Tambours et trompettes [PV Bradley] (30/06/2018)

Maria ne savait décidément pas comment se conduire avec ce vampire. Il passait du vouvoiement au tutoiement, de l’agacement à presque de la simple douceur. Mais il avait fait disparaître la douleur dans sa main. Pliant et dépliant les doigts, elle n’arrivait tout simplement pas à y croire ; elle ne s’attendait vraiment pas à ce qu’il puisse faire preuve de gentillesse à son égard. Elle s’attendait ... Elle n’était pas certaine exactement, peut-être à ce qu’il lui demande au moins de rester au Japon, loin de tout. Le Sénat finirait par changer d’endroit et la population surcroissante de vampires le suivrait. On oublierait bien vite le nom de Maria Blanchet. Quel autre nom aurait-elle bien pu prendre ? C'était sa seule protection, un mince espoir que quelqu'un saurait reconnaître son affiliation et n'oserait pas lever la main sur elle. On ne s'en prenait pas à la fille unique d'un sang pur sans en subir de terribles conséquences.

« Julien Blanchet a peut-être été exilé ... mais il reste un Level A, puissant et terrifiant. Je crois qu’il s’est débarrassé de tous ceux qui pouvaient répandre le secret, à l’exception de la famille, ou qu’il les a en quelque sorte ... convaincus qu’il n’y avait jamais eu d’enfant. Ça n’a pas dû être très difficile puisque je n’ai jamais vraiment quitté la maison avant la majorité. Il ... Il fallait que je m’enfuie, même si c’était à l’autre bout du monde. »

Ces souvenirs restaient douloureux. Elle ne savait pas trop si Bradley pouvait comprendre, mais cela n’avait pas vraiment d’importance. Ce n’était pas une vie, ça. Regarder au travers des autres n’était pas suffisant. C’était comme vivre un rêve, pour ensuite subir un réveil des plus cruels. Mais c’était en découvrant petit à petit le monde de cette façon, au-delà des livres, qu’elle avait fini par trouver la force de se rebeller contre son sort, même si cela devait l’endurcir un peu. Puisque personne ne pouvait l’aider, il avait fallu qu’elle se sauve elle-même. Aujourd’hui, même si son pays natal lui manquait beaucoup, Maria n’était plus sûre de pouvoir vraiment retourner en France en toute insouciance, un jour, et de tourner la page sur ce pan de son histoire. Pas avant quelques années, en tout cas, sans doute, si cela ne tenait que de sa propre volonté. Cela lui faisait un peu peur. Peut-être était-ce mieux que son père ne soit pas venu, alors, en fin de compte. Cela lui avait fait réaliser que la rancune était encore un peu tenace en son cœur et elle ne savait pas comment la chasser.

« Je ne fréquente que peu de vampires. Je ne pouvais pas me le permettre. De toute façon, ce serait cruel alors que je risque très bien de mourir très jeune, même si personne ne finit par m’ôter la vie. Mon statut n’a pas vraiment d’importance ... Ma simple existence est une tâche d’ombre sur l’histoire des vampires et de leur soi-disant perfection. »

Maria était peut-être douée pour jouer un rôle et passer d'une émotion à l'autre en toute théâtralité, mais lorsqu'il était question de sujets plus personnels, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être plus honnête, même si cela devait la blesser. Lorsqu'elle mourrait ... Ce serait un peu comme si elle n'avait jamais existé, aux yeux du monde. Elle avait eu beau chercher et réfléchir, elle n'avait pas trouvé de moyen de rétablir la force vitale qui lui faisait défaut. Et l'on se servirait probablement de son exemple pour prouver que vampires et humains ne faisaient pas bon ménage ... Donc, elle avait préféré rester aussi discrète que possible, malgré son métier, et de se raccrocher aux petits instants de bonheur que la vie voulait bien lui accorder.

« Br- ... Pardon. Monseigneur. Je sais que je ne peux pas être très utile au clan. La maîtresse des corbeaux n’a rien à vous offrir que vous n’ayez déjà. Mais j’aimerais qu’on me laisse une chance, juste une fois. »

Pouvait-elle placer sa confiance en lui ? Elle était peut-être parfois un peu simple d’esprit, mais elle était en vie. Une personne. Cela devrait avoir de l’importance. De toute façon, elle était déjà brisée. Il pouvait aussi bien la manipuler, si chacun y trouvait son compte, quelle importance ?

