Une soirée d'enfer [pv Tibalt]

Arkady n’était qu’à Nakanoto depuis peu. Il essayait de repérer les coins sympathiques où se poser et les endroits intéressants à observer. En fait, il lui était apparu que la ville n’était pas sûre pour le commun des mortels, la nuit. Un sentiment de peur poussait les passants à presser le pas une fois le soleil couché, sûrement dû aux fameuses attaques dont la presse parlait, pour le peu que le jeune homme ait bien interprété les images. La barrière de la langue ne l’aidait pas à s’intégrer mais Arkady ne s’en souciait pas : il n’était intégré nul pars n’étant d’aucune race. Heureusement, les jeunes gens et autres créatures de la nuit n’avaient pas arrêté pour autant leurs activités – plus confiant peut-être ? – et il restait assez de mouvement pour que le blondinet ne meure pas d’ennui le soir venu.

Après avoir logé dans un immeuble confortable ayant vu sur la ville, Arkady pointa le bout de son nez sous la pluie – qui le traversait – et décida de se rendre au Hell’s Night. Il avait entendu parler de ce club quelques jours avant par des jeunes gens enthousiastes qui en vantaient les mérites à leurs amis. Grace aux nombres d’étrangers, la conversation en anglais lui avait permis de savoir que les lieux étaient « immense, simplement incroyable ! On n’a jamais vu une boîte comme ça ! On se croirait dans un film c’est trop la classe. » le tout avec de vive mouvement de mains comme pour accentuer les propos. N’étant pas difficile sur ses occupations, il n’en fallu pas plus pour attiser la curiosité du suédois qui avait alors engagé la conversation afin de savoir où c’était. Et la pluie allait l’aider. En effet, les gens pressés par l’eau et l’obscurité se hâtaient et ne prenaient pas garde au faite qu’il était transparent, ce qui lui permit d’arriver sans trop de questions devant l’immeuble rénové. Mmf, il resta à distance et avisa les lieux. C’était visiblement assez connu, des gens faisaient la queue malgré le temps pour rentrer et ça embêtait Arkady qui n’avait pas envie de perdre une partie de ses unes heures disponible à attendre. Sinon il s’amuserait quoi… une demi-heure ?

A la place, restant intangible, il fit le tour du domaine en cherchant un mur où il n’y aurait personne à coté, qui semblait lui donner vers la piste de danse, se laissant guider par la musique étouffée. Passant par derrière, il trouva son bonheur et entra dans le mur sans résistance pour atterrirent de l’autre côté. Grace à la lumière tamisée et au fait que les personnes présentes avaient mieux à faire, Arkady jugea qu’on ne l’avait pas vu venir de nul pars et redevint tangible, déboutonnant un peu sa chemise pour que sa tenue ait moins l’air guindé. Malheureusement il ne pouvait pas en changer ce qui lui donnait constamment l’air d’être un jeune homme sérieux, avec son pantalon de velours côtelé, sa chemise rouge et son veston. De fait il espérait avoir l’air plus détendu, passa sa main dans ses cheveux et regarda les lieux, émerveillé. C’était aussi bien que décrit !

Arkady observa le décor comme un gamin, s’attarda vers les danseurs, puis se dirigea de lui-même vers la piste pour profiter de la musique entraînante, essayant de se mettre dans l’ambiance et de trouver de beaux garçons partageant ses envies. Après tout, il était venu là pour ça une heure pour se sentir vivant ! Et quand il redeviendra intangible, il comptait bien visiter le reste du bâtiment.

Après avoir repéré un coin de danse fréquenté par des gens pas trop sous substances, Arkady resta là à s’amuser. Ce n’était pas un danseur d’élite mais la pratique du sport lui avait donné des appuis pour être bien camper sur ses pieds, il avait le sens du rythme et avait appris à se débrouiller à force d’aller en boîte. Tout cela était suffisant pour qu’à la lumière tamisée et dans l’ambiance, il mette le feu et se lâche, se faisant malheureusement pour lui entourer par quelques demoiselles l’ayant en ligne de mire. Néanmoins c’était pas grave, ça voulait dire qu’il était toujours attirant et que peut être un garçon finirait par se pointer. Au fur et à mesure il avait chaud à force de bouger et était décoiffé, si bien qu’il ne vit pas le temps passer et au bout d’une demi-heure son vœu se réalisa : un homme arriva vers lui. Du style grand, baraqué et sévère – peut-être un poil intimidant et pas forcément le plus canon du coin. Ne voulant pas juger un livre à sa couverture, Arkady l’accueilli avec un grand sourire en le voyant s’approcher, haussant le ton pour se faire entendre de la musique :

- Vous venez danser avec moi ?

