Une soirée d'enfer [pv Tibalt]

Arkady croisait les doigts.

« Nous savons tous les deux que les fantômes ne sont que des fantasmes pour humains mon ami... pas la peine de trouver une excuse pour un usage dangereux d’un sort vis-à-vis de la bonne tenue du secret mon ami... Ce n’est pas très sérieux. »

Gneuh ? Le jeune homme s’était figé un instant avec un air un peu bête. Alors c’était un Sorcier ? Bon sang mais qu’il crache le morceau ses nerfs n’allaient pas tenir dans cette mascarade ! Il devint de fait méfiant, fixant les doigts de l’individu comme si un sort allait surgir pour le griller littéralement.

« Mais je peux consentir à garder votre secret sur cette affaire. Si vous m’expliquer pourquoi vous n’avez aucun scrupule à vous faire passer pour une chose qui n’existe pas devant un confrère et comment me prémunir de sorciers voulant faire comme vous dans l’avenir. Je n’aime pas les resquilleurs. »

A quoi bon puisqu’il était un Sorcier ? Arkady flotta de trois bonds en arrière avec un air un peu sur la défensive. En plus, le blondinet serait bien incapable de lui dire comment l’en empêcher, il ne pouvait donc pas y avoir de « contrat »… A ce propos, il fronça les sourcils : pourquoi n’allait-il pas demander à quelqu’un d’autre ? Le Suédois fit la moue :

- Je sais pas.

Quand au fait de se faire passer pour une chose qui n’existe pas… La réponse était toute trouvée :

- En plus j’ai cru que vous étiez un Lycan.

Il flottait nerveusement. Ca n’expliquait pas pourquoi il ne savait pas comment empêcher ça si c’était vraiment un sort. Il y connaissait que dalle au domaine des multidimensions et autres sorts très complexes, lui était un Métis et se contentait de deux sorts tout simples qu’il avait déjà eu du mal à contrôler. Et quand bien même, il n’était pas sur de bien aimé le patron, il ne lui faisait pas bonne impression du tout. Il était sûr que celui-ci allait de fait parler aux Sorciers, Arkady n’avait plus qu’à plier bagage. Si seulement il n’était pas tombé sur une boîte tenue par un des (ex) siens ! Cela le rendait bougons. Il râla avec rancœur :

- J’aurais préféré qu’ce soit un sort. Vous avez qu’à d’mandez aux autres Sorciers parce que moi j’étais pas doué.

La boulette. Tant pis, foutu pour foutu de toute façon autant y aller franchement. Comme le type allait surement parler d’un « resquilleur » se faisant passer pour un fantôme blond, si l’Enclave de Suède avait donné sa description ils risquaient de lui tomber sur le coin de la tronche. Et de lui dire qu’il était une Aberration. Cette soirée était vraiment pourrie ! Tout ça parce qu’il avait voulu s’amuser un peu ! Il avait bien le droit de s’amuser bordel, sa vie était déjà suffisamment merdique ! Il tira encore plus la gueule, en colère contre lui-même d’avoir choisi cet endroit, et se dirigea vers le mur donnant vers l’extérieur prêt à partir contrarié. Au moins n’aurait-il pas besoin de l’aider à se prévenir de qui que ce soit de fait.

« Je pense que vous comprenez en regardant ces images, qu’en quelques clics, la moitié des Enclaves du globe seront au courant de votre présence ici. »

Arkady qui s’apprêtait à partir en considérant que la soirée avait déjà pris une tournure plus qu’éprouvante pour ses nerfs, se retourna, ouvrit de grands yeux devant les images diffusées vers le bureau puis eu un air catastrophé. Avec une pointe de colère quand même parce que le patron était… un sale con. Tout ça lui paraissait disproportionner, il aurait pu lui demander de trouver des sous pour rembourser son entrée en boîte ou un truc du genre mais non, le voilà qui faisait du chantage ! Ce qui désemparait le blondinet qui n’avait jamais eu à faire à un chantage de cette envergure. Il serra les poings et déclara rageusement – et surtout désespérément :

- Men jag KAN inte berätta för dig hur du ska skydda dig mot intrång !

