Derrière le masque {ft Alessio} 24/05/2018

Son interlocuteur prend le temps de réfléchir à sa réponse. Shinji n’est pas dupe. Il se doute bien qu’en tant que chef de clan, un dirigeant avec la responsabilité de toute une société vampirique, il ne pourra pas, il ne voudra pas même, sans doute, lui révéler tous les secrets de sa présence ici. Shinji ne l’espère même pas. Ce n’est pas tellement ce qu’il attend de lui, en fait. Il souhaite surtout observer sa réaction, écouter son discours, et entendre, il l’espère, une raison officielle bien fondée.

Alessio lui explique donc la version officielle de l’histoire. Si Shinji reste impassible, on peut toutefois noter un imperceptible plissement du coin de ses yeux. La façon dont le chef de clan parle de cette grande tante suggère que le vampire est passablement ennuyé par l’affaire. Le sorcier imagine bien la complexité réelle de la situation. Les relations au sein même d’un clan lui paraissent bien compliquées. Enfin, il imagine que l’organisation des sorciers peut paraître obscure pour quiconque n’en fait pas partie. C’est une question de point de vue -et de culture aussi, certainement.

Le sang-pur enchaîne ensuite sur la véritable raison qui l’amène en ville. Enfin, il se contente juste de broder avec une réponse vague, ne pouvant aller dans les détails. Shinji s’y attendait, pour tout dire. Il est évidemment légitime de ne pas vouloir révéler les affaires de clan à un parfait inconnu, qui n’a aucune influence dans sa propre communauté et n’agit qu’en tant que représentant de son supérieur. Et très officieusement, puisqu’il n’était pas censé amorcer le contact. Il hoche donc simplement la tête. Que cette affaire dont il parle ne concerne pas les sorciers, il veut bien le croire. Mais l’Enclave ne partagera pas forcément sa pensée… Mais il laissera Thomas se charger de négocier sur le sujet. Shinji n’est qu’une Sentinelle, après tout.

▬ Je veux bien vous croire. Je ne garantis pas que nos dirigeants vous accordent si facilement leur confiance, mais je défendrai votre position au mieux.

Shinji prend le temps de réfléchir soigneusement à ce qu’il pourrait lui demander par la suite. Il se souvient bien de son objectif ; observer le chef du clan di Altiero pour en savoir plus sur sa position et notamment par rapport aux lycans. Thomas ne lui a pas donné toutes les informations, mais l’essentiel lui a été transmis. Cependant, poser la question de but en blanc pourrait s’avérer peu délicat. Il décide donc de poursuivre sur le sujet des vampires.

▬ Qu’en est-il des autres clans ? J’imagine, du moins je l’espère, qu’ils n’ont pas eu vent de notre « existence », là n’est pas ma question. J’entends plutôt, que savez-vous de leurs idéologies ? J’imagine qu’ils ont tous leurs propres principes et peuvent se montrer très différents dans leurs façons de penser et d’agir. C’est plutôt ça qui est un sujet de préoccupation pour les miens.

Admettons que le clan di Altiero ne représente aucun danger pour les sorciers ; Shinji veut bien le croire. Il n’est pas un maître de la magie mentale, mais il lui a semblé discerner la sincérité dans les propos de son interlocuteur. Rien ne garantit que ce soit le cas pour les autres clans. Le maître des ténèbres enchaîne rapidement.

▬ Notamment, notre principale préoccupation à l’heure actuelle tourne autour de la problématique des lycans. Vous avez certainement entendu parler de l’attaque lors de la soirée d’Halloween. Cet événement a été relayé par les médias et les réseaux sociaux locaux. C’est ce qui nous inquiète le plus. Nous avons appris d’une source incertaine que les vampires -ou des vampires- seraient mêlés à leur création…

Shinji marque une pause pour boire son saké et en profite pour analyser les réactions d’Alessio, en particulier ses expressions. Nul doute qu’en tant que dirigeant, le vampire sait se contrôler à la perfection, rodé par des années de perfectionnement pour un jeu d’acteur sans faille. Les sorciers peuvent se montrer très talentueux aussi en matière de comédie et de faux semblants. Il sait donc pertinemment que se fier à tout ce qu’il voit ne sera pas suffisant en soit. Mais ça peut lui donner de précieux indices. Quitte à être forcé d’échanger avec sa « cible », autant en tirer profit.

