Challenge Accepted [PV Ôkamiro] (15/06/2018)

Riiiiiiiiiiiiiiiiing. Debout ma grande, aujourd'hui sera un grand jour ! Je n'étais même pas fâchée de devoir me lever tôt. Ce n'était pas tout à fait mon premier festival, mais ce serait le premier auquel je participais. C'était si excitant ! Mamie m'avait apporté des boîtes et des sacs pour emballer tout mon stock. J'aurais adoré qu'elle vienne mais il paraît que c'est plus de son âge ... N'importe quoi ! J'étais sûre qu'il y aurait plein de gentils papy et mamies qui profiteraient du beau temps pour une sortie en amoureux ou avec leurs petits-enfants, avec le ruisseau à côté. Je me demandais s'il y avait des petits poissons. Agatha était trop occupée surtout ! Pas grave. J'allais prendre plein de photos pour elle et Melissa. Les paquets dans la camionnette, la porte de la boutique verrouillée, direction la place du marché ! Il fallait encore monter le stand après tout.

Je déposai mon contenant refroidi quelques secondes sur mon front avant de le mettre sur la table avec la petite étiquette qui indiquait les prix. J'avais bien fait de mettre une petite casquette, je ne m'étais jamais habituée aux grandes chaleurs de l'Amérique alors ça n'allait pas commencer maintenant, en plus je n'avais pas trop eu le temps de regarder la météo. Je laissai ma veste dans l'une des boîtes vides sans oublier de ramasser mon écusson avec le logo du magasin. Le Dédale des Délices rien que ça ! Si je pouvais gagner quelques clients réguliers, ce serait pas mal ... Les gens déambulaient tranquillement dans les allées, les rires témoignaient bien que tout le monde prenait du bon temps. Normal pour une fête et un week-end en plus ... Mais il y avait de ces gonflés ! Il y avait des déchets partout ! Est-ce que c'était vraiment la mort d'attendre cinq minutes pour trouver une poubelle ? Non mais ! Allô ! Le réchauffement de la planète et la pollution ne se faisait pas tout seul ! En plus, on pouvait faire de bidules intéressants avec le recyclage. Je profitai donc d'un petit moment de pause pour prendre une baguette et me débarrasser de ce qui se trouvait dans les alentours de mon stand. Je n'allais pas me laisser faire comme ça !

Un flyer retint tout à coup mon attention. Un concours ? Je m'arrêtai pour le lire plus attentivement. Les règles étaient plutôt souples. Même si je ne pensais pas pouvoir remporter un prix ... Ça pouvait être assez amusant ! Je laissai mon sac dans la poubelle, puis je redressai mes manches, prête à me mettre à l'ouvrage, enfin il fallait d'abord que je me lave les mains et que je sorte mon tablier ... J'avais déjà des bonbons à vendre, mais j'avais envie de créer quelque chose de nouveau, et de spécial, sous le thème du festival. Sinon ça ne fait pas très impressionnant pour une compétition de ce genre.

Je ne pus m'empêcher de rire doucement et de secouer la tête en observant les autres courir à gauche et à droite pour ramasser leurs ingrédients, tout le monde semblait vouloir se prendre pour un grand chef et faire une recette complexe comme des pièces montées ou des amuse-gueules flambés. Mais après tout, si quelqu'un voulait des dumplings ou des takoyaki, il y en avait déjà parmi les tentes. Je le savais bien parce que j'avais fait mon goûter parmi les allées à coup de quelques centaines de yens sans me ruiner. Assis les jambes croisées sur l'herbe c'était ce qu'il y avait de mieux, en plus j'avais pu me reposer un peu comme ça ! Quand même j'étais bien soulagée de ne pas faire partie du jury ... Ça risquait d'être assez folklo et plus « explosion de saveur », littéralement, que véritable qualité.

On a beau dire que l'ingrédient secret d'une recette réussie, c'est d'y mettre beaucoup d'amour, la préparation, c'était important ... Trente minutes, une heure, peu importe que j'ai oublié le délai finalement, tout cela, ça ne laissait pas beaucoup de temps pour réfléchir, rassembler les bons ingrédients et finir la présentation. Tout point bonus était bon à prendre ! « À l'amour comme à la guerre, tout est permis ! » Bref ... Même si j'avais mon livre de recettes avec moi, ça n'aurait pas servi à grand chose, puisque tout lire aurait gaspillé de précieuses secondes. Retour aux bases. Qu'est-ce que j'avais sous la main, au juste ? Résultat des courses ... À part des tonnes de chocolat, j'avais les restes de mon repas improvisé. Hm ... Il y avait peut-être de quoi faire avec des morceaux de pommes et du fromage. Je pense qu'on était bon pour une nouvelle ronde d'impro. Quelle était la première règle déjà ? Il n'y a aucune règle !

