Run and Jump ! (25/05/2018)

12h53. Je remettais mon téléphone dans sa poche avant d’écraser mon mégot de cigarette. Ce dernier allait très vite finir dans le cendrier portable que j’avais dans mon autre poche. Il était bientôt l’heure. Le gamin n’allait surement pas tarder.

Je me posais contre le mur, le temps d’attendre. Je me souvenais rapidement de la rencontre avec le gamin qui s’était faite non loin d’ici, alors que nous allions tous les deux dans la piscine. On avait sympathisé, discuté et il m’avait demandé pour faire du parkour. Franchement… Moi ? Prof ? C’était pas la meilleure idée. Mais il m’avait montré qu’il avait de l’endurance. Donc, au final, pourquoi pas ?

On s’était revu deux fois à l’Arcadénium entre-temps. Il avait eu la chance de m’y trouver, je devrais dire. Parce qu’avec mon entrée chez les Chevaliers, mon emploi du temps était un peu surchargé. Mais ça ne m’empêchait pas de trouver du temps pour moi, ma boutique ou mon entourage. Il fallait juste parfois bien jongler. Et l’avantage d’être un lycan, c’est que je pouvais parcourir la ville en quelques secondes en passant par les toits.

Alors que je tournais la tête, j’aperçus au loin la touffe de cheveux blond du canadien. Il avançait joyeusement vers moi, sans pour autant courir. Il avait bien raison. S’il voulait tenir la distance avec moi, il fallait qu’il se réserve pour le feu de l’action. Enfin… c’était pas pour tout de suite. Les bases, Daisu ! Les bases ! Ne va pas déjà le paumer alors qu’il commence tout juste !

Il finit par arriver devant moi. Je lui adressais un grand sourire avant de le saluer.

Daisu ▬ « Yo, Arcand-kun ! Prêt pour cette séance ? »

Bien sûr qu’il était prêt ! Ça s’voyait à sa tête ! Il était même un peu excité. Tant mieux, on allait se défouler ! Ça va nous faire un bien fou !

Daisu ▬ « Franchement, tu vas voir, c’est cool ! En plus, le complexe est vraiment grand et bien équipé. Même pour du parkour. Il y aura moyen de bien commencer sans trop se prendre la tête ! Suis-moi ! »

Je lui fis signe de me suivre. La zone de parkour se trouvait au prochain croisement. J’avais pas fait ça pour l’impressionner ou quoique ce soit. On aurait même pu nous retrouver là-bas. Mais bon, voilà… J’vais quand même pas me prendre la tête pour ce genre de détail, bon sang !

Daisu ▬ « Et voilà ! C’est ici que tu vas débuter ! Il y a tout le nécessaire : rampes, escaliers, murs, tremplin, barres, matelas… Bref ! ‘Y a de quoi faire. »

Aujourd’hui est un grand jour : je vais prendre mon premier cours de parkour avec Kûdo-kun.
Il est grand temps que je quitte ma chambre pour le rejoindre d’ailleurs. Il est presque 12h30, et nous avons rendez-vous à 13h au complexe sportif. Là où l’on s’est rencontré la première fois d’ailleurs.
Et pour une rencontre, c’était une rencontre percutante ! Je me souviens que mon bon jack m’est rentré dedans et a réussi à nous éviter une chute en nous maintenant en équilibre. Cela m’avait déjà beaucoup impressionné. Ensuite, il m’avait encore rendu une fière chandelle, en m’aidant à trouver tout ce qu’il me fallait pour pouvoir aller à la piscine. En y repensant, je ne suis pas certain qu’il ait vraiment pris au sérieux ma demande pour faire un dessin de lui ... pourtant il est diablement beau ! Tellement que rien que de l’observer torse nu, me déconcentre et me faire perdre le fils de mes pensées.
Depuis on s’est revu dans son magasin d’arcade. C’est sympa comme endroit, et même si je ne suis pas très porté sur les jeux vidéo, rien que pour l’ambiance j’y retournerai avec plaisir. Pourquoi pas, la prochaine fois en faire un dessin à lui offrir, ça pourrait rendre très bien !
J’apprécie de connaître un peu mieux la ville, et de ne plus avoir besoin de ce satané plan pour me déplacer. Le chemin pour aller au complexe sportif n’en est que plus simple et agréable. Je connais même un raccourci maintenant, ce qui me permet de rejoindre notre point de rendez-vous, avec un peu d’avance. J’avance tranquillement vers mon divin jack, pas besoin de me presser. En plus je devine que cet entrainement va me laisser sur les genoux.
Une fois près de lui, Kûdo-kun m’adresse un grand sourire que je lui rends avec plaisir. J’adore son sourire.