▬ Que savez-vous à ce sujet ? Est-ce fondé ? êtes-vous, votre clan, impliqués de près ou de loin, volontairement ou non, à cette histoire ? Et quels clans pourraient l’être selon vous ?

Rien de ce qu’il a pu observer ces quelques jours ne laisse penser que les di Altiero auraient pris part à ces expérimentations éthiquement douteuses. Cependant, Shinji n’a pu qu’assister à la partie émergée de l’iceberg. Il est même possible que le chef de clan soit impliqué et préfère le cacher ; et le jeune sorcier n’a sans doute aucun moyen de décerner seul le vrai du faux. Cette histoire est décidément bien compliquée…

« - Qu’en est-il des autres clans ? J’imagine, du moins je l’espère, qu’ils n’ont pas eu vent de notre « existence », là n’est pas ma question. J’entends plutôt, que savez-vous de leurs idéologies ? J’imagine qu’ils ont tous leurs propres principes et peuvent se montrer très différents dans leurs façons de penser et d’agir. C’est plutôt ça qui est un sujet de préoccupation pour les miens. »

Les autres clans ? Vaste question. Je ne vois même pas comment aborder cette question. Encore moins celle en ce qui concerne les idéologies de mes homologues. Il est vrai que dans leur globalité je connais leurs idéologies, mais vraiment les très grandes lignes. Je ne suis même pas certain que mes vis-à-vis sachent que les sorciers sont toujours de ce monde.

« - Notamment, notre principale préoccupation à l’heure actuelle tourne autour de la problématique des lycans. Vous avez certainement entendu parler de l’attaque lors de la soirée d’Halloween. Cet évènement a été relayé par les médias et les réseaux sociaux locaux. C’est ce que nous inquiète le plus. Nous avons appris d’une source incertaine que les vampires -ou des vampires- seraient mêlés à leur création … »

Oulà, mais tu en sais beaucoup plus que je ne le soupçonnais à l’origine. Bien entendu que j’ai entendu parler de l’attaque de la soirée d’Halloween, par différentes voies. Je serai très intéressé par connaitre ladite source, même si je me doute bien que je n’aurai pas son nom de suite, voir jamais. Son affirmation est juste qui plus est, oui certains vampires sont impliqués dans la création des lycans.
Il marque une courte pause, pendant laquelle il avale une gorgée de sa boisson. J’en profite pour en faire de même et organiser un peu mes pensées. Je sens son regard sur moi et je sais qu’il cherche la réaction non mesurée, non contrôlée. Cependant il ne trouvera, ni ne verra rien. Faire semblant, dissimuler mes pensées ou encore mes émotions j’ai appris à le faire il y a bien longtemps. De plus souvent les apparences sont bien plus efficaces que la réalité pour faire plier un partenaire commercial, ou tenir tête à un membre des miens, voir même refuser une proposition d’un des six autres chefs de clan. Contrôler son apparence, ses manières et réactions, font parties intégrantes du jeu de la diplomatie et des relations internationales.

« - Que savez-vous à ce sujet ? Est-ce fondé ? Êtes-vous, votre clan, impliqués de près ou de loin, volontairement ou non, à cette histoire ? Et quels clans pourraient l’être selon vous ? »

Je prends le temps de savourer ma gorgée de vin. Je sais beaucoup de chose sur les lycans. Mais bien trop pour livrer ainsi mes informations. Malheureusement ta source, douteuse ou non, a raison les vampires sont bien à l’origine des lycans. Certes pas seuls, mais tout de même. Sa question suivante est simple, mon clan n’a rien à voir avec ces pratiques hautement douteuses d’expérimentations humaines et animales. De plus je sais pertinemment quels clans sont responsables de leur création, mon interrogation porte sur le fait de te transmettre l’information au complet ou seulement partiellement. Après tout dépend de ce qu’il entend par « impliqué ». Après tout, je suis impliqué dans cette affaire lycan puisque j’en ai un sous ma protection, au sein même de mon clan.