Dommage que je ne puisse pas faire des scones ... Des petites tartelettes, ça ne serait peut-être pas assez traditionnel pour plaire non plus. Des brochettes ? Okay, il y avait déjà plus d'idée, mais il fallait y mettre une touche originale alors. Je voulais faire simple, mais là, c'était trop simple, je crois. Le festival soulignait le solstice d'été n'est-ce pas ? Dans ce cas ... Je pouvais m'amuser à découper des petits soleils dans le fromage, assembler le tout sur des cure-dents et napper le tout d'une légère sauce chocolatée. Ce ne serait pas très compliqué à faire, puisqu'il faisait une telle chaleur !

Je rangeai l'assiette de fromage tranché très attentivement dans ma petite glacière pour en ressortir une pomme. Je n'avais pas de jus de citron alors je l'avais gardé pour la fin, il faudrait juste espérer que le froid suffirait à conserver les saveurs en attendant le passage des juges. Je soufflai un peu. J'avais été trop concentrée sur ma tâche jusqu'à maintenant, je n'avais pas trop regardé ce que faisaient les autres ... Peut-être que j'étais complètement à côté de la plaque. Peut-être que je n'avais aucune chance. Je laissai donc mon regard vagabonder pour me faire une petite idée de la compétition. Il y avait un petit homme grassouillet qui criait à qui voulait bien l'entendre qu'il avait mis la main sur les meilleurs morceaux de lièvre en ville. Une demoiselle pleurait quelques pas plus loin en ayant renversé sa crème. Je remarquai alors que, tandis que j'observais les autres, quelqu'un m'observait moi. Le seul homme qui soit silencieux dans cet attroupement digne d'un cirque. À voir ses cernes, je me demandai pendant une seconde s'il ne dormait pas, mais c'était avant de le voir manier le couteau. Oh ... Il était certainement doué. Les odeurs qui me parvenaient était marquées d'épices alléchantes. J'haussai un sourcil. Intéressant.

J'abattis ensuite mon propre couteau sur la planche en lui renvoyant son sourire. Message reçu mon coco, mais si tu crois que ça va suffire pour m'impressionner, tu risques d'être surpris ... Pourquoi tous les hommes croyaient-ils qu'un regard de tombeur suffisait à faire tourner la tête aux femmes ? Aïe ! Je m'étais coupée avec toute cette histoire, c'est malin ... Plaie d'orgueil comme dirait mamie. Je portai instinctivement mon pouce à la bouche en grimaçant, lançant discrètement mon sort de guérison. Je l'enroulerais dans une feuille pour éviter que ça se retourne contre moi. Ça va, ce n'était qu'une entaille superficielle ... J'aurais encore assez d'énergie pour finir la ronde, même si c'est sûr que je n'étais pas aussi rapide et habile que d'autres. Le foulard rouge attira mon regard à nouveau. Lui on voyait clairement qu'il était passionné par ce qu'il faisait ... Bon, c'est pas tout ça, mais il fallait que je me concentre si je voulais terminer dans les temps.

« Aaah ! Ma jambe ! Ma jambe ! »

Je retins tout juste mon assiette sous la surprise. Mes petites bouchées étaient sauvées ! Mais qu'est-ce qui se passait encore ? J'hésitais un peu à abandonner mon stand pour m'approcher, après tout, mes connaissances rudimentaires en médecines pourraient peut-être servir ... Mais pour ça il aurait fallu que j'ai la force pour fendre la foule qui était en train de se former ... À tout hasard, je m'adressai à la personne à ma droite.

« Vous avez vu quelque chose ? »

Oh. Malaise. Qu'est-ce qu'il faisait là ... ?

Il parle tellement vite que je n'ai pas tout compris, à cause de son accent prononcé aussi, je pense. Pourquoi ce gars me parle de sa viande ? Limite, je me demanderais s'il n'y avait pas un sous-entendu bien gras là-dessous s'il n'y avait pas le concours culinaire à côté ... Je suis sûre que sa recette est excellente, vu sa technique et sa fierté, mais il y a quand même plus urgent que la nourriture, là. Quelqu'un s'était blessé et bien plus grave que mon pouce ! Je n'eus pas le temps de lui en faire la remarque par contre, le petit cuistot était parti vers un autre stand. Mais quelle mouche l'avait piqué ? Il n'avait vraiment qu'une idée en tête celui-là.

Je n'avais pas exactement reçu ma réponse du coup, mais il n'y avait pas non plus trente-six raisons pour qu'une personne ait tout à coup mal à la jambe. Cette fille devait avoir trébuché et s'être simplement tordu la cheville. Vu comment elle se plaignait et pleurait, ce n'était pas impossible que ce soit autre chose, mais nous autres les filles avions parfois tendance à être trop émotives, pour faire une montagne de presque rien ... Mes doigts se serrèrent sur mon bracelet en argent.

