Aux gris qui soufflent les cris [pv Ôkamiro] [6 juin 2018]

Son guide avait beau dire qu'il la comprenait, Anja pensait toujours qu'il disait plus cela par politesse. Peut-être était-ce dû à son ton morne... ou barbant. Et en plus, il avait entendu sa question déplacée. Elle rosit, et renfonça un peu sa tête dans ses épaules, alors que sa canne continuait à battre la mesure devant eux. Oui, elle avait pu le toucher. Sa main, et une griffe. Peut-être un bout de bras. Mais il avait Plus de quatre-vingt ans, bon sang. Il était évident que malgré ce qu'elle touchait, elle ne pouvait pas en faire une généralité sans offrir à son imagination le soin de courir au devant.

De plus, la réponse était intéressante. Transformé à 22 ans, elle était curieuse sur la manière. Il faut dire, vu sa description de la manière... Les idées qu'elle pouvait s'en faire n'étaient que peu ragoutantes. Et même effrayantes pour la plupart. Mais par politesse et respect, elle n'allait pas se laisser aller sur un tel sujet. Devenaient-ils complètement immortels, d'un point de vue âge, à partir du moment où ils étaient... changés ?

Elle secoua la tête pour chasser ces pensées de sa tête, elle se perdait trop dans ce monde nouveau dont elle ne parvenait pas à percevoir les contours. Elle y croyait -elle y avait cru avant après tout-, mais quant à le comprendre. Elle ne l'aurait jamais affirmé. Et alors que le silence n'était marqué que du pas claudicant d'une part, et assumé de l'autre, la dernière question, et réponse vinrent.

- Vous m'avez juste sauvé sûrement la vie. Ce n'est pas grand chose, c'est vrai.

Anja secoua la tête en pinçant les lèvres, reprenant.

- Je ne suis pas certaine que laisser des... places, soit apprécié ? Ou plutôt, suffisant. Éventuellement, un concert pour vous deux, mais... S'il n'est pas personnel, un cadeau n'est qu'une faveur. Et je compte bien vous remerciez vous-deux. Et non pas juste vous accorder ce qui peut être fait à n'importe qui.

C'était assez compliqué à expliquer. Mais elle le préférait ainsi. Donner de simples places pour un concert semblait bien trop impersonnel, et presque hautain. Jouer ou chanter pour des oreilles particulières n'était pas un soucis. Elle le faisait déjà pour tous ses voisins chaque jour -et parfois la nuit. Mais là, elle pourrait s'y préparer, choisir les morceaux pour les dédier.

Et c'était là l'important.

Et en plus, ils étaient arrivés pour soigner cette jambe douloureuse.

- Enfin, souffla-t-elle, soulagée.