Un vrai trou du cul hein ? Chacun ses opinions tranchées. Maria était incapable de condamner entièrement son père : il avait pris ses décisions par amour, pour la protéger. Mais comme le lui avait dit Raphaël, et elle-même l’avait expliqué à la jeune Taichi Tomoe, parfois les décisions prises par amour pouvaient blesser. Inutile de s'étendre plus longtemps sur le sujet : elle ne ferait probablement pas changer d’avis un vampire qui avait plus d’un millénaire au compteur, elle qui devait bien le faire rire avec sa fragilité digne d’une enfant. Au final, il lui ramenait sous le nez le même conseil que toujours, cette réflexion qu’elle s’était déjà fait cent fois elle-même. Pas besoin qu’il fasse irruption dans sa vie pour ça. L’opinion des autres, c’était souvent juste des emmerdes de plus ... Mais ça restait quand même plus facile à dire qu’à faire. Quand on est privé de contact pendant des années, on cherche inconsciemment à tisser des liens et l’approbation des autres prend un peu plus d'importance. Cette approbation qu'elle n'avait jamais reçu. Mais franchement à quoi s'attendait Maria, en allant vivre au Japon, loin de son confort ?

Le cigare et la fumée qu’il dégageait ne la dérangeait pas le moins du monde. Ce n'était pas comme si elle n'avait jamais côtoyé de fumeurs, même si elle-même n'avait jamais mis de nicotine entre ses lèvres. Elle n'allait pas risquer de s'intoxiquer et de perdre ses poumons en plus d'avoir déjà une constitution fragile ; néanmoins, la fumée secondaire ne l'importunait pas trop. Non, le rire tonitruant la vexa un peu plus, quoi qu'il en dise. Mince, ça lui avait échappé ! Elle préféra ne rien répondre et le remercier simplement pour la carte qu'il lui avait donné. Certes, de l'autre côté de l'océan, il ne pourrait pas faire grand-chose pour l'aider, mais le geste était apprécié. Maria devrait réussir à se remémorer tous ces numéros plutôt rapidement. Ses traits se figèrent sous la surprise à la mention de son grand-père. Vraiment ? Il travaillait pour le domaine ? Elle croyait que toute leur branche de la famille était en froid avec le clan. Elle rebaissa les yeux vers la carte entre ses doigts, un noeud au fond de la gorge. Voulait-elle tomber sur lui ? Plus important ... Voulait-il, lui, tomber sur elle ?

« Mon grand-père ... Vincent. Vous croyez qu'il accepterait de me rencontrer ? »

Ouais ... Elle est au courant. C'est au principal intéressé qu'il faudra poser la question. Et puis c'était sûrement un homme très occupé, ne l'étaient-ils pas tous ? Mais elle ne savait pas si elle aurait le courage de le contacter, sans rien connaître de cet homme.

Bon sang, ça lui semblait encore irréel de discuter comme ça avec un Level A, pas tout à fait sur un pied d'égalité bien sûr, mais il semblait malgré tout prêt à la rassurer dans la mesure du possible, enfin, c'était une façon de voir les choses. Lui planter un poignard dans le dos ... Ça la fit sourire un peu. Heureusement qu'elle n'avait pas pu lui mettre une balle dans la tête, alors. Son sourire disparut quand il lui posa de nouvelles questions. Elle était embarrassée, maintenant.

« C'est ... à cause de mon pouvoir. J'appelle ça la transposition, parce que c'est tout de même un peu différent de la projection astrale. Pour faire simple, mon esprit peut remplacer celui d'un autre être vivant. À ce que je sache, ils n'en gardent pas de souvenirs précis ... Mais c'est plus prudent d'utiliser des animaux, pour passer inaperçu. Les corbeaux, c'est une préférence personnelle. On peut dire que j'observe de près les événements qui se passent en ville, en partie pour ma propre protection. À défaut de trouver un docteur chez les nôtres qui pourrait peut-être m'offrir des réponses, je devais bien m'occuper ... Je suis pas un putain de cobaye. »

Le théâtre, c'était passionnant aussi, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas rester éternellement, à moins que sa santé ne se détériore jusqu'à ce qu'elle vieillisse à un rythme plus rapide. On ne sait jamais. Le résultat serait le même de toute façon ... Maria se tenait assise devant lui en ayant retrouvé sa fierté et son esprit combatif, enfin digne de représenter l'aristocrate qu'elle était, même si la confiance n'était pas encore sur les chapeaux de roue. Elle n'espérait pas d'aide, plus depuis longtemps. Donc elle n'était pas vraiment surprise qu'il n'ait pas connaissance d'un cas semblable au sien, elle non plus, à part la douce Anna Lena, peut-être. Elle aimerait juste au moins connaître ses limites, sinon, c'était assez difficile de s'affirmer. Maintenant qu'elle était sous la protection de la famille, même symboliquement, cela retirait une inquiétude de sa longue liste.