« Y a-t-il un médecin parmi nous ? »

J'oubliai mes doutes à double tranchant. Puisque personne d'autre ne se manifestait, je levai timidement la main. La foule se fendit en deux et je réussis enfin à m'approcher de la blessée. Tout cela était mauvais. Peut-être que cette fille voulait attirer l'attention pour une raison inconnue mais ... L'angoisse était exacerbée lorsqu'on se sentait fixé de toute part.

« Quelqu'un devrait appeler les secours. »

Elle secoua la tête et semblait sur le point d'éclater en sanglots à nouveau. Cela devait être sa façon de dire que ce n'était pas nécessaire. Je pouvais bien comprendre qu'on ait peur des hôpitaux ... Une possibilité me coupa le souffle. Peut-être que quelqu'un l'avait blessée, en fait. J'insistai pourtant :

« Une voiture au moins alors. »

Cette fille n'était pas en état de rentrer chez elle même si elle avait une voiture. Elle était clairement sous le choc ! Et qu'ils nous apportent un peu d'eau ! Je ne prêtai pas trop attention aux balbutiements et aux excuses. J'avais réussi à disperser un peu ces curieux. Elle allait pouvoir respirer. J'offris donc un petit sourire à cette jeune femme en inspectant la zone atteinte le plus délicatement possible. Sans matériel aucun, je ne pouvais pas vraiment faire autre chose de toute façon. Pas dans un lieu aussi public, et pas pour une humaine. Il y avait clairement une petite bosse ... Bon. Au moins, elle était capable de mettre du poids dessus ! Plus de peur que de mal alors. Je l'installai sur un petit banc, c'était toujours mieux que rester par terre si elle souffrait.

« Vous êtes tellement gentille ... »
« Il faut bien se serrer les coudes entre filles ! Je n'ai pas fait grand-chose. »
« Ah ... Surtout ... Ne mangez rien ... »

Quoi ? Je clignai des yeux. Ne rien manger ... C'était très étrange comme conseil ... J'ouvris la bouche pour poser une question, mais ce fut à ce moment-là qu'un homme, celui aux lièvres, beugla que le taxi était arrivé. Je laissai donc cette fille fragile prendre appui sur moi pour se rendre jusqu'à la voiture. J'espérais vraiment qu'elle prendrait soin d'elle même si ce n'était finalement rien de grave ... Le mystère resterait probablement entier. Je refermai la porte en soupirant doucement, gardant la portière un petit moment encore entre mes doigts. La crise avait été évitée pourtant. Tout cela, ça ne me regardait plus, plus vraiment. Allez ... Je devais encore retourner à mon stand et sortir mon plateau, moi. Juste espérer que la journée se termine sur une note plus positive.

J'avais à peine eu le temps de rejoindre mon poste que le petit chef un peu lourd était de retour. Il voulait sûrement être gentil, à sa façon, mais il ne pouvait pas me laisser respirer un peu ? Je clignai des paupières à ses paroles et serrai les poings, même si j'essayais de cacher mon agacement. Est-ce que j'avais l'air d'une demoiselle en détresse ? Il y avait des filles bien plus jolies, dans leurs robes fleuries d'été. Elles auraient sûrement ri de cette façon un peu maladroite de leur faire la cour.

« Je devrais peut-être aussi me méfier de vous, alors. »

Je ne sais pas trop s'il avait entendu, parce qu'il était retourné à son kiosque pour reprendre le concours. Peut-être que je l'avais vexé. Est-ce que j'avais été trop dure ? Mais ... AAAAAH ! Catastrophe ! À trop m'occuper des autres, j'avais oublié le concours ! Je devrais faire la même chose ! Surtout si je voulais qu'on me prenne un peu plus au sérieux ! Je repris mon couteau pour trancher les morceaux de pommes, faisant un peu plus attention cette fois. Je pense que mamie ferait une syncope si je perdais un doigt dans la bataille. Je récupérai une petite baguette en métal dans mon bazar que j'avais ramassé tout à l'heure, pour tout assembler. Puis je me suis mise à courir à gauche et à droite pour essayer de trouver du gros sucre. Je m'occuperais du nappage au chocolat après.

Cinq minutes plus tard ... Maintenant que tout était fini ... Peut-être que je devrais vérifier qu'il ne manquait rien pour relever les saveurs. Parfois trop de sucre, ça doit être rebalancé avec un peu de sel. Le moins qu'on puisse dire, c'est que j'ai été surprise. La grimace ne se fit pas attendre et je recrachai le morceau sur le comptoir. Tant pis si c'était pas très élégant : je ne voulais pas être malade !

