Le premier rayon / feat. Nathan Chris Arcand [08/07/2018]

Comme tous les dimanches, je viens donner un peu de mon temps à Bonsecours. Je crois qu’aujourd’hui, cela va me faire le plus grand bien. Ma rencontre avec le chef des Chevaliers des Ombres m’a pas mal remué, je dois bien me l’avouer. En plus, je n’ai pas eu l’occasion d’en parler avec Daisuke-kun à cause de son emploi du temps chargé. Peut-être que je pourrai passer à l’Arcadénium à l’improviste ? Je suis sûr que ça lui ferait plaisir. Après, je m’attends à ce qu’il me touche deux mots sur ma rencontre avec son chef.
J’aperçois la nouvelle passer devant l’entrée de la salle principale où je me trouve, et se diriger vers l’étage. Elle semble si abattu, comme si elle venait d’apprendre une terrible nouvelle. Je sais que ce n’est pas bon d’être seul dans ces cas-là. Je termine de m’occuper de la dame venue se réfugier ici, avant de suivre la nouvelle. Je ne connais même pas son prénom, pourtant je sais qu’elle vit à Bonsecours à plein temps.

Il se murmure qu’elle est la pupille du Père Riku, et que c’est les Chevaliers des Ombres qui lui ont confié. Si c’est la vérité, elle est soit terriblement en danger, soit ultra dangereuse. Pourtant, elle a l’air totalement inoffensive. Cette jeune fille ne se mêle pas trop aux gens autour. Peut-être est-elle très timide, et n’ose pas aller vers les gens, tout simplement. Dans tous les cas, si cette jeune fille est bien la Alyssa Mitsutsuki dont le Père Riku m’a parlé, en me demandant de l’informer sur l’université, cela me fait une bonne raison de l’aborder.
Tout en montant les escaliers, je me demande si c’est une bonne idée. Elle ne souhaite peut-être pas qu’on vienne la déranger dans sa chambre. Non, de toute façon, il fallait parler des problèmes pour que tout s’arrange. Après j’étais bien placé pour savoir que ce n’était pas automatiquement facile de le faire. En revanche, je sais aussi qu’une fois fait, cela n’apporte que du positif. Il me suffit pour cela de penser à notre premier baiser avec Daisuke-kun pour en être persuadé.
Confiant, je remonte donc le couloir jusqu’à la chambre la plus éloignée. Je sais qu’elles sont toutes un peu sur le même schéma. Un lit, une armoire ainsi qu’un bureau. Le Père Riku encourage les pensionnaires à prendre possession de leur espace avec de la décoration, afin qu’ils se sentent chez eux. Quand bien même ce n’est qu’un toit temporaire. Je suis d’accord avec lui, même si la situation est difficile, il faut un endroit où se sentir chez soi. Cela aide à avancer.
Je m’arrête devant la porte, frappe doucement contre, et patiente. J’entends finalement quelqu’un se déplacer dans la pièce, avant que la porte ne s’entrouvre.

« Konbanwa. Je m’appelle Arcand Nathan. Est-ce que tu es bien Mitsutsuki Alyssa, la pupille du Père Riku ? »

Elle m’observe, mi-dépitée mi-triste, mais surtout avec une certaine distance. Elle me donne l’impression d’avoir peur ? Mais peur de quoi ? De moi ? Je ne suis qu’un humain, rien de plus inoffensif, enfin du moins pour le moment. Elle finit par hocher la tête affirmativement, sans pour autant ouvrir plus la porte.

« Le Père Riku m’a demandé de te parler de l’Université de Nakanoto. Et j’ai vu que tu n’avais pas l’air d’aller bien … est-ce que tu veux en parler un peu ? »

Toujours sans le moindre mot, elle me laisse entrer dans sa chambre. Est-elle muette ? Le Père Riku me l’aurait dit je pense si ça avait été le cas. Elle laisse une certaine distance entre nous deux, et je ne peux m’empêcher de remarquer que sa chambre est d’une tristesse … On dirait presque qu’elle est puni en vivant ici. Une chose à la fois, d’abord la faire parler je crois.

« Je ne vais rien te faire tu sais. Au contraire, j’aimerai t’aider si je peux et si tu veux bien. »

Elle ouvre la fenêtre et continue de maintenir une distance entre nous. Elle ne semble pas heureuse que je sois là, j’ai même l’impression qu’elle interprète mal ma présence. C’est bien ça, elle se fourvoie totalement sur ma venue ! Pourquoi le Père Riku irait-il la tester ? Et sur quoi en plus ? Et de quel risque elle parle ? Bien sûr que je suis là de mon propre gré, elle me prend pour une marionnette ou quoi ?