Elle se demandait comment on voyait, à travers ces yeux-là. Invincible et pourtant terriblement réaliste. Mais ça ne marchait pas tout à fait comme ça, et il n’apprécierait sûrement pas une démonstration. Il valait mieux éviter de le mettre en colère, aussi, alors qu'ils commençaient seulement à trouver un cadre un peu plus tranquille.

Froncement de sourcils. Plus Maria en apprenait sur son père et plus il le décevait. Entre ça et le trafic pour lui mettre des bâtons dans les roues à elle, sa propre fille, au lieu de l'encourager à trouver sa voie ... Franchement, même si ça lui faisait encore mal au cœur, qu'elle avait affreusement le mal du pays, elle avait bien fait de se tirer loin de Paris. Il lui resterait encore à trouver la façon d'aborder son grand-père parce que l'appeler en disant simplement « Allô monsieur Blanchet, je suis votre petite-fille Maria ! » ça ne le faisait pas trop. Une tournée à l'international pouvait-elle être envisageable ? Maria n'avait pas le calibre des stars d'Hollywood, quand même ... Prendre des congés sans raison serait compliqué et elle n'aimait pas mettre de l'avant sa santé délicate. Si la situation continuait à se détériorer, la fuite pouvait être une option à envisager puisque Bradley lui proposait de la prendre sous son aile, à moins de révéler son identité secrète à ses alliés mais ça comportait aussi des risques. Peut-être que Raphaël accepterait de l'aider à se déplacer jusqu'en Amérique. Ce serait le plus simple. Quoique c'est vite dit. Seigneur ! Son ami n'en croirait tout simplement pas ses oreilles quand elle lui révélerait ses origines, elle n'était peut-être pas un vampire de sang pur, mais elle espérait que ça ne changerait rien entre eux. Enfin elle avait encore le temps de réfléchir à tout cela ...

Ça lui faisait plaisir d'entendre qu'elle pouvait se montrer utile. Toutefois, le Level A tyrannique se trompait sur un point. Ce n'était pas à lui ou même au reste du clan que Maria souhaitait prouver sa valeur ; c'était surtout à elle-même. Toute victoire qui lui avait été offerte jusqu'à présent était obscurcie par l'incertitude de ce que l'avenir pouvait bien lui réserver. Faisant mine de réfléchir à sa proposition, l'actrice se déplaça dans la pièce, attrapant le chapeau tristement abandonné pour le glisser à nouveau sur la tête de son propriétaire, un sourire mutin aux lèvres. Le goût de l'aventure coulait dans ses veines depuis toujours.

« Dangereux ? Vous plaisantez ? Le danger rôde partout dans cette ville depuis la découverte de l'existence des lycans et de ce maudit virus. Pourtant je suis restée, en m'accrochant dans l'ombre à ma toile d'araignée. Je suis curieuse maintenant, vous devez m'en dire plus. De quoi parle-t-on exactement m'lord ? Vous pouvez parler franchement, tout le monde est ailé fêter notre succès dans les bars en ville. Il reste juste ma garde rapprochée. »

Maria retint tout juste un petit rire derrière sa main gantée en se souvenant que son agent n'avait pas été d'une grande utilité pour s'interposer contre le Dwight Hodgkin imposant, mais ça ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas de la ressource. Qu'est-ce qui pouvait donc le préoccuper d'une telle façon ? Et de sorte qu'il ne pouvait pas se déplacer par lui-même ... Une étincelle de vif intérêt avait illuminé son regard. De plus en plus intriguant ! Par pitié qu'il ne la fasse pas trop languir ! Elle adorait les histoires croustillantes. Écouter ne pouvait faire de mal à personne. Ça ne voulait pas dire qu'elle acceptait. Même si en vérité sa décision était sans doute déjà prise. N'était-elle pas ici, seule et aigrie. Et si ça relevait du suicide ... Aussi bien trinquer à une belle mort en plus de ces retrouvailles.