Il reçue un air désapprobateur en réponse ainsi qu’un laconique :

- Veuillez me suivre.

Ah, peut-être que l’homme ne voulait pas danser. Ou c’était un videur qui s’éclipsait un instant de son travail pour lui parler tellement il l’avait trouvé attirant ? N’ayant rien fait de mal, Arkady ne voyait pas vraiment ce que ça pourrait être d’autre. Bon, à part être entré par un mur mais s'il l’avait vu faire, pourquoi attendre si longtemps ? Ne se décourageant pas, se disant que le type était timide, Arkady lui emboîta le pas en continuant de sourire. Il donnait sa chance même à ceux un peu moins beau que ses fantasmes, et puis un baraqué timide ça pouvait avoir son charme non ? Si timidité il y avait. A moins que ce ne soit un dominant parlant peu ? Le jeune homme tenta de refaire la conversation pendant qu’ils montaient :

- On devrait au moins s’échanger nos prénoms pour la discussion. J’m’appelle Arkady et vous ? Vous n’avez pas l’air japonais.

Cela lui valut un grognement. Le suédois se gratta la tête, gêné, se demandant où il l’emmenait :

- Vous savez, euh… je préfère discuter avant, histoire de voir le feel-

Il fut interrompu par un grognement cette fois plus parlé :

- L’patron veut vous voir.

Oh. Ca c’était un peu nul. Se taisant, Arkady regarda le décor avec curiosité. Il se demanda aussi pourquoi le patron d’une boîte de nuit voulait le voir à peine arrivé. Une fois dans le bureau, ils entrèrent. Le blondinet se sentit tout de suite impressionné, un individu assez charismatique se trouvait là et congédia le videur ou garde du corps, ce qui n’empêcha pas le jeune homme de lui lancer un : « au revoir monsieur ! » . Il fallait être poli quand même ! Et s’avança :

- Bonsoir monsieur…

« Je vous en prie, installez-vous. C’est un plaisir de vous voir ici, mais je suppose que vous savez déjà pourquoi je vous ai fait monter ? »

Arkady cligna des yeux et avisa une chaise où s’asseoir, pas vraiment dans son élément. Pourquoi l’avait on fait monter ? Très bonne question. Avait-il si bien dansé qu’on l’engagerait comme danseur ? Avait-il tapé dans l’œil du patron qui – sans vouloir le vexé – était un peu trop mûr pour être dans ses goûts et avait un sourire un peu trop flippant là. Limite le videur avait une tête sympa à côté. Ou alors on l’avait vu entrer en douce ? Peut-être qu’on avait dit au patron que les videurs ne se rappelaient pas l’avoir fait rentrer ? Il se tortilla mal à l’aise :

- Euuuhh, pas trop ?

Même en sachant pouvoir se rendre intangible, le basané dégageait un truc, une aura de force et de contrôle qui ne donnait pas envie de plaisanter alors Arkady se dit que la théorie la plus probable était qu’il soit un Sorcier l’ayant vu, ce qui expliquerait de façon plausible la situation. Et ça serait la merde. Mais s’il se gourait le blond se vendrait tout seul ! Et si c’était un humain il ne ferait pas cette tête-là devant un « fantôme », nan ?

- Je suis majeur si c’est ce que vous voulez savoir… Mais j’ai oublié ma carte d’identité…

Voilà, il tâtait le terrain avec incertitude, ne sachant pas trop dans quelle direction l’individu souhaitait partir.

Arkady n’eut pas à attendre trop longtemps pour plonger dans le vif du sujet.

« Et bien je ne sais pas si vous souhaiter faire de cette boite votre terrain de chasse, mais j’aime bien me mettre d’accord avec les vampires fréquentant mon établissement à cause du climat actuel en ville. »