« Yo, Arcand-kun ! Prêt pour cette séance ?
Salut Kûdo-kun. Oui je crois. En tout cas j’ai hâte de commencer ! »

Il semble ravi de mon enthousiasme. Il faut dire que je cache très mal le fait que je suis hyper excité de commencer et d’apprendre. Ce qui est agréable en plus, c’est que mon bon jack semble avoir tout autant envie que moi de démarrer cette première séance.

« Franchement, tu vas voir, c’est cool ! En plus, le complexe est vraiment grand et bien équipé. Même pour du parkour. Il y aura moyen de bien commencer sans trop se prendre la tête ! Suis-moi ! »

C’est génial comme nouvelle ! J’aurai tout sur place, sans avoir besoin de réfléchir à où aller pour m’entrainer entre deux sessions avec Kûdo-kun ! Je le suis donc sans me faire prier, me forçant tout de même à regarder au loin ou son dos mais pas son fessier musclé ... trop tard je l’ai fait. Focus sur l’entrainement, si tu commences comme ça, tu vas être une tomate et sans la moindre explication !
On tourne au croisement suivant et là je vois le terrain qui s’offre à moi ... j’en reste sans voix. Des murs, des rampes, des escaliers, des bancs, des barres partout. Y’a même des tremplins ! A différents niveaux, différentes hauteurs, ce qui laisse tellement de possibilité pour varier les chemins et les exercices ! Je n’en reviens pas de tout ce qu’il peut y avoir de prévu ici pour ce sport ! Je ne sais pas plus où regarder !

« Et voilà ! C’est ici que tu vas débuter ! Il y a tout le nécessaire : rampes, escaliers, murs, tremplins, barres, matelas ... Bref ! Y’a de quoi faire. »

Je ne saurais même pas par où commencer avec tout ce qu’il y a ... Est-ce que je vais y arriver ? Est-ce que j’aurai assez d’endurance pour suivre le rythme ? Est-ce que je vais être à la hauteur de mon bon jack ? Parce que clairement lui, il est taillé pour ce type de sport, moi pas forcément. Et si je n’y arrivais pas ... est-ce que j’aurai encore un prétexte valable pour le revoir ?

« Je ne sais même pas par où commencer ... Kûdo-kun, tu peux me faire une démonstration s’il te plait ? Je n’ai aucune idée de ce qu’on peut faire dans cet environnement. Même si je sais que je ne pourrai pas le faire dans un premier temps. »

Je vais probablement me faire mal, mais il faut savoir se faire mal pour progresser. Et avec Kûdo-kun, je crois que je suis prêt à tout ... ou presque.

Clairement, il avait des étoiles plein les yeux. Il avait l’air quand même motivé et c’était pas plus mal. Il prend le temps de regarder partout avant d’être un peu perdu par l’endroit. Vrai, ça. Par où il allait commencer ? En vrai, il fallait pas être devin : Des exercices simples pour se mettre en forme et se préparer par la suite. Après tout, il fallait voir comment il se débrouillait de base. Tiens, il savait faire des pompes ? Faudra vérifier ça aussi.

Il me demanda de faire une démonstration. Je haussai un sourcil avant de sourire à pleine dents. Bien essayé ! Mais je n’allais pas faire l’étalage de mon agilité maintenant. À la place, je lui montrai un petit escalier où on allait pouvoir commencer les exercices.

Daisu ▬ « Bien, on va commencer par voir un peu ton jeu de jambes. Il s’agit de stes. Tu en as déjà fait ? Il suffit de monter et de descendre la première marche, un pied à la fois. Je veux juste voir si tu peux tenir un bon rythme. »

Je commençais doucement en montant la première marche, Pied droit, pied gauche, avant de descendre, toujours le droit avant le gauche. C’était tranquille, comme si je montais simplement un escalier. Arcand-kun m’emboita le pas et commença à m’imiter. Une fois synchro, j’augmentai tout doucement le rythme jusqu’au moment où il ne put plus me suivre. C’était déjà pas mal, pour un p’tit humain. Nul doute que moi, j’avais un avantage certain en étant lycan.