Maria sentit son premier vrai sourire de la soirée s'étirer sur son visage lorsque ce vieil homme un peu bourru lui proposa spontanément de faciliter la rencontre avec Vincent Blanchet. Quand elle repensait à tous ses efforts pour que son père mette les pieds au pays, pour finalement réduire ses espoirs en poussière, elle n'était pas très enthousiaste à l'idée de devoir mener un autre combat similaire. Pour la toute première fois, on semblait reconnaître sa place chez les vampires.  Mais ces paroles honorables cachaient-elles des intentions moins louables ? On n'obtient jamais rien pour rien. Sinon on se fait marcher dessus, ou on finit dévoré par les asticots. Alors ... Quel plan nourrissait-il à son égard ? Elle devait savoir.

Heureusement, ce petit cousin ne se fit pas prier deux fois pour lui livrer le fond de sa pensée. Ne lui faisait-il pas confiance un peu trop vite ? C'est sûr que quand on a un tel pouvoir, on ne doit plus craindre grand chose ... Et sinon, il lui restait l'option de la vengeance, même si ça devait mettre le monde à feu et à sang. Tiens tiens en parlant de pouvoir ... Il voulait donner une leçon d'humilité à la famille la plus ancienne d'entre tous ? On peut dire que ces retrouvailles commençaient sur les chapeaux de roue et pas qu'un peu ! Maria se rassit sagement sur le canapé à ses côtés pour poursuivre la conversation, croisant les jambes pour mieux réfléchir et absorber la nouvelle. Avec un autre homme, peut-être aurait-elle préféré rester sur ses genoux, jouer la carte de la séduction jusqu'au bout. Question de mieux lire dans ses yeux s'il lui mentait.

« Quelle folie. Mon père va vous détester encore plus. »

Mais ils se foutaient tous les deux royalement de ce que pouvait penser ce cher Julien, et l'horreur feinte ne déforma pas son visage. Ce qui était important, c'était ce qu'elle pensait, elle, de cette histoire. Sur le fond, Maria était d'accord, encore plus si c'était vrai qu'il avait créé le problème lycan, le virus, tout ça. Elle eut une pensée pour Okamiro et son double et fronça les sourcils : tout le monde souffrait de cette affaire. Hm, ils allaient forcément être amenés à se recroiser maintenant non ? Okamiô lui avait dit qu'ils travaillaient parfois pour les Dwight Hodgkin et elle allait bien être obligée de passer un peu de temps au domaine ... Au moins pour préparer leur plan d'action, mais aussi pour se présenter aux membres du clan qui étaient présents dans la région et élargir un peu ses horizons. Moment pénible mais nécessaire !

« Vous avez de la chance, je ne compte aller nulle part pour le moment. Par contre, je n'ai jamais osé utiliser ce pouvoir contre un sang pur ... Je croyais que c'est le genre de choses que vous pouviez détecter. Mais je croyais beaucoup de choses qui s'avéraient fausses. »

Elle ponctua cette phrase d'un nouveau sourire plus espiègle avant de reprendre son sérieux. Bien entendu, il y avait tout une différence entre faire plier des esprits puissants sous sa volonté et simplement camoufler sa présence, mais la question restait en suspens. À part ses talents d'actrice, qu'est-ce qui lui laissait croire qu'elle serait à la hauteur de cette tâche colossale ? Allait-elle avoir besoin de ... s'entraîner pour aiguiser ses capacités, ou quelque chose comme ça ? Elle n'aurait pas le droit à l'erreur si elle s'embarquait dans cette histoire. Ce n'était pas le genre d'ennemis à se faire. Car Maria n'était pas naïve, et sa route avait déjà croisé celle d'une des filles Shidara - remarque, qui sait, si elles se rapprochaient un peu par leur passion commune des arts et de la culture, peut-être que cela pourrait lui être utile.Mais pour en revenir au vrai sujet, Metuselah n'était certainement pas le seul à être très dangereux. Elle ne pouvait pas accepter avant d'en savoir plus, sur ce que l'américain espérait vraiment découvrir entre autre chose.

« Il me faudra plus d'informations sur votre amie aussi. Que j'évite de me dévoiler à un membre du clan. »

S'il y avait des employés, ils devaient être loyaux ... Au moins pour sauver leur peau. Qui donc pouvait être assez fou pour s'acoquiner avec le vieux croulant ?

