Opportunités | feat Tibalt | 06.07.2018

Finalement, il ne s'agissait que de constats qu'il mettait en relation les uns avec les autres, dans la longueur du temps pour en tirer des conclusions. Enfin, Tibalt avait quand même cherché à s'intéresser au cas des vampires à travers diverses recherches et c'était bien tout à son honneur. Après tout, il avait dû également se faire sa place parmi ces titans tout en restant au demeurant, le plus discret possible. Il était sûrement plus complexe pour cet homme d'exister purement car les « aberrations » étaient plus rares. Enfin, de ce que j'avais compris. Mais à son contraire, les vampires eux, fonctionnaient comme une communauté bien ficelée dans tous les recoins du monde tandis que les créatures comme Wishmaker, restaient plutôt isolées. C'était ce qui pêchait. Je me demandais quand même s'il avait le loisir d'en croiser d'autres comme lui, hormis ceux que je connaissais déjà comme Kaminari-sama ou Von Reizel-sama.

« Dites, est-ce que vous avez eu l'occasion d'en approcher d'autres, comme vous, durant votre existence à une époque plus lointaine ? »

En tout cas, ces informations étaient précieuses et à conserver scrupuleusement dans un coin de ma petite tête. Elles me seraient utiles à l'avenir, si je voulais les faire monter en pression en étant de plus en plus précis. Toutefois, il était fort à parier que je passerai pour un opportuniste qui avait ses sources, je devais donc agir méticuleusement sans attirer l'attention sur mon mentor. Enfin jusque-là, il avait l'air satisfait de la façon dont je comptais gérer ce complot de grande envergure, visant à attiser la colère et la peur dans le cœur des habitants pour mettre en péril la paisible existence des vampires, ainsi que la légitimité du maire et des chevaliers des ombres. C'était là le principal. Remuer le couteau dans la plaie et enfoncer un peu plus la lame pour faire couler plus de sang. Je lui souriais aimablement alors qu'il se verrait bien me proposer un cigare ou un whisky. J'imaginais que c'était ce qu'il faisait habituellement quand les affaires roulaient comme il l'entendait.

« Je vous remercie mais je m'en passerai pour cette fois »

Et les autres d'après certainement, je devais conserver toutes mes facultés actives, alertes et limpides. J'avais déjà assez avalé de cochonneries sous la contrainte comme des médicaments assommants lors de mon petit détour à l'hôpital psychiatrique. Je ne voulais plus rien ingérer qui puisse compromettre mon métabolisme ni même mon état d'esprit. Toutefois, mon regard s'assombrissait alors qu'il mettait le doigt sur une problématique supplémentaire. Évidemment, il ne fallait pas sous-estimer l'adversité même si en soi, j'agissais pour attirer leur attention, je deviendrai forcément une cible à surveiller de très près. Ils n'étaient pas dupes, ils chercheront à en savoir le plus possible sur mon compte, mais aussi mes sources.

« Je ne ferai pas de démarches qui compromettraient notre plan. Je ne ferai rien qui puisse les alarmer. Je naviguerai comme à mes habitudes tout en inclinant mes actions sur la toile publique et le deep web pour m'assurer d'aller dans leur sens et d'entretenir un raisonnement de leur côté légèrement biaisé. Leur donner des raisons de croire que je suis bien un lanceur d'alerte qui compile des données sur le monde surnaturel pour coller à leur image le plus possible sur une prise de position forte, convaincante et surtout, utile. Dévier leur réflexion, en quelque sorte, tout en restant tout de même moi-même. Tout est une question d'attitude à tenir, d'un rôle. Ce n'est pas plus mal qu'ils me surveillent, ça me donnera une occasion de m'affirmer indirectement en faisant mine de ne pas savoir qu'ils rôdent autour de moi et de rentrer en contact avec eux quand l'heure propice se présentera »

Enfin, c'était ce que j'espérais. De toute manière, je n'avais pas le choix pour brouiller un peu les pistes et préserver les aberrations au maximum. Il fallait que je joue un rôle, celui d'un étudiant plutôt doué mais qui se différenciait dans l'ombre grâce à son engouement pour protéger l'humanité de ces espèces qui venaient la menacer. Je pouvais même aller jusqu'à dire que j'avais croisé une créature qui avait manqué de me tuer, pour la profondeur de l'opinion. Ce qui en soi, était vrai. Tibalt m'était tombé dessus même si c'était moi qui l'avais cherché mais je n'avais qu'à dénaturer cette rencontre comme une agression gratuite pour un goût de révolution. En gros, je me transformais en nazi du surnaturel. C'était largement faisable.