« - Cela fait beaucoup de questions et d’hypothèses. Ce que je sais au sujet du bal d’Halloween ? Les grandes lignes comme la plupart des gens je dirais. Peut-être un peu plus que la moyenne, mais pas suffisamment à mon goût. Je n’ai pas pu m’y rendre, faute de temps lié à mes diverses obligations. »

J’hausse les épaules et avale une nouvelle gorgée. Oui je l’admets, j’en sais plus que je ne veux bien lui dire. Bien que n’ayant pas été physiquement présent moi-même, un membre de mon clan a été à cette soirée. J’ai ainsi pu bénéficier de tous les détails de la soirée, concernant l’incident, puisque la personne était aux premières loges.

« - En ce qui concerne votre information, ou est-ce peut-être une hypothèse vue que, selon vos dires, la source est incertaine ? Enfin peu importe au fond. Je vous la confirme. Des vampires ont été impliqués dans la création des lycans, à l’origine. A vrai dire, pour plus de précision, je peux vous dire que l’on parle à l’échelle des clans, voire de famille. »

Tout ça peut paraître d’une banalité à en pleurer pourtant rien n’est faux pour autant. Juste je ne suis pas certain d’avoir envie de lui révéler le nom des clans et familles impliquées. Après tout ils possédaient déjà l’information, je ne fais que confirmer qu’elle est juste.

« - En ce qui concerne mon clan, non nous ne sommes pas impliqués dans la création des lycans. Je le dirigeais déjà à ce moment-là, et j’ai découvert ce qui s’est passé après coup. Je ne suis pas omniscient et je le concède, j’avais des affaires plus urgentes à régler. Cependant, j’ai choisi de conserver la neutralité vis-à-vis d’eux dans un premier temps. Depuis ma position a évolué en leur faveur. J’estime, qu’ayant plus de moyens qu’eux, il est logique que j’essaie de ‘redorer’ l’image générale qu’ils ont de ma race. Tout comme vous, je suis intéressé par découvrir une explication à ce mal qui les frappe subitement. Ne serait-ce que pour mieux les comprendre et leur prouver que tous les vampires ne sont pas nécessairement contre eux. »

Rien de très secret dans tout ça, hormis mes véritables liens avec les lycans. Ma position a bien évolué en leur faveur, même plus que ça. Après tout, une charmante amie m’a proposé, il y a quelques temps, une alliance que j’ai acceptée. Je connais ses motivations, et je ne peux que les respecter. C’est ainsi que j’ai pu garder un œil sur le plus âgé de ses louveteaux et m’assurer de la protection du plus jeune. Cette maladie qui les concerne, m’impacte d’autant plus avec cette alliance. Hors de question de les laisser sans aide.

« - A mon tour, permettez-moi de vous poser une simple question. Qui est votre source ? Ce n’est que de la curiosité pure, et je ne vous en tiendrais bien entendu point rigueur si vous ne voulez ou ne pouvez y répondre. »

J’ignore s’il s’autorisera à satisfaire ma curiosité, mais poser la question ne me coûte rien. La seule chose que je mets en évidence est ma curiosité, ce qui n’est pas un secret.

« - De plus je me doute que ces premières interrogations, ne sont que les prémices de sujet plus vaste et de questionnements plus grands. Puisque nous disposons d’encore un peu de temps avant la prochaine représentation de Kabuki, je puis répondre encore à quelques-unes d’entre elles. »

Je rappelle le serveur et nous recommande des boissons, les mêmes. Nous possédons encore du temps devant nous, et je suis vraiment intéressé par les prochaines demandes de mon interlocuteur.

Shinji ressent la réflexion profonde de son interlocuteur. Il a conscience qu’il en demande beaucoup, et qu’il n’aura probablement pas de réponse à toutes ses questions, ou du moins pas en totalité. Néanmoins, il lui faut tenter le coup. Qui ne tente rien n’a rien. Il s’expose peut-être trop. Il prend sans doute trop de risque avec ces initiatives répétées. Peut-être que Thomas désapprouvera. Ça fait beaucoup d’incertitudes, et c’est bien le problème. Mais il ne peut plus reculer dorénavant. Alea jacta est.

Alessio ne lui apprend guère plus sur les événements d’Halloween que ce qui lui a été transmis par la Sagesse. Au moins une question de réglée ; le vampire n’a que peu d’informations sur le sujet. Ce qui signifie qu’il est également en quête de réponses. Ou du moins c’est ce qu’il veut faire croire. Shinji plisse imperceptiblement les yeux. Il n’est pas étranger au jeu du faux semblant ; prétendre en savoir moins que la réalité afin de récupérer des informations en espérant que l’autre en dise plus que nécessaire.