Allons bon ... messire Dwight Hodgkin lui demandait un coup de main, mais maintenant, il lui demandait de rester sur la touche ? C'était quoi, ce cinéma ? Maria ne fronça pas les sourcils pour la simple et bonne raison que les arguments présentés étaient logiques. Ce serait dangereux de s'impliquer au-delà d'une simple surveillance rapprochée, elle qui n'était pas tes imposante physiquement. Ce n'était déjà pas trop mal pour une première mission ... La confiance se gagne. Par contre, la surprise dut se lire sur son visage lorsqu'il prononça le nom de Jessica Duchannes. Forcément, il fallait que ce soit quelqu'un qu'elle connaissait ... Mais bon, cela ne lui fournissait finalement qu'un motif supplémentaire pour faire preuve de sérieux dans cette affaire.

Apparemment, on a beaucoup de dossiers à garder sous le radar lorsqu'on est chef de clan, même à l'étranger. Il devait y avoir quelqu'un pour veiller au grain pendant que Bradley n'était pas aux États-Unis. Elle devrait se retrousser les manches pour apprendre les nouvelles règles du jeu et essayer de faire sa place parmi le clan, car le manque de connaissance était dangereux. Le couvre-feu était un peu embêtant, tout de même, avec son travail. Maria ne pouvait pas juste arrêter de se produire du jour au lendemain, à moins de prétendre d'avoir un terrible virus, mais ça la contrariait de devoir composer de la sorte avec sa faiblesse. N'était-ce pas justement en ces heures sombres que les habitants de Nakanoto auraient besoin d'un peu de fraîcheur pour se changer les idées devant un spectacle ? C'était un autre moyen de se rendre utile. Et en toute franchise, il pleuvait des cadavres à tous les coins de rue de jour comme de nuit. Mais certains de ses collègues avaient déjà mentionné qu'ils n'étaient pas trop à l'aise de rentrer si tard, alors, leur horaire serait peut-être modifiè. En attendant, il serait plus prudent de ne pas rentrer seule, au moins. Pour ce soir, Owen pourrait la raccompagner, s'il n'était pas encore trop contrarié par le traitement reçu par le Level A. Mais il était sûrement dans les parages, pour garder une oreille ouverte et veiller à ce qu'on ne les dérange pas. Elle trouverait bien un moyen de se racheter. Alors que son cousin la saluait, Maria eut un mouvement timide vers la table où reposait ses cartes professionnelles. Elle vola le stylo abandonné sur la table pour prendre quelques notes rapides, même si son écriture restait assez élégante.

« Voici mes numéros personnels. Si vous avez besoin de me contacter pour quoique ce soit. Vous savez où me trouver de toute façon. Je ne mords pas toujours ! Merci pour les fleurs et cette discussion intéressante. Mais, une dernière question. Où est le manoir exactement ? »

Voilà comment se terminait cette soirée riche en émotion, sur une note plus légère et un sourire amusé. Mais finalement, n'était-ce pas plutôt que le tout début, un nouveau commencement. La belle Riven, Monsieur Smith ... Maintenant Bradley. Son cousin. Une comète avait désaxé son univers. Elle avait eu soif d'aventures et on avait entendu ses prières. Aujourd'hui, elle avait envie de se battre pour s'affirmer davantage. Il était alors grand temps que la maitresse des corbeaux se réveille et quitte le royaume des limbes. Maria devait choisir son camp et devenir la femme forte qui avait toujours sommeillé en elle. Étrange. Elle se sentait plus confiante et sereine envers l'avenir.

Mais pour le moment, elle avait surtout envie de rentrer chez elle, de boire un chocolat et se reposer un peu, lovée dans son canapé devant un téléroman qui la ferait rire. Elle réfléchirait davantage à ce qu'elle devrait faire plus tard. Elle devrait appeller son père aussi et lui dire franchement que s'il voulait garder contact avec elle, il allait falloir qu'il arrête de la prendre pour une gamine idiote ... Ses excuses ne suffiraient plus. Ça la fatiguait d'avance, elle allait être obligée de crier pour se faire entendre, probablement. Mais cela pouvait attendre demain ... Ou même quelques jours. Remonter la piste de ces militaires serait bien plus intéressant. Il y aurait sûrement de beaux jeunes hommes en uniformes. Et puis, ce serait une aventure ! Ce n'était sûrement qu'un exercice militaire, il n'y en avait pas eu dans la région depuis un bon moment, mais on n'est jamais trop prudent ...