Daisu ▬ « Allez, récupère ton souffle avant qu’on enchaine sur les pompes. En parkour, on a autant besoin d’un des bras que des jambes. Donc, c’est encore une fois pour vérifier jusqu’où tu peux aller. »

Je me mis en position au sol et j’attendis qu’il me rejoigne. Encore une fois, nous commencions doucement avant d’accélérer jusqu’au moment où le blondinet lâche. Décidément, il se défendait vraiment bien, le p’tit jeune ! J’avais vraiment pas d’inquiétude à faire pour la suite.

Je m’assis quelques instants avant de sortir une bouteille d’eau. Je bus une gorgée rapidement avant de tendre la bouteille à Arcand-kun. Il avait bien mérité de récupérer un peu avant d’attaquer la suite, le premier véritable exercice de parkour : Sauter par-dessus un banc. Avant d’attaquer un muret un peu plus grand.

Daisu ▬ « Ça promet d’être vraiment intéressant ! Tu ne trouves pas ? »

J’affichais un nouveau grand sourire avant de reprendre ma bouteille pour une dernière gorgée avant la fin de la pause.

Dommage pour moi, mon bon jack a vu où je voulais en venir. Je ne pourrai donc pas l’observer à loisir le temps d’une démonstration. Une prochaine fois peut-être ... en tout cas je l’espère. Il préfère me proposer un exercice plus simple, probablement une des bases.
On va donc près de l’escalier qu’il m’a désigné. Il m’explique alors que nous allons commencer par faire des steps, et heureusement qu’il m’explique ce que c’est parce que je n’aurai pas su répondre à sa question d’un prime abord. De mémoire j’ai dû en faire un peu, pour l’échauffement au hockey, mais probablement ni au même rythme ni même niveau que ce que l’on va faire ici. Voir si je peux tenir un bon rythme ? L’autre jour à la piscine ce n’était pas déjà une preuve ?
Et bien j’ai l’impression que mon bon jack désire me pousser dans mes retranchements. Ce n’est pas forcément mal, il faut toujours savoir repousser ses limites, pourtant je crois que ce n’est pas uniquement dans cet objectif. Mon bon jack est en bien meilleure forme physique que je ne peux l’être, même si je me défends correctement. Est-ce qu’il ne chercherait pas plutôt à tester mes limites pour adapter les siennes ?

Du regard je regarde ses gestes, puis je commence à l’imiter. Je monte d’abord le pied droit puis le gauche. Je descends pied droit, pied gauche. Au début je pense beaucoup à l’ordre d’avancement des mes pieds, puis doucement je me cale sur son rythme. Il n’est pas particulièrement rapide, mais je pense que c’est à partir de maintenant que va venir la véritable difficulté. Et c’est exactement ce qui se passe ! Kûdo-kun augmente le rythme de ses pas, certes doucement, cependant le résultat reste inchangé, nous restons synchronisés et continuons de monter cet escalier imaginaire sans début ni fin.
Durant un moment je réussi à le suivre, malgré les augmentations de rythme réguliers, bien que parfois je repense à l’ordre de mes pieds, pied droit puis gauche. Néanmoins, il arrive un moment où même si mentalement je voudrais suivre ... je dois bien me rendre à l’évidence, mes jambes et ma respiration m’intiment l’ordre muet de ralentir et de souffler quelques instants. Kûdo-kun l’a vu, lui aussi, et vu son sourire il semble satisfait du rythme tenu.