« Er je crois qu’il y a un malentendu là. Je suis avant tout venu parce que tu n’avais pas l’air bien en passant devant la salle commune en-dessous. Je ne suis l’intermédiaire de personne, je ne vois pas de quel test tu peux bien parler et je ne serais pas ton messager pour le Père Riku. De plus, je ne vois pas quel risque il y a à venir te parler, encore moins à te remonter le moral si je le peux.

Et si tu ne souhaites pas qu’on discute de ta vie personnelle, ce n’est pas un soucis. On a tous nos secrets et des choses dont on ne souhaite pas forcément parler. J’aimerai simplement t’aider, rien de plus. »

C’est étrange cette façon d’être sur la défensive directement, comme si elle s’attendait à être … je ne sais pas rabaissée ou mise en défaut. Elle a du en baver dans sa vie pour réagir ainsi d’un prime abord. Je l’observe prendre la documentation universitaire sur le bureau, puis les étaler sur le sol selon le type d’étude.
Je constate que s’intéresser à ces prospectus la met dans une meilleure humeur, ce qui est agréable en fait. C’est cool de voir qu’elle a l’air enthousiaste à l’idée d’étudier. Je m’assois donc devant elle, la documentation entre nous. J’avais presque oublié à quel point l’université de Nakanoto était vaste et proposait des formations dans des domaines aussi nombreux.
Impossible de tout faire en une vie ? Bien entendu, mais ce n’était pas le but non plus après tout. En tout cas, elle a effectivement besoin d’aide vu ses questions. C’est rafraichissant et ça me fait sourire et rire un peu. Si elle est aussi souriante et agréable lorsqu’elle commencera les cours, elle va se trouver des tas d’amis sans problème ! Je prenais son dossier d’inscription, constatant qu’il était vide encore. En même temps, elle ne semble pas vraiment savoir ce qu’elle souhaiterai étudier visiblement.

« Il y a tant de domaine d’étude parce qu’on est tous différents. Chaque personne n’a pas forcément envie de faire le même métier qu’une autre, n’a pas les mêmes centres d’intérêts et passions non plus. Et oui, tu as raison c’est impossible de tout étudier en une seule vie, il en faudrait des dizaines je crois. Mais en même temps, ce n’est pas l’objectif tu sais ? Quand on fait des études, c’est pour s’améliorer dans un domaine où on est à l’aise, ou découvrir un métier qui nous intéresse. Une fois les études terminés, tu cherches un travail qui y correspond.

Les sommes d’argent, ce n’est pas pour te payer, au contraire c’est l’argent que tu dois payer pour pouvoir suivre les cours. Sans compter les fournitures dont tu auras besoin, et les repas du midi. Dit comme ça, tu peux te dire que c’est très cher. Et tu as raison, c’est cher de faire des études, maintenant c’est pour faire ce qui te plaît après donc ça vaut le coup.

Le dossier d’inscription on peut le remplir ensemble si tu veux. Mais d’abord tu aurais envie d’étudier quoi ? Tu voudrais faire quoi comme métier ? Tu as des passions ? Parce qu’avant de remplir ton dossier d’inscription, il faut que tu choisisses le domaine d’étude que tu souhaites suivre. »

Je la regarde en souriant, prêt à répondre à ses questions sur les différents cursus proposés à l’université. Elle est totalement perdue, et si en l’aidant à faire son dossier d’inscription, je peux l’aider à mettre un moment ses problèmes de côté … ça sera toujours ça de gagné !

Je ne peux m’empêcher de rire gentiment face à sa réaction quant au paiement à faire. C’est certain que c’était probablement le premier problème à résoudre : le financement.

« Calme-toi, tout va bien. Beaucoup d’étudiants n’ont pas assez d’argent pour faire des études. Pour ça il existe des bourses, totales ou partielles, que l’Université peut te donner pour venir étudier dans son campus. Après, si tu ne peux pas avoir de bourse, tu peux prendre un petit travail à mi-temps, en dehors des heures de cours. C’est ce que je fais d’ailleurs. J’ai un travail, en plus de mes cours, ce qui me permet de payer les frais de ma scolarité, mes fournitures, mes courses aussi.
Mais peut-être qu’on va essayer de voir une chose à la fois ensemble d’accord ? On verra la question de l’argent après avoir vu ce que tu aimerais faire. »

Qu’est-ce que je n’avais pas dit là ! Elle se mit à paniquer encore plus, ce que je ne pensais pas possible en fait. Elle n’avait pas … de passion ? Ni d’idée de métier qui lui plairait ? Mais de quelle planète venait-elle ? Où avait-elle pu vivre pour être aussi… perdue ? Je suis tellement surpris sur le moment que je mets quelques secondes à percuter qu’elle baisse la tête de honte. De quoi peut-elle avoir honte ? Elle n’a pas trouvé sa voie, ce n’est pas un drame, tout le monde ne la trouve pas du premier coup. Je posais ma main sur son épaule et lui souriait.