Alors là, il lui servit un air incrédule. L’idée d’être pris pour un vampire ne lui avait pas traversé l’esprit mais maintenant que le propriétaire des lieux le disait, c’est vrai que certains d’entre eux possédaient des dons particuliers et que son accoutrement décalé par apport à l’ambiance festive d’une boîte de nuit pouvait peut être prêter à confusion. En fait, vu la beauté des vampires, il aurait presque pu en être flatté si le ton n’était pas aussi ferme. Il se gratta la joue nerveusement en se demandant ce que cette situation signifiait. La possibilité d’être tombé sur un autre Sorcier augmentait, vu sa tête il devait avoir plus de cent ans si c’était le cas, ce qui lui donnait l’impression d’être un ado passant devant le bureau du proviseur pour se faire remonter les bretelles. Ou alors c’était un Lycan. Ou un Hunter. Tout cela le rendait confus, il n’avait pas l’habitude d’être pris sur le fait en boîte et de devoir inventer un truc. Comme il ne répondait rien faute de trouver une réponse, son interlocuteur enchaîna :

« Le fait est que vous avez bien choisi votre moment et l’endroit pour vous introduire. La plupart sont trop défoncés pour se rendre compte de comment vous êtes entré ici. »

Ah. Là aussi c’était presque flatteur de croire que l’horaire fut calculé alors qu’en fait, Arkady comptait surtout sur la chance et l’ambiance festive, il ne savait pas vraiment que les gens seraient drogués. Ses yeux se baladèrent sur le décor témoignant d’une certaine richesse comme si une solution allait lui apparaître. Et si c’était pas un Sorcier ? Car si s’en était un il aurait pu évoquer les sorts de déphasage. Mais d’un coté si il y avait une chance pour que le blondinet soit un vampire il vendrait la race d’où le fait qu’il n’en parlait pas ? Ok. La théorie du vampire était pas mal car si c’était vraiment un Sorcier, il risquait de vouloir le tuer dans tous les cas. M’enfin, il était un jeune vampire alors.

- Et biiennnn…

Il sortit son élastique à cheveux de sa poche pour jouer machinalement avec et répondit avec un air coupable :

- Je suis juste venu m’amuser… J’ai entendu parler de votre boîte y’a quelques jours…

Oui voilà, cette direction lui semblait bien alors il reprit contenance et s’exclama :

- Des gens ont dit qu’elle était géniale et digne d’un film ! Alors je voulais voir par moi-même ! D’ailleurs, c’est vrai que c’est immense et haut de plafond, j’en ai jamais vu d’aussi grande ! Du coup…. Je suis venu.

Son esprit inventa la suite fortement inspiré de la réalité :

- Mais j’ai réalisé que euh…. J’avais oublié mes sous une fois sur place. Et j’ai eu la flemme de faire demi-tour. C’était un peu con j’avoue.

Il eut un petit rire gêné en espérant que cette version conviendrait car il lui restait pas beaucoup de temps. Il devait en finir vite, en moins de vingt-cinq minutes à peu près. Le jeune homme n’hésita pas à rajouter :

- Je vous assure que j’avais pas du tout dans l’idée de boire des gens. Je me suis nourri avant de partir.

Pour plus d’authenticité, Arcady se permit même de déclarer en rougissant :

- Je voulais peut-être draguer un p’tit peu…

Ouais, tout ça lui semblait bien. Arkady dans le rôle d’un jeune vampire trop pressé de venir qu’il en avait oublié son argent et qui ne voulait pas rentrer tout seul. Son cœur battait fort dans sa poitrine, le mensonge n’était pas sa spécialité, et les vampires non plus. Est-ce qu’il était supposé appartenir à une famille ? C’était quoi déjà les noms de famille importante ? Y’avait quelle famille en Suède ? Le blondinet réalisa qu’il n’en avait aucune idée et que dans son stress il allait avoir du mal à réfléchir là-dessus. Etait-il supposé avoir des canines pointues ? C’était quoi son rang ? Est-ce qu’on lui demanderait une compensation ? Tant de questions. Il se rassura : si ça tournait mal il pourrait toujours prendre la fuite par le mur.

Ce bureau était vraiment flippant. Arkady avait beau chercher de l’inspiration sur les murs, il avait surtout l’impression d’être tombé dans l’antre d’un Sorcier vaudou, voir même une de leur entité en personne. Papa…. Papa comment déjà ? Qu’importe. Et puis pourquoi il y avait ce feu même au moins de juin hein ! M’enfin il était censé être un vampire… Un vampire ayant la classe. Ce qui était raté pour le moment.