Je souffle un peu, et l’écoute m’annoncer qu’après les steps pour travailler les jambes, on va travailler les bras avec les pompes. Plus on avance, plus je me dis que j’ai bien fait de ne pas me presser pour venir à notre rendez-vous. J’aurai perdu de l’énergie bêtement alors que, clairement, il m’en faut encore beaucoup.
Comme s’il n’était en rien fatigué par le précédant exercice, mon divin jack se met en position pour commencer les pompes. Je le rejoins rapidement, ce n’est pas la peine de perdre plus de temps à retrouver mon souffle, l’air ayant déjà bien retrouver mes poumons. En position à mon tour, je me calque comme avant sur son rythme. Encore une fois, celui-ci va crescendo puisque le but est d’observer si je peux tenir la distance ... ou pas. Et une nouvelle fois, c’est moi qui craque en premier, incapable de relever mon poids et restant à terre pour le moment. Jamais je n’avais fait autant de pompes, à un rythme aussi soutenu qu’aujourd’hui.

Du coin de l’œil, je regarde la réaction de mon bon jack, son sourire est toujours là. Je lui souris à mon tour. Je préfère supposer que c’est de bon augure et qu’il est content du rythme que je peux tenir. Du moins, que je pourrai tenir, présentement il me faut une pause. Heureusement pour moi, mon bon jack décide d’en faire une aussi.
Il s’assoit et boit un peu d’eau dans une bouteille. J’en profite pour me redresser et m’assoir à mon tour, juste avant qu’il ne me tende la bouteille. D’un hochement de tête je le remercie, avant d’avaler avec plaisir un peu d’eau, et de lui rendre sa bouteille.

« Ca promet d’être vraiment intéressant ! Tu ne trouves pas ?
Si, j’ai hâte d’apprendre et de te ressembler Kûdo-kun. »

Ma langue a fourché. Par contre mon bon jack ne semble pas y avoir prêté attention, j’ai eu de la luck cette fois ! Il affiche un grand sourire avant de boire encore une gorgée et de ranger sa bouteille. Ce geste marque la fin de la pause, puisqu’il m’emmène devant un banc, derrière lequel se trouve un muret légèrement plus haut.
Devant, il m’explique que l’on va faire un premier vrai exercice de parkour, à savoir sauter par-dessus le banc puis monter le muret pour passer ces deux obstacles. Il va donc falloir un peu de vitesse, mais aussi de la réaction et de la force. Cette fois, pourtant, j’ai le plaisir de voir mon divin jack en action.
Son élan, court mais amplement suffisant, lui permet de sauter avec grâce et agilité au-dessus du banc. On dirait qu’il n’y a qu’un seul et unique mouvement tellement son passage du muret derrière se fait en fluidité. J’en reste bouché bée à vrai dire, réalisant surement au fond de moi qu’arriver à ce niveau va me prendre un temps considérable. Cet exercice est clairement une formalité pour Kûdo-kun. Il me fait signe d’essayer à mon tour.

Bien qu’appréhendant un peu, je me mets devant l’obstacle à passer, puis je m’élance.
Mon élan n’est pas assez grand, et mon torse rencontre alors avec violence le bord du banc, ce qui me coupe momentanément le souffle. J’aurai un magnifique bleu demain ... premier d’une collection je pense. Je me redresse doucement, prenant sur moi pour ignorer la douleur provenant de mon torse. Ce n’est pas la première fois que je tombe et me fais très mal, ça ne sera pas la dernière non plus. Le plus rageant dans cette chute, c’est que je suis pris le pied dans le banc. Sinon je suis persuadé que je serai passé. Quelques secondes s’écoulent, le temps que je retrouve suffisamment de souffle et de contrôle pour recommencer.

Je m’éloigne à nouveau du banc, et surtout je m’assure d’avoir un peu plus d’élan pour ne pas faire la même erreur. Une nouvelle fois je m’élance.
Cette fois je passe le banc, sauf que je rencontre le mur. Et cette fois je n’arrive tout simplement pas à sauter le muret. Manque d’élan encore une fois. Ce n’est pas grave, je recommence. Je ne vais pas laisser un banc et un muret gagner quand même !

Nouvel élan, nouvelle course.
Cette fois tout se passe bien. Je me tourne vers Kûdo-kun en souriant largement. Je sais qu’il me reste du chemin à parcourir pour pouvoir m’amuser pleinement et pourquoi pas déambuler à travers la ville aux côtés de mon bon jack. Une chose est certaine, quelque soit les difficultés et les gadins que je vais devoir me prendre en pleine tête, je les affronterai !