Cependant le chef de clan fait preuve de bonne volonté et confirme la véracité sur l’origine des lycans. Shinji boit une gorgée de son saké tout en écoutant. Ainsi donc, il semblerait que ce soit une ou quelques familles en particulier qui sont impliquées dans cette sordide histoire. Shinji ne lui fera pas l’affront de lui demander le nom de ces clans. Il est suffisamment intelligent pour deviner que ce di Altiero ne lui donnera que ce qu’il aura envie de lui révéler. Par ailleurs, il n’est pas en position hiérarchique pour négocier plus en profondeur des informations. Thomas, en parfait diplomate qu’il est, saura certainement mieux gérer que lui.

L’italien lui livre alors sa position vis-à-vis des lycans. Ces informations captent efficacement son intérêt. Il se redresse très légèrement, attentif. Alors, les di Altiero seraient prêts à enquêter sur l’origine de la maladie qui infecte les lycans ? Shinji a été mis au courant du projet des sorciers de trouver un remède pour les guérir. Le clan d’Alessio pourrait représenter un atout considérable dans cette voie. Surtout qu’il souhaite montrer sa bonne foi et prouver que les vampires sont comme les humains ; ils ont tous leurs bons et leurs mauvais côtés. Voilà qui est intéressant. Très intéressant. Ces informations précieuses vont alimenter son prochain rapport.

A la question de l’européen sur l’identité de cette « source », Shinji remue nerveusement sur son siège, mal à l’aise. Voilà un terrain glissant. Bien évidemment, Thomas lui a révélé le nom de cette personne, et l’a mis en garde ; « évitez-le à tout prix, il est extrêmement dangereux ». Shinji ne le connaît pas, mais rien que d’y pense, il en frissonne. La question est : peut-il en parler ? En soit, il ne risque pas grand-chose. Et il est fort probable que cet italien connaisse déjà l’homme en question. Qui plus est, il a déjà fait preuve de bonne volonté en prenant le temps de répondre à ses interrogations. Il finit donc par briser le silence qui s’est installé entre eux.

▬ Vous le connaissez certainement. Il s’agit de Metuselah Shidara. Je n’ai pas eu la… chance de le rencontrer, mais mes supérieurs oui, et cette entrevue les a marqués.

Il n’a pas besoin d’en dire plus pour que son interlocuteur mesure toute la portée de ses mots. Il a hésité sur « chance » ; le terme est purement ironique, bien sûr. Mais il préfère éviter un incident diplomatique pour le cas où une oreille indiscrète traînerait dans les parages. Si Alessio connaît bien cet homme, il saisira la subtilité. Sinon, eh bien elle peut être prise dans le sens inverse, et ça ne lui porterait pas défaut. Le regard de Shinji dérive sur le contenu de son verre.

▬ Nous connaissons donc déjà au moins une famille, si ce n’est clan, impliquée. Mais je pense que je vous en ai assez demandé sur les vôtres pour ce soir.

Il est vrai que Shinji aimerait connaître le nom des deux autres familles responsables de la création des lycans. Cependant… il n’ose pas en demander davantage au chef de clan. Il s’est déjà montré patient -enfin en partie- en répondant à ses nombreuses questions. Il y en a cependant une, de taille, et de circonstances, qui s’impose à son esprit. Ses doigts font tourner le récipient en verre tandis qu’il coule un regard vers Alessio.

▬ J’aurais juste une dernière question, si vous pouvez, ou voulez bien y répondre. Connaissez-vous, ou avez-vous des soupçons quant aux motivations des personnes impliquées ? Pourquoi selon vous ont-ils œuvré pour la création des lycans ?

Cette information ne sera peut-être d’aucune utilité dans l’affaire du remède. Cependant, en apprendre plus sur ces motivations permettrait de mieux cerner les responsables, et ce ne sera sans doute pas de trop pour Thomas.

Mon interlocuteur se trémousse légèrement sur son siège lorsque je lui demande le nom de sa source. Il ne semble pas à l’aise sur le sujet. Deux possibilités sont alors envisageables. La première est qu’il ignore son nom, vu qu’il a des supérieurs, il est tout à fait probable que l’information ne lui soit pas parvenue. La seconde est qu’il connait son nom, mais qu’il ignore s’il peut se permettre de me le dévoiler ou non. Dans les deux cas, c’est un petit dilemme pour lui. Je porte mon verre à mes lèvres pour avaler une nouvelle gorgée, pendant qu’il ordonne ses pensées. Un coup d’œil en coin sur mon voisin sorcier m’apprend qu’il a finalement pris sa décision, et son courage à deux mains.