« Il y en a clairement beaucoup qui se croient meilleurs qu'ils le sont. »
« Elle a dû se tromper en lisant le nom des ingrédients ! »
« C'est dans la poche les gars ! »

Les ricanements s'éloignèrent. J'étais sûre que non pourtant ... J'avais mis du sucre. Et il y avait de plus en plus de ces accidents. Il suffisait de tendre l'oreille pour entendre les gens perdus entre l'incompréhension et la colère. Je fronçai les sourcils. Quelque chose n'allait pas. Si les organisateurs ne s'en étaient pas encore rendu compte, ça ne saurait trop tarder, sauf s'ils étaient complètement idiots ... ou de connivence. Bon, avant toute chose ... Comment faire pour éviter que ces gens créent une mauvaise réputation à mon commerce et fassent fuir tous mes clients ? Il restait quelques boîtes de pockys dans la camionnette. Peut-être que je pouvais en donner quelques-uns gratuitement, si ça pouvait suffire. Je crois que le concours était perdu par contre ... Je n'aurais pas le temps de recommencer une recette ...

Parmi ceux qui continuaient à avancer, il ne restait plus grand monde d'ailleurs. Le mec au sourire chelou en faisait partie. Tiens ... Est-ce que c'est de ça qu'il avait essayé de me mettre en garde ? Je me penchai sur son kiosque en faisant mine de m'intéresser à sa préparation. Ça sent drôlement bon ... Okay, peut-être que j'étais un petit peu impressionnée ... Après une petite minute, je me rappelai la raison pour laquelle j'étais ici ! J'avais une mission !

« Il y a quelqu'un qui a mêlé les étiquettes ... »

J'essayais de ne pas parler trop fort. Je regardai un peu nerveusement à gauche et à droite. Peut-être que le coupable courait encore dans les parages. Comment fait-on pour démasquer un saboteur ? L'homme devant moi ... Je ne sais pas trop qui il était, ni ce qu'il me voulait exactement, mais ... Il avait l'air de savoir ce qu'il faisait, alors peut-être qu'il aurait des idées ...

J'ouvrais des yeux ronds comme de soucoupes devant la scène violente qui se déroulait sous mes yeux, tout simplement paralysée sur place. Je devais être un peu pâle aussi. Ce mec prenait vraiment toute cette histoire très au sérieux. Je le soupçonnais de plus en plus de ne pas être un simple amateur comme la grande majorité des autres participants. Lorsqu'il souleva de terre l'un des rustres qui s'étaient moqués de moi, je faillis m'interposer. Après tout, c'était MA recette qui avait été gâchée ! Et je n'aimais pas l'idée qu'une démonstration de force soit la seule solution pour se faire entendre. S'ils avaient déclaré la guerre en cuisine, il fallait trouver un moyen de les prendre à leur propre jeu.

C'était avant que l'autre détraqué parte dans un rire sinistre en continuant son discours à glacer le sang. Non, non, il valait mieux ne pas m'en mêler davantage et trouver une échappatoire discrète. Mais mon corps refusait de m'obéir ... Tout cela me rappelait de mauvais souvenirs. Et la situation ne faisait qu'empirer de seconde en second Des griffes ?! Des griffes ?! Bloody hell. C'était quoi, ce délire ? Je pensais que c'était juste des salades toutes ces histoires ! Il fallait que je me calme. Sinon j'allais sûrement finir transformée en kebab moi aussi. Mais s'il existait des sorcières, pourquoi pas des lycans et des vampires après tout ? La question restant : avait-il senti que moi aussi, je n'étais pas tout à fait humaine ? Non, c'était impossible, je n'avais pas assez de magie dans mon sang pour ça, pas vrai ? Allez, il fallait que je dise quelque chose. Ça allait peut-être l'aider à redescendre sur terre. On pourrait toujours reparler de tout ça plus tard, si je ne tombais pas dans les pommes !

« Est-ce que ... je peux faire quelque chose pour vous aider ? »

J'étais hors course, autant me rendre utile. Il était clairement celui qui avait le plus de chances de remporter le concours culinaire, alors il ne pouvait pas quitter ce stand sans risquer de voir son plat saboté à son tour, une seconde fois, en plus. Je levai le pouce, déterminée : il pouvait compter sur moi ! Il ne restait plus qu'à voir s'il préférait que je veille sur sa préparation ou que je parte à la recherche d'autres indices. Je n'en avais peut-être pas l'air comme cela mais j'avais plus d'un tour dans mon sac ...

En tout cas, il serait temps de faire quelque chose parce qu'il y avait se plus en plus d'agitation sur la place du marché. Les gens s'accusaient les uns les autres, sans même comprendre d'où venait le problème au juste. Comme si la chaleur aidait à échauder les esprits. Finalement j'étais soulagée que mamie ne soit pas venue me donner un coup de main. Moi qui pensait passer un aprè-midi tranquille ... C'était raté ...