« On fait quoi ensuite ? »

Une fois la pause finie, je m’levais pour la suite des exercices. Au moins, j’avais une meilleure idée de ce qu’il était capable de faire et de suivre. Il avait l’air motivé. Ça serait con qu’il abandonne juste parce que les exercices étaient… impossibles pour lui. C’est bien là, le problème. Moi, j’ai une excellente forme physique. Je suis capable de déplacer une voiture sans problèmes. Je sais bien qu’on l’dirait pas ainsi. Mais la force surhumaine, elle est bien là.

Je jetais un coup d’œil aux alentours. Par quoi on pouvait bien commencer. Ah ? Tiens ! Voilà une bonne idée. Il y avait un banc, suivi d’un muret. Rien de bien méchants, en soi. C’était un peu comme du 400 mètres haies. Il suffisait de sauter par-dessus deux fois d’affiler. Cette fois-ci, je lui montrais d’abord ce que j’attendais de lui. Je me plaçais à bonne distance avant de me mettre à courir. Pas un sprint, le but n’était pas de cracher un poumon à la fin de la journée. Non, en parkour, il fallait gérer la vitesse et les enchainements de mouvements. Tous les enchainements, au final, ne devait qu’un seul mouvement fluide. Un peu comme en gymnastique ou en patinage, pour comparer.

Je me lançais cette fois-ci, d’un bond, j’enjambais le banc en largeur, atterrissant sur mon pied et déjà prêt à rebondir. Deuxième saut et le muret était derrière moi.

Daisu ▬ « A toi, Arcand-kun ! »

Je me plaçais sur le côté pour observer chacun de ses mouvements. Il commença à courir. Hum, trop vite ! Quand il essaya de passer par-dessus le banc, son pied droit se prit dans l’obstacle. Et un blondinet étalé de tout son long sur le sol, un ! Ça avait dû faire mal.

Daisu ▬ « Tu as voulu aller trop vite. Ce n’est pas une course de vitesse. Il vaut mieux commencer lentement. Une fois que tu auras bien les enchainements en tête, tu pourras tout doucement accélérer afin de fluidifier tes gestes. »

Il me regarda rapidement avant de m’adresser un signe de tête. Il reprit sa place pour recommencer. Cette fois-ci, il ne fit qu’une bouchée du banc. Mais une fois de l’autre côté, je pus voir dans son regard un moment d’hésitation qui fut fatal. Ses abdos fient donc connaissance avec le muret. Des présentations dont le canadien se serait surement bien passé.

Daisu ▬ « Tu as hésité. Dans un enchainement, ça peut être fatal. Tu dois prévoir ce que tu vas faire par la suite. Ici, tu as deux obstacles proches, tu dois donc avoir en tête qu’il va falloir faire deux sauts consécutifs. »

La troisième fut la bonne. Nathan se tourna vers moi avec un grand sourire, fier de lui. Cette réussite l’avait reboosté et il était près pour la suite. Bon, autant continuer avec les sauts pour le moment. On allait donc prendre les deux mêmes obstacles pour commencer. Mais le parcours continuerait avec un autre muret qui se trouvait plus loin. Celui-là était bien plus haut. Si bien qu’il fallait prendre appui avec ses mains pour réussir à le franchir.

Daisu ▬ « Suis-moi, je vais te montrer. »

Je me plaçais devant le banc, que je passais avant de sauter par-dessus le muret. Puis, je bifurquais directement à droite, et je me dirigeais vers le dernier obstacle. Je pris mon élan à pieds joints et pris appui sur le haut du mur avec mes mains pour passer au-dessus sans problèmes.

Daisu ▬ « Et voilà ! Quand tu te sens prêt, tu te lances ! »

Les conseils de mon bon jack sont précieux pour que je puisse progresser correctement. Je retiens donc, à l’issu de ce premier exercice, qu’il ne faut pas que je réfléchisse à comment passer l’obstacle quand je suis dessus mais avant d’y être. Que je ne dois pas hésiter aussi, ici on peut dire que ça va, hormis tomber de la hauteur et me faire des bleus, je ne risque pas grand-chose. Mais en haut d’un toit, la donne n’est pas la même ...