« - Vous le connaissez certainement. Il s’agit de Metuselah Shidara. Je n’ai pas eu la … chance de le rencontrer, mais mes supérieurs oui, et cette entrevue les a marqués. »

J’avale de travers ma gorgée. Shidara ? Sérieusement ? Pourquoi diable tout le monde commence par le rencontrer lui ? Tu m’étonnes que les sorciers qualifient cette source de peu fiable. Ce vampire est l’un des meilleurs manipulateurs existant sur cette planète. Je crois que c’est le pire en fait. C’est en effet une chance, totalement ironique, de l’avoir rencontré en premier. Ca ne m’étonne donc plus que les sorciers s’inquiètent de ce que pourrait faire les vampires, vu le spécimen connu. Moi-même je m’inquièterai si j’ignorai tout de mon homologue. Et je crois même pouvoir affirmer que j’en ignore encore beaucoup sur lui, pour me permettre le luxe de ne pas me méfier.

« - Nous connaissons donc déjà au moins une famille, si ce n’est clan, impliquée. Mais je pense que je vous en ai assez demandé sur les vôtres pour ce soir. »

J’acquiesce sobrement. Je le pense aussi, j’ai donné bien assez de petites informations pour que tes supérieurs m’oublient un peu. Ou qu’ils organisent une rencontre en bonne et due forme. Je serai bien curieux de les rencontrer d’ailleurs, je pense que ça serait très intéressant. L’information que j’ai déjà obtenu de cette rencontre fortuite est précieuse : l’existence des sorciers. Je ne peux pas me plaindre de cet état de fait, cela peut s’avérer être des alliés potentiels. Après tout, ce fameux Tsukishima Shinji semble avoir été particulièrement intéressé par ma position vis-à-vis des lycans. J’en déduis, qu’il est plus que probable que notre objectif concernant la situation soit similaire. Ce début de prise de contact n’est donc pas à ignorer, ni même à laisser de côté.

« - J’aurais juste une dernière question, si vous pouvez, ou voulez bien y répondre. Connaissez-vous, ou avez-vous des soupçons quant aux motivations des personnes impliqués ? Pourquoi selon vous ont-ils œuvré pour la création des lycans ? »

Je joue un instant avec mon verre vide. Est-ce que je peux y répondre ? Oui tout à fait. Est-ce que je veux y répondre ? Là est la question. De ce que j’en comprends, il est possible que lui et ses supérieurs ignorent l’origine de cette histoire lycans. Moi-même je ne pense pas en savoir la totalité, même si je suis bien renseigné. De plus est-ce qu’il y a seulement une seule motivation ? Rien n’est moins sûr. Je suppose que chaque clan y ayant pris par avait ses propres motivations, tout comme l’ordre de Reinfield. Ce qui me semble infiniment plus logique. Je connais donc quelques-uns de leurs arguments en faveur de la création des lycans. Je décide de me permettre de lui offrir une ou deux de ces raisons, ça ne me coûte rien. De plus puisque Metuselah Shidara est dans leur connaissance, ils pourront en apprendre bien plus qu’avec moi.

« - Et bien … je crois que la base de création des lycans était pour en faire des chiens de garde. En tout cas pour le côté vampire de l’idée. N’ayant pas pris par à ces expérimentations douteuses, je ne puis que vous transmettre des suppositions, ou des ouï-dire. Pourquoi œuvrer à la création d’une nouvelle race ? Je pense que c’est surtout pour éprouver les connaissances que nous pouvons posséder. »

En soit, ce ne sont que des hypothèses, rien de plus. Je paie nos consommations au serveur et me lève. La prochaine représentation de Kabuki va bientôt avoir lieu et je compte bien profiter du spectacle cette fois.