« Hey tu n’as pas à avoir honte tu sais ? C’est pas grave de ne pas savoir et d’être un peu perdue. On va juste réfléchir autrement ensemble, pour trouver ce qui pourrait te plaire.

Est-ce que tu apprécies imaginer des choses ? Comme un jeu ou une histoire ? Ou tu préfères peut-être dessiner ?
Est-ce que faire des enquêtes pour retrouver des gens ou trouver des informations te tenterait ? Ca peut aussi être simplement s’assurer que tout est en ordre et que les lois sont respectées.
Sinon voyons voir … est-ce que tu sais coudre ou cuisiner ? Est-ce que tu aimes être prise en photo ou tu préfères en prendre ? Est-ce que tu aimerais chanter ou danser ?
Est-ce que les ordinateurs et les robots t’intéresseraient ? Ou encore réparer des trucs ? »

Je marque une pause pour réfléchir un instant. Qu’est-ce qu’il pouvait y avoir d’autre encore ? Je suis certain d’oublier pleins de cursus potentiel. Machinalement, je regarde les prospectus entre nous. Mais bien sûr !

« Est-ce que tu aimerais apprendre des choses à des enfants ? Ou bien apprendre à soigner tout le monde ? Tu peux aussi chercher des nouveaux moyens de soigner les gens, ou améliorer les sois qu’on connait déjà.
Est-ce que parmi toutes ces questions, il y a quelque chose qui … disons te tenterai plus qu’une autre ? »

Autant procéder par élimination. Normalement j’ai couvert la quasi-totalité des cursus de l’université. Si elle arrive à trouver quelque chose qui éveille un peu plus sa curiosité qu’une autre, on aura déjà fait un grand pas vers son inscription !

Ses réponses à mes questions sont aussi vagues que celles d’une jeune enfant. Je suis désolé d’apprendre qu’elle a été à l’orphelinat et qu’elle ne connait pas ses parents biologique, elle non plus. En un sens, je comprends ce qu’elle peut ressentir sur ce point. Quand j’ai découvert la vérité, j’étais littéralement perdu. J’avais perdu tous mes repaires d’un coup, et heureusement que j’avais cette lettre d’explications et Gran’Ma pour me guider sur le bon chemin. C’est peut-être une des explications.

« Je suis désolé d’apprendre que tu es orpheline. Ça n’a pas toujours dû être simple pour toi et… je crois que je comprends un peu ce que tu ressens. Moi aussi je ne connais pas mes parents biologiques, mais j’ai eu la chance d’avoir Gran’Ma pour m’épauler. Et maintenant j’ai aussi Dai-kun.
Est-ce qu’il y a quelqu’un sur qui tu peux t’appuyer si jamais ça ne va pas bien ? Quelqu’un à qui te confier ? »

Je sais que ma question en intrusive, mais je pense qu’elle a besoin d’aide vraiment. Pas seulement pour le dossier d’inscription, mais en tant que personne. Ce construire seul ne doit pas être facile, surtout sans repère. Je comprends mieux que même un dossier d’inscription lui semble une montagne insurmontable.
Elle finit par me dire que les lois et soigner les gens l’intéresse. Parfait ! On va pouvoir progresser un peu. Je regroupe en une pile, tous les prospectus qui ne correspondent donc pas à ce qui la tente. Ce qui ne laisse que quelques formations possibles au final. C’est ce qui s’appelle faire un grand ménage !

« Alors, tu peux choisir de faire le cursus de politique. Là tu y apprends comment parler aux gens, et comment créer des lois pour que tout le monde puisse vivre ensemble.

Il y a aussi le cursus de droit, pour devenir juge, avocat, juriste, notaire ou clerc de notaire. Dans ce cas, tu apprends les lois, de manière à pouvoir les appliquer selon ton métier. Pour un juge, ça sera choisir la peine à donner à quelqu’un qui a enfreint la loi, pour l’avocat ça sera pour défendre une personne contre une autre, le juriste a pour tâche de vérifier que les contrats par exemple sont conforme à la loi. Les derniers, donc notaire et clerc de notaire, eux s’assurent lors d’un décès que tous les héritiers reçoivent bien leur part d’héritage, ou lors de l’achat d’une maison que tous les documents soient conformes à la loi.