Kûdo-kun me fait signe de le suivre et de le regarder attentivement. Dans un premier temps, il repasse les mêmes obstacles que l’on vient de faire. Il est toujours aussi gracieux et ses gestes sont fluides comme de l’eau. C’est beau de le voir progresser ainsi ... aussi beau que lui. Je rougis en pensant ça, j’espère que cela va passer inaperçu, comme tout à l’heure lorsque ma langue a fourché. Difficile d’avouer à mon divin jack que je rêve de lui quand même ... il risquerait de mal le prendre. Même si en soit, mes rêves de lui sont tout à fait innocent à l’heure actuelle.
Je reporte mon attention sur lui, et constate que mon vagabondage mental m’a peut-être fait louper quelque chose. En effet, je le vois se hisser à l’aide de ses mains sur le haut d’un mur un peu plus loin. J’ignore ce qui est le plus frustrant, avoir loupé une étape par inattention ou constater avec quelle facilité Kûdo-kun y arrive. Mon regard passe du muret, à l’espace le séparant du mur, au mur et enfin à mon bon jack sur le dessus. Comment diable vais-je bien pouvoir passer cette étape ?

« Et voilà ! Quand tu te sens prêt, tu te lances ! »

Quand je me sens prêt ... là présentement, absolument jamais.

Il faut que j’analyse le parcours, anticiper les obstacles comme Kûdo-kun me l’a dit tout à l’heure. Le banc et le muret je sais comment les passer, j’ai déjà réussi à le faire et je peux parfaitement recommencer. Cependant le mur ... j’étais trop dans mes pensées pour suivre le mouvement précédant celui pour se hisser en haut. Comment je vais faire ? Improviser est ma seule solution et je vais essayer jusqu’à y arriver. Je ne suis pas en sucre, je peux le faire.
Peu sûr de moi, je me replace au même endroit que précédemment pour passer au-dessus du banc puis du muret. J’expire longuement, puis inspire profondément avant de me lancer. Réflexion, anticipation, réaction. Voilà les trois seuls mots importants pour y arriver. Je prends mon élan vers le banc et je sens le regard attentif de mon bon jack sur moi ... je me prends les pieds dans le banc une nouvelle fois et mon visage heurte le muret.
Momentanément sonné, je reste un peu à terre. Le goût du sang m’arrive en bouche, par réflexe je passe ma main gauche sur mon visage et constate que je me suis ouvert la lèvre inférieure ainsi que je saigne un peu du nez. Rien de bien grave donc, même si la sensation que ma lèvre enfle et désenfle n’est pas spécialement agréable. Je me relève doucement, dos à mon bon jack, secoue un peu la tête pour me remettre les idées en place. J’appuie un peu sur ma narine et penche la tête en arrière quelques instants, pour qu’elle cesse de saigner. Je ne dois pas me déconcentrer juste parce que Kûdo-kun me regarde, sinon je ne vais jamais y arriver. D’ailleurs, autant le rassurer avant de refaire une tentative.

« Tout va bien Kûdo-kun, rien de grave. Je réessaye. »

Je retourne donc à ma place initiale. Machinalement le lèche ma lèvre blessée, avant d’expirer à nouveau et d’inspirer. Même si je sens que le regard de mon bon jack à légèrement changé, je m’oblige à ne pas y prêter trop d’attention. Une nouvelle fois, je m’élance mais à la différence de ma tentative ratée je m’efforce de ne pas penser au regard de Kûdo-kun sur moi. Je passe le banc sans problème, puis le muret dans la même foulé, sans me rétamer. J’arrive rapidement devant le mur et je saute en prenant mon élan sur un pied, comme certains basketteurs pros. Sauf que manifestement ce n’est pas suffisant. Étant légèrement plus petit en taille que mon bon jack, mes doigts n’atteignent même pas le haut du mur. Au pied de l’obstacle, je me rends compte de sa hauteur et de la difficulté que je vais avoir à le passer. Pourtant rien est impossible !
Je retourne au point de départ, et je recommence une nouvelle fois. Le banc et le muret passés, j’attaque une nouvelle fois le mur, mais avec un saut à pied joint cette fois. Je me rapproche probablement de la solution puisque mes doigts touchent le haut du mur, mais n’ont pas assez de prise pour me permettre de me hisser. Bon ... il me faut donc plus d’élan, pour gagner de la hauteur. Je fais donc demi-tour et me repositionne pour faire un nouvel essai. Je ne laisserai pas le dernier mot à un mur !

