce pas ? »

Jess apaisa tout de suite le malaise en moi d’une simple phrase. Comme toujours depuis que j’étais ici, elle s’était montrée douce et gentille. Délicatement, elle passa sa main dans mes cheveux avant de reprendre la parole. Et je devais bien admettre qu’elle ne m’avait pas apporté beaucoup de réponses, elle avait le mérite de m’avoir aidé à sa manière. Et bien plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Je pensais pendant un instant à ce qui aurait pu arriver si quelqu’un d’autres m’avait retrouvé dans un tel état de faiblesse… Avant de me ressaisir aussi vite, ce n’était pas le moment de faire fonctionner mon imagination un peu trop fertile…

Revenant à la réalité, je remarquais que les derniers clients venaient tout juste de quitter la salle, nous laissant Jess et moi en tête-à-tête.

Zuko ▬ « A vrai dire… Vous avez fait beaucoup pour moi. Bien plus que vous ne l’imaginez. D’ailleurs, je m’accepte sans problèmes. J’adore passer du temps sous… sous mon autre forme. Vous l’avez surement remarqué lors de notre rencontre dans le bois. Mon problème… C’est que j’ai peur de la réaction des autres. J’ai peur de ce qui pourrait arriver… »

Je baissais la tête, encore. Je pris le temps de chercher mes mots en n prenant le soin de ne pas laisser courir mon imagination. De toute façon, Jess était au courant pour mon secret et je n’étais pas enfermé comme un vulgaire animal dans une cage, c’était plutôt bon signe.

Zuko ▬ « Je dois avouer que je dois peut-être un tout petit peu parano… Mais j’imagine le pire. Être abandonné, me faire pourchasser comme si j’étais un monstre, me retrouver ligoté à une table entourée de scientifique prêts à m’ouvrir pour savoir comment je me transforme… »

Je grimaçais à l’évocation de ce cauchemar me flagellant mentalement. Je n’arrivais donc pas à mettre mon esprit sur pause ?

Zuko ▬ « C’st pour ça que j’ai eu si peut en me reconnaissant. Et si mal à l’aise… Au point de craquer. Mais vous avez été très gentille. Vous m’avez aidé à me ressaisir et à me remettre. Et… Ça fait énormément de bien de pouvoir en parler avec quelqu’un… Merci. »

Pendant un moment de silence, je la regardais nettoyer les tables. Quand elle eut fini par la nôtre, elle me demanda si je ne voulais rien d’autre. Un grognement plutôt bien audible de mon estomac répondit à ma place. Je ne pus retenir un rire gêné avant d’accepter. Pendant que Jess s’affairait, elle relança la discussion sur mes sorties dans le bois, parlant d’une autre race. Je n’eus aucun problème à savoir de quoi elle parlait. C’était aussi un sujet vachement apprécié des rumeurs de l’école.

Zuko ▬ « Je n’ai jamais fait de mauvaise rencontre pour le moment. Et puis, je ne reste jamais dans le bois après le coucher du soleil, je le quitte toujours avant. Les seuls loups que j’ai croisés sont des vrais. J’en suis sûr et certain. »