Il me racontait un peu son histoire même s'il avait plus ou moins déjà abordé le sujet. Leur création partait du désir des sorciers de pouvoir se défendre pleinement en créant des armes. Était-ce réellement le cas pour toutes les aberrations ? A son époque du moins, je songeais que ce devait être la raison principale. L'Histoire avec un grand H se rythmait de guerres en tous genres sur toute la chronologie et de ce que je comprenais, personne n'échappait à cette règle qu'il s'agisse des humains ou des êtres surnaturels. Les méthodes étaient juste différentes, la visibilité aussi, sûrement. Nous n'étions clairement pas si différents. Non, je dirai même que nous étions fortement similaires sur bien des points, ce qui était assez ironique finalement. J'observais toutefois ces flammèches danser sous mes yeux, qui prenaient des formes et des silhouettes vagues qui s'associaient à ses pensées pour mettre en scène ses dires. Au fur et à mesure que sa langue parlait, des scènes apparaissaient pour représenter son histoire. Il était assez aisé de discerner de quels protagonistes il s'agissait. C'était assez hypnotique comme effet, à force de les observer. Le tournant prenait  donc son virage à la Grande Chasse aux Sorcières, impactant l'univers surnaturel tout entier sur une époque en dénominateur commun. Tout le monde en avait pris pour son grade. Il était tout de même impressionnant de constater que des humains aient pu les pousser à cette extrémité. Je n'avais pas la prétention de dire que nous étions les plus puissants, mais nous constitutions une sacrée menace dans l'ensemble -même si je me doutais qu'une guerre de l'ombre s'était également profilée entre les différentes espèces magiques, nous n'étions pas le simple élément déclencheur. Comme maintenant, encore. Mais tout à coup, il semblait perdu dans ses pensées qui pourtant, continuaient de se matérialiser par les flammes. En soi, je devinais qu'il songeait actuellement à son plan étant donné la configuration que les braises prenaient. Je battais des paupières rapidement, pour me tirer de cette espèce d'alchimie avec le feu.

« Et ceux que vous connaissiez, qu'est ce qu'ils possédaient comme dons ? » Au delà de son récit dramatique, j'étais plutôt intéressé par ce genre de données. C'était tout de même fascinant. « Oh et d'ailleurs, quand est-ce que vous comptez trouver Adrien ? » Oui, je n'avais tout de même pas failli mourir pour rien, cette fois-là aussi. Je me demandais comment il comptait s'y prendre et l'utiliser. Cet homme n'avait clairement pas l'air en proie à une haine aussi forte que Tibalt au sujet des sorciers. C'était épineux. Je prenais toutefois volontiers une poignée de bonbons dans la boîte qu'il me tendait. Je n'aurai jamais cru qu'il pouvait avoir ça dans son bureau, c'était plutôt amusant. J'en engouffrais rapidement trois pour les fourrer dans ma bouche.

« Alors... Ce ne sera pas évident mais je propose à ce que nous revenions à l'essentiel pour communiquer » Wishmaker venait d'une époque très lointaine et moi, j'étais carrément implantée dans la nouveauté des outils de communication. Mais la voie numérique me paraissait trop incertaine. Je connaissais mes limites et je savais pertinemment que j'aurai à faire avec des personnalités et des moyens plus forts que moi. En plus Tibalt n'était pas un adepte de ces outils. « Bon, ce n'est pas le plus idéal mais la voie postale me semble la plus correcte quitte à limiter nos prises de contact. Par précaution, je communiquerai en messages codés et je peux tout aussi bien poster sous la mention de la police directement. Après tout, vous recevez énormément de plaintes donc j'en ferai l'usage. A moins que vous ayez un télégraphe morse » Bon je n'avais pas cette machine sous le coude, je me demandais même si je pouvais mettre la main dessus dans la région mais cela restait une alternative. « Quant au local, ce n'est pas grave, je m'en passerai » C'était frustrant et très embêtant mais il fallait aussi que je joue le jeu jusqu'au bout.

Je n'insistais pas concernant les autres aberrations. Je sentais qu'il n'était pas disposé à répondre à ces interrogations et j'en comprenais fondamentalement la logique : valait-il mieux conserver du mystère à leur propos plutôt de trop m'en dire. Une disposition que je saisissais. Ma tête dodelinait doucement à propos d'Adrien. Je me demandais bien comment Kaminari-sama allait gérer cette affaire mais concrètement, ce n'était plus de mon ressort. J'avais déjà assez mis les pieds dans le plat à ce sujet pour me formaliser davantage.

Dans tous les cas, en ce qui concernait la suite de notre petit projet, sa validation me suffisait amplement pour pouvoir lancer les hostilités le plus rapidement possible pour semer le trouble. J'espérais que cela remue assez les foules pour inciter chaque partie à se mêler dans la masse et que chacun se sente concerné pour se décider d'agir. Rien de tel qu'une montée de colère de la part des citoyens pour pousser nos rivaux un peu plus au bord du gouffre. Dans le meilleur des cas, des grands acteurs se décideront à tirer une carte de leur jeu et au pire, rien ne se passerait comme je l'espérais. Mais c'était peu probable que personne ne réagisse ou alors, les camps feraient en sorte de rester discrets. Mais j'étais bien curieux de mesurer l'ambiance d'ici quelques jours et les conséquences qui en découleraient. Je lui offrais donc un sourire enchanté, en guise de satisfaction. Il était préférable que nous en revenions à un mode de communication classique. La voie postale était la plus prévenante à mon sens, il me suffirait seulement de coder mes messages sur des métaphores joliment écrites mais parfaitement compréhensibles pour Wishmaker-sama.

« Parfait. Je me mettrais à exécution très prochainement. J'espère que vous aimerez le spectacle »

Sur cette révérence, je me levais du siège dans l'intention de m'esquiver.

« Merci pour votre accueil, je vous tiens rapidement au courant si j'ai du nouveau » Telles étaient les consignes de notre contrat. A ces mots, je tournais les talons en repartant, comme d'habitude, vers l'issue de secours qui couvrait les passages de ceux qui ne désiraient pas se faire observer. Je marchais donc tranquillement dans les dédales du tunnel qui menait à la sortie, là où j'avais rencontré Raiden pour la première fois. Mon esprit s'activait farouchement, tout concentré qu'il était à lancer l'assaut pour faire flamber Nakanoto un peu plus « La partie continue, messieurs, mesdames. Prenez vos tickets pour le show, votre survie en dépendra peut-être » murmurais-je joyeusement.