Oui, il était tellement en boule que sa langue natale avait refait surface pour lui re-dire qu’il ne savait PAS comment le prémunir des intrusions, des intrusions d’intangibles ça allait de soi. Le jeune homme avait beau réfléchir, l’envie d’aller taper sur le basané était tentante mais stupide : il n’avait pas assez de force physique et risquait à la place de se prendre un sort dans la tronche, en plus il ne savait pas comment effacer des bandes de données. Plus que jamais le patron lui apparaissait comme un Sorcier Vaudou particulièrement démoniaque. Il enchaîna avec de grands gestes :

- J’ai pas d’mandé à être comme ça, c’est un sort tous pourris qu’ils ont testés, et jag…j’ai EXPLOSE y’a huit ans ! PAF ! Il imita une explosion avec ses mains. Alors allez-y, diffusez ça sur le net !

Arkady flottait, furieux, acculé. Peut-être que l’Enclave de Suède avait étouffé l’affaire comme c’était la faute de certains de leurs membres mal intentionnés ? Ce n’était pas glorieux après tout. Il chercha à jouer le même jeu que son terrible interlocuteur :

- Mais moi je leur dirais que vous….

Euh…. Que…..


- Que vous vendez de la drogue !

On faisait ce qu’on pouvait avec les moyens du bord et c’était la seule information susceptible d’intéresser éventuellement des autorités. Néanmoins le jeune homme n’était pas sûr que sa parole ait un poids quelconque. En fait Arkady avait juste l’impression d’être un chaton menaçant un pitbull. Un chaton intangible au moins.

Arkady resta interdit lorsque, loin d’être impressionné, son interlocuteur fut visiblement directement pris d’un rire devant sa tentative de crédibilité. En même temps il est vrai que le blondinet n’avait pas l’habitude de menacer des gens alors forcément, le chantage n’entrait pas dans ses capacités et il n’en n’avait pas envie.

« Je vois que vous avez de l’humour ! Mais ce serait vain. Tout le monde sait ce qu’on trouve dans une discothèque. En revanche je crois qu’on a beaucoup plus en commun que ce que vous pensez... »

Alors personne ne s’en souciait qu’il vende de la drogue ? Le jeune homme ouvrit des yeux encore plus ronds en voyant l’apparence du patron changer. On passait du « Sorcier Vaudou » à la représentation du Diable ce qui… n’était pas forcément une nouvelle des plus réjouissantes. Il resta là à bugger en se demandant s’il devait s’enfuir le plus loin possible de cette salle. Entre le décor, les flammes et le propriétaire, c’était un peu trop là pour lui. Il capta à peine qu’on lui proposait un cigare, répondant machinalement :

- Euh… Non je ne fume….pas.

Non mais un démon, sérieusement… Oui durant un instant il avait oublié être lui-même un être bizarre. Il cligna des yeux, tâchant de se ressaisir :

- Mais… C’était censé être un sort de quoi ?

Pensant que seul un sort loupé involontairement pouvait engendrer un être bizarre – il ne lui viendrait pas à l’esprit que des Sorciers le fassent exprès – Arkady ne voyait pas ce que le sort était supposé faire de base. Rendre rouge avec une queue ? Il s’expliqua :

- Parce que j’étais un Métis de base, et le sort était censé être temporaire et pas faire PAF, mais j’vois pas trop lequel c’était pour vous….

Et honnêtement, là tout de suite, l’idée de se carapater était absolument tentante. Parce que, ok, un sort avait peut-être foiré chez lui aussi quoi qu’il soit, mais ça ne justifiait pas qu’il se comporte comme un sale con à faire du chantage à tout bout de champ en trempant dans l’illégalité, lui gâchant la soirée au passage. Arkady n’était pas sur s’il devait se sentir moins seul ou pas d’avoir trouvé quelqu’un comme lui. En fait, vu le caractère du patron, le blondinet n’avait pas l’impression qu’il puisse s’en faire un ami, soyons honnête. Il se passa la main dans ses cheveux, oubliant qu’il les avait attaché, et remis son élastique en place de fait.