Expiration, inspiration et je repars. Les deux premiers obstacles passés, je m’efforce de prendre plus d’élan dans mon saut. Cette fois-ci, j’arrive à atteindre le haut du mur et à m’y agripper quelques secondes, avant de devoir lâcher n’arrivant pas à me hisser. Frustré, je fais demi-tour et recommence directement sans temps mort. A quoi bon en prendre un, puisque j’y suis presque, il ne me manquait pas grand-chose cette fois pour le monter. A peine le temps de penser « Mississipi », que je me retrouve à nouveau devant le mur. Avec l’élan que j’ai, je devrais pouvoir le passer cette fois. Mes mains s’agrippent fermement sur le haut du mur, après mon saut, et en tirant sur mes bras et en appuyant sur mes pieds contre ce satané mur, je me hisse en haut.
C’est tellement moins classieux que Kûdo-kun, je suis sûr de ressembler à un crapaud sur une boîte d’allumette pour le coup. Malgré tout je souris. Je suis en haut ! J’ai rejoint mon bon jack ! Je ne fais pas pour autant le fier, parce que j’ai conscience de m’y être assez mal pris. Il faudra que je retravaille cet enchainement à l’avenir, pour qu’un jour je montre à Kûdo-kun que je peux le faire avec fluidité.

« Désolé, j’ai encore des progrès à faire Kûdo-kun et j’ai aussi manqué d’attention tout à l’heure. Ca ne se reproduira plus. Je comprends mieux ce que tu voulais dire que l’hésitation, ou le manque d’attention, ne pardonnait pas en parkour. Au moins, j’ai retenu la leçon. »

Après plusieurs essais, le p’tit Nathan avait enfin fini par se hisser en haut et me rejoindre. C’était pas encore ça mais c’était un bon début. Mais franchement, il y avait moyen d’en faire un bon p’tit singe, surement. Je ne saurais pas sire s’il était doué ou pas. Mais il se débrouillait bien. Et il avait la volonté d’y parvenir.

Puisqu’il avait compris le truc, je lui demandai de refaire l’exercice plusieurs fois, histoire de s’habituer à l’enchainement. Ce n’était pas rendre le tout automatique, mais pour qu’il puisse améliorer ses enchainements, tout simplement. Cette fois-ci, je l’accompagnais en même temps. Juste histoire de ne pas rester assis pendant tout ce temps.

Pendant deux heures, on enchaina un mélange de nouveaux trajets et d’exercices déjà faits. D’un côté pour lui apprendre plus de mouvements. De l’autre pour enfoncer un peu le clou. C’est en sueur que nous finîmes par nous assoir dans l’herbe, afin de se reposer un peu. Il pouvait être fière de lui. On prit aussi le temps de se réhydrater avant qu’une idée me passe par la tête.

Daisu ▬ « Ça te dirait une glace ? Après tant d’efforts, un peu de sucre nous ferait du bien ! »

Je me remis sur les pieds, d’un bon, avant de lui tendre la main pour l’aider à se relever. Nous quittâmes ensuite le terrain de parkour en marchant pour se rendre vers l’un des services de restauration rapide du complexe. Il y en avait quelques-uns pour permettre aux sportifs de se reposer un peu et de manger.

Une fois à l’intérieur, je me dirigeai vers le comptoir pour demander deux glaces. Une au chocolat pour moi et je laissais Nathan choisir son parfum. Une fois les cornets servis, nous nous dirigeâmes vers une table pour nous installer. Posé, avec une glace fraiche, c’était mieux pour récupérer.

Daisu ▬ « Alors ? Cette première séance ? Ce n’est pas simple, hein ? Mais bon, aucun sport n’est simple au début. On apprend pas non plus à nager ou à dribbler en claquant des doigts. Il faut de l’entrainement et de la persévérance !

Sinon, pour changer de sujet. Tu as déjà commencé les cours ? Tu es venu ici en Erasmus, il me semble. Ça va ? Ça ne te dépayse pas trop du grand nord qu’est le Canada ? »

Je lui offris un sourire avant de tirer la langue et lécher une première fois ma glace. Elle faisait un bien fou. Cette journée faisait un bien fou.