Tu peux aussi choisir de faire un cursus militaire ou policier. Là tu vas apprendre les lois, du moins une partie, mais aussi à te défendre et à défendre ton pays. Leur mission est, entre autre, d’assurer la protection de personnes et d’arrêter celles enfreignant les lois.

Enfin, pour le côté soin, il y a médecin ou infirmier. Un médecin peut avoir une spécialité, comme la chirurgie et là il a pour rôle d’opérer les personnes pour résoudre le problème médical qu’ils ont. Mais il y a plein d’autres spécialité en médecine, je ne les connais pas toutes. Pour faire plus simple, on peut dire que le médecin il enquête sur le problème de santé et trouve ce qu’il y a pour soigner la personne. L’infirmier, lui, va donner les soins que le médecin a dit de faire.

Est-ce qu’une de ces formations t’inspire plus que les autres ? »

J’ai conscience que cela fait encore beaucoup d’informations et de questions pour elle. Cependant, il faut bien qu’on réduise encore le choix de cursus pour pouvoir envisager de commencer à remplir son dossier d’admission.

Je vois qu’elle élude ma question, mais je ne vais pas insister. C’était peut-être trop personnelle pour elle, ou trop douloureux. Parfois il vaut mieux ne pas rouvrir des plaies à peine fermées. En tout cas, je lui souhaite bien de finir par trouver quelqu’un avec qui partager ses états d’âme, sans jugement.

Ce qui m’intrigue le plus, c’est qu’elle semble vouloir garder une distance entre nous. Comme si… j’aurai dû avoir peur d’elle ou qu’au contraire elle avait peur de moi. Vu que je ne suis qu’un humain, j’entends déjà le rire de Dai-kun, arguant qu’il n’y a pas plus inoffensif que moi. Il n’a pas tort, j’ai des notions de sports de combat mais je serai bien incapable de faire du mal à une mouche malgré tout.
Peut-être que le temps me donnera tort ?
A défaut d’arriver à trancher sur cette question, je me concentrer sur la suite de sa réponse. C’est impressionnant sa façon de se dénigrer ! On dirait presque, qu’elle essaye de me convaincre qu’elle a en tout point raison ! Comment est-il possible d’avoir une aussi mauvaise opinion de soi ? J’avoue rester coi devant ses arguments.

« Tu sais, tout s’apprend, y compris parler aux gens. Quant à ta taille, je me suis mis au jujitsu, un art martial. Je peux te garantir que je peux faire tomber quelqu’un qui fait le double, même le triple de mon poids. Tu n’y arrives pas maintenant, tu ne sais pas encore le faire, c’est pas grave tu apprendras !
Et puis, ne sois pas aussi dure avec toi-même. Comme moi tu es encore une enfant quelque part, il est normal que tu ne saches pas tout et que beaucoup de chose te perde encore. Ca viendra, il faut juste que tu te laisses du temps. »

Je lui offre un large sourire en prime, pour essayer de la rassurer un peu. Visiblement personne n’a pris le temps de la rassurer en lui disant que finalement tout finira par bien aller. Heureusement, elle n’est pas aussi négative & catégorique concernant le droit et la médecine. Sur cette belle décision, elle sourit largement, visiblement heureuse. Je suis content pour elle, on progresse.

« Tu veux tenter de faire les deux cursus donc ? Si c’est ça, on n’a plus qu’à remplir les papiers d’inscription, en précisant le double cursus choisit. Tu pourras toujours après n’en faire plus qu’un, si c’est trop difficile ou que tu n’aimes finalement pas. »

J’attrape donc le papier d’inscription, ainsi qu’un stylo, et m’apprête à l’aider à le remplir en le lui tendant.

« Il faut d’abord que tu marques ton nom, ton prénom, ta date de naissance et ton adresse. Oh et bien sûr les cursus que tu souhaites suivre. Ensuite on va regarder les papiers qu’ils vont te demander pour faire l’inscription, et si tu peux bénéficier d’une bourse pour t’aider à étudier. »

Je lui donne les prospectus concernant les deux cursus qui l’intéresse, pour qu’elle puisse noter leur nom dans la fiche d’inscription. Pendant qu’elle remplit le document, j’en profite pour ranger les autres prospectus, puisque nous n’en avons plus besoin. J’ai l’impression qu’elle anticipe déjà des problèmes pour le financement, et l’éventuel petit job qu’elle devrait prendre pour aider. Pourtant il n’y a rien à craindre, on va forcément trouver quelque chose qui lui irait !