« Le fait est que je suis étonné de voir un Izbranov dans les parages... et encore plus sans un sou à l’entrée de mon établissement. »

Le regard du jeune homme fut happé par les orbites vides d’un masque africain qui semblait vouloir aspirer son âme. Il était foutu. Il n’avait aucune idée de qui était les Izbranov, de pourquoi le patron en déduisait qu’il appartenait à cette famille – le pouvoir peut-être ? -, et s'ils lui devaient quelques choses. De plus, dire « oui oui » risquait éventuellement de faire avoir des ennuis auxdits Izbranov si tant est qu’ils existent et le jeune homme n’avait pas envie que d’illustres inconnus aient des soucis par sa faute pour une simple bêtise.

- Et bien en faiiiit….

Arkady se força à arrêter de regarder le masque parce que ça ne l’aidait pas du tout, triturant son élastique dans ses doigts moites.

- Je suis pas vraiment un vampire…. Mais je trouvais ça plus classe que d’être un fantôme.

Se faire passer pour un fantôme était ce qu’il savait faire de mieux, et c’était peut-être la réalité, lui-même ne savait pas trop. Il haussa les épaules, plus confiant maintenant qu’il n’était pas obligé de se creuser la tête pour se demander qui était cette famille de vampire. Il fit un peu la moue, penaud :

- Mais j’étais réellement v’nu là pour m’amuser… Et j’ai pas d’sous.

Et il redevint intangible de lui-même ce qui lui permettait :

- De prouver ses dires.
- D’échapper à la chaleur.
- De se garder du temps pour s’amuser (ailleurs visiblement).
- De se préparer à se carapater si c’était un Sorcier (voir même Sorcier vaudou à ce stade) et qu’il captait que c’était une Aberration.

Flottant en position assise, on pouvait le croire toujours sur le fauteuil sauf qu’il était devenu transparent. Paradoxalement il se sentait moins mal à l’aise comme ça, avoir moins chaud aidant, se sentant pour le moment soulagé d’arrêter d’échafauder une histoire bancale. Son regard toutefois était anxieux en observant son interlocuteur et il demanda avec espoir :

- Vous êtes un Lycan ?

Il espérait vraiment que ce ne soit pas un Sorcier…

Arkady ne comprenait toujours pas dans quoi il s’était fourré. L’inconnu ne devrait-il pas avoir… une réaction ? Enfin quoi il était un fantôme, c’était pas dans les manuels, il était transparent et cela ne faisait même pas broncher le patron. Meh. D’un autre coté l’individu ne semblait pas s’émouvoir facilement car il semblait trèèèèès confiant. Bien plus que lui. Ce qui était stupide car pour le moment le blondinet ne craignait plus grand-chose. A part si il avait une arme électrique, les videurs avaient peut-être des tasers vu la situation… particulière de la boîte où il y avait même des gens drogués.

« Le fait est que si c’est le cas, je vois que vous vous êtes placé hors de ma portée donc. Jolie réussite de sort en tous cas. »

Arkady le regarda de nouveau avec des yeux tout ronds. Il allait devenir dingue ! C’était qui ce type à la fin ! Un Lycan au courant de « sort » donc par extension des Sorciers ?! Ou il travaillait avec l’Enclave ? Ou c’était un Sorcier qui jouait lui aussi à se faire passer pour une autre race, un truc que le jeune homme venait de faire ? L’incompréhension se reflétait dans son regard. Bon. Admettons que ce soit un Lycan qui bosse avec l’Enclave pour une raison euh…. Quelconque – l’enquête peut être ? – ce qui voudrait dire qu’il risquait de parler de lui à ceux ci parce qu’il avait pas payé l’entrée de la boîte. Et ça serait nul, adieu Nakanoto.

- Euh….. Non, en fait, c’est pas un sort, je suis vraiment un fantôme. Je peux pas rester tangible longtemps en fait…

Il s’attacha machinalement les cheveux histoire de lâcher définitivement son élastique.

- Alors mmh…. C’est pas la peine de les embêtés parce que j’ai pas payé et que je suis rentré, ils sont pas au courant.

Dans l’optique où c’était un Lycan, il n’était pas censé savoir pour les Aberrations et accepterait cette version des faits à moins que l’Enclave ait vraiment tout dit à ce monsieur. Arkady n’aimait pas du tout navigué dans le flou total, à jouer aux devinettes avec le patron qui, de toute évidence, était meilleur que lui à cet exercice. C’était fatiguant mentalement honnêtement et lui n’aspirait qu’à retrouver une ambiance plus joyeuse que cette pièce oppressante au décor vaudou. Il pourrait bien sûr s’en aller et couper court à tout ça mais il devait savoir si le Lycan comptait mentionner sa bévue à ses alliées.