« - Tsukishima-san, je vous pris de ne point m’en tenir rigueur mais je prends congé de vous. Comme je vous l’ai dit, je souhaite ardemment assister à la prochaine représentation de Kabuki prévu ce soir. En outre j’espère avoir pu répondre à certaines de vos plus pressantes interrogations. Je suis convaincu que nous serons amenés à nous revoir, tôt ou tard, pour discourir de ces sujets en compagnie de votre ou vos supérieurs. »

Je m’incline légèrement devant, comme le veut la coutume nipponne, puis me redresse et commence à m’éloigner. Finalement je me retourne une dernière fois vers lui.

« - Je vous présente encore une fois mes excuses, concernant l’atteinte faite à votre doigt. »

Sur ces mots, je quitte la salle de restauration du théâtre, et retourne à la billetterie. Une fois-là, je me reprends un billet pour l’ultime représentation de la soirée. Il est plus que temps que je me détende et que je profite pleinement de cette charmante distraction.

Quand Shinji a prononcé le nom de Metuselah Shidara, il n’est pas passé à côté de la réaction de son interlocuteur. Il a bien noté qu’il a manquer s’étouffer avec le contenu de son verre. Il en a donc déduit qu’il le connait, peut-être même de visu, et qu’il a donc déjà une bonne idée du personnage. Il doit alors mieux comprendre les réticences du sorcier, et les motivations de ses supérieurs pour en savoir plus au sujet des autres clans. Car ils n’ont aucun moyen de savoir s’ils sont aussi… dangereux que le premier, à part en se renseignant.

Alessio accepte de répondre à son ultime question sur les motivations des responsables de toute cette mascarade. Shinji en est à la fois légèrement surpris et intrigué. Même si Metuselah a déjà fourni quelques éléments essentiels sur ce point, le sorcier pense que l’avis d’un clan extérieur au problème est toujours bon à prendre. Il fronce les sourcils. Que veut-il dire par « pour le côté vampire de l’idée » ? Insinue-t-il qu’il y aurait une autre race impliquée dans cette sordide affaire ? Les pensées du maître des ténèbres dérivent rapidement. Plus il y réfléchit, et plus une conclusion s’impose ; il ne connait qu’une seule autre race capable de telles atrocités. Les humains. Toujours et encore eux…

Et la suite de la réponse ne fait qu’alimenter cette terrible hypothèse. Car les humains ont toujours eu une soif de savoir sans limite. Après tout, ils avaient bien cherché par le passé à s’approprier le pouvoir des sorciers. Et comme ils n’y parvenaient pas, ils avaient cherché à les détruire. C’est le propre de l’espère humaine ; détruire ce qu’elle ne peut contrôler. Son raisonnement est tempéré par le souvenir d’Alyssa qui s’impose à son esprit. Il plonge son regard doré dans son verre, soudain maussade. Ce n’est que lorsque le vampire se lève que Shinji s’extirpe de ses pensées. Il l’imite et salue à la japonaise pour le remercier, tant pour le règlement de leur consommation que pour les réponses apportées.

▬ Domo arigato gozaimasu. Je suis désolé d’avoir dérangé votre soirée. Et merci également d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Et nous serons sans doute amenés à nous revoir en effet.

Shinji a bien compris le sous-entendu. Ce vampire souhaite rencontrer ses supérieurs. La décision n’appartient malheureusement pas au jeune sorcier, mais Thomas aura certainement un avis sur la question. Après il faudra toujours l’accord unanime de l’Enclave pour entreprendre une telle rencontrer, qui ne sera pas sans conséquences. Shinji s’incline à nouveau en réponse au salut d’Alessio qui commence à s’éloigner. Mais il se retourne pour lui présenter ses excuses. Shinji porte machinalement sa main intacte sur son doigt blessé.

▬ C’est… un moindre mal. Profitez bien de la séance de kabuki, Altiero-dono.

Shinji le regarde s’éloigner jusqu’à ce qu’il disparaisse par la porte qui mène aux gradins. Alors seulement, la pression se relâche et il pousse un profond soupire. Autant dire qu’il a eu son compte d’émotions pour la soirée. Il prend la direction de la sortie d’un pas leste et vif, pressé de quitter les lieux. Le sake a déjà un peu nuancé le tumulte d’émotions qui s’agitent présentement dans son for intérieur. Cependant, il a besoin de se ressourcer un moment dans sa chambre. Alors, après être certain de ne pas être vu ni suivi, il disparaît dans les ombres. Toutefois, il est loin de pouvoir se reposer toute la nuit. Un long rapport de mission l’attend…