- Bon, sinon, moi j’vais y aller hein…

Le jeune homme n’avait pas du tout l’intention de discuter du pourquoi du comment il s’était retrouvé à Nakanoto, même si la raison était toute simple, avec un être démoniaque d’apparence et surtout de mentalité – Arkady n’était pas si naïf, un type capable de faire du chantage n’était pas la meilleure des fréquentations quand on cherchait plutôt un pote fiable. Il tenta à nouveau d’aller passer par le mur en espérant que le patron ne resserve pas son coup des vidéos…

Décidément, Arkady en apprenait des choses aujourd’hui, le patron était né ! Né comme ça par – littéralement – magie grâce à plusieurs Sorciers. Par contre il ne voyait toujours pas quel était le but de créer un être ressemblant à un démon. Faire peur aux gens en l’utilisant comme… épouvantail vivant ? Erf, vraiment, le jeune homme était loin d’avoir leurs schémas de pensées bizarres.

« Vous fuyez encore ? A vous voir, rien d’étonnant, vous êtes fait pour ça. […] »

Ah non, ça c’était vexant ! Le blondinet fit une petite moue et arrêta son geste, se retournant. Ceci dit le rouge-basané n’avait pas tort, il n’avait jamais croisé un autre… « être non classifiable » que lui et hanter un lieu lui semblait une vie bien solitaire et dénué de sens. Et si son état n’était pas irréversible ? Non, il n’aimait pas se raccrocher à cet espoir qui lui avait déjà traversé l’esprit et rongé des années durant. Peut-être que justement, puisque c’était des Sorciers qui avaient fait cela, seul des Sorciers pourraient trouver une solution en se penchant sur le problème. Quelle autre race maîtrisait autant la magie ? Et quel avenir l’attendait en redevenant comme avant ? On risquait peut-être de vouloir le faire taire.

A la mention d’avoir un chez soi, Arkady sentit son nez le piquer. Il aimerait bien c’est vrai avoir un endroit où aller, des gens aux courants pour sa condition que ça ne gênerait pas, de l’argent à poser dans un coin qu’il pourrait aller dépenser pour s’offrir un resto ou offrir quelque chose à quelqu’un…  Son regard embué se reposa sur le masque africain aux orbites vides, ce qui le fit se ressaisir bien vite. L’endroit était tout sauf chaleureux – et c’est pas faute d’avoir une cheminée en fonctionnement – tout comme son propriétaire. Le blondinet se voyait mal aller lui faire un câlin quand ça n’allait pas ou lui raconter ses malheurs en pleurant sur son épaule. La preuve, celui-ci accusait les humains de ses propres activités ! Hého, Arkady ne se sentait pas plus valoir que son père ou sa mère, ce n’était pas très… sympathique de voir les choses comme ça. En fait il se sentait même moins valoir… Quel boulet se faisait naïvement mené en bateau pour devenir un cobaye ?

« Vous pouvez partir. Je ne vois pas encore comment vous arrêter pour l'instant de toute façon, mais si vous avez dans le désir d’arrêter d'être rejeter pour le simple fait d'être ce que vous êtes et qui vous êtes, vous pouvez rester ou revenir. Si vous cherchez à retrouver ceux qui vous ont fait ça... tout est négociable dans la vie... »

Les retrouver… C’est vrai que eux auraient peut-être la solution puisqu’ils avaient créé le problème ! Ou une solution pour le tuer. A voir. Quand au long terme, Arkady ne savait pas dans quel mesure il devait voir « loin », ne sachant même pas son espérance de vie et ne souhaitant pas y penser. A la fin de toute cette conversation, le blondinet s’interrogeait toujours sur le nom du patron qu’il ne connaissait pas, venant de découvrir les lieux, et surtout fit la moue en réalisant que le seul type à qui il avait dit son prénom était le videur, le propriétaire ne s’en souciant pas. Il hésita un instant :

- J’y réfléchirais…

Pour sûr il allait faire le tour de la question ! Le Suédois n’avait évidemment pas envie de vivre sous le même toit qu’un type faisant du chantage, accusant les humains de ses activités et se sentant visiblement supérieur à deux races - au moins les humains et sorciers - mais d’un autre coté…. Pouvait-il vraiment se permettre de faire le difficile alors que c’était la première proposition de lieu « stable » qu’on lui faisait ?

- Euh… Et bien… Bonsoir.

Il franchit cette fois le mûr, se laissant flotter jusqu’au sol, heureusement qu’on ne le vit pas, avant de s’engouffrer dans les rues, la tête pleine de questions sur ce qui venait de se passer.