Le premier rayon / feat. Nathan Chris Arcand [08/07/2018]

En tout cas, elle a un côté altruiste. Elle ne veut pas prendre la place de quelqu’un dans le besoin plus longtemps que nécessaire. C’est une belle mentalité, même si dans son cas, il me semble qu’elle a en besoin justement de cette place à Bonsecours. Cependant je note qu’elle est plus détendu avec moi maintenant, et qu’elle sourit. C’est bon signe et je suis content de pouvoir être son bon Jack aujourd’hui.
On remplissait donc ensemble les différents champs de la fiche d’inscription. J’avais presque oublié à quel point il y en avait, puisque je l’avais remplis presque machinalement. Peut-être que pour la prochaine année, je pourrai mettre le nom de mon père biologique dessus ? Enfin à condition que mes espoirs puissent se réaliser, ce qui est loin d’être le cas. Il me faut du temps encore. C’est très étrange d’avoir l’impression d’être proche et loin en même temps.

Je regarde une nouvelle fois sa chambre, pendant qu’elle termine de remplir le paragraphe sur les cursus souhaités. Elle est vraiment vide. On dirait presque qu’elle vient seulement d’y poser ses affaires mais qu’elle n’a rien qui lui appartienne vraiment. Je trouve cela triste, et j’espère qu’elle va finir par s’approprier l’endroit comme un chez elle, au moins le temps qu’elle puisse trouver autre chose.
Je reporte mon regard sur elle en entendant sa voix cassées et pleines de larmes. Comment ça qu’est-ce qu’elle devait écrire ? Je lis l’endroit où elle s’est arrêté de remplir et constate que cela concerne les renseignent sur les parents. J’ai du mal à voir le problème, ou plutôt à comprendre pourquoi elle se met dans un état pareil. Je vois une larme tomber sur le dossier d’inscription. Visiblement renseigner quelque chose sur ces parents est douloureux pour elle, même si j’ignore pourquoi.
J’éloigne le dossier, pour qu’elle ne le mouille pas plus et que l’on doive tout recommencer. Ensuite je la prends dans mes bras et caresse gentiment son dos pour l’aider à sa calmer. Je sais que ce n’est pas forcément la façon de aire nippone, mais je suis québécois, et par chez moi c’est ainsi qu’on réconforte les gens. Bien que cette fille soit vraiment une charade à mes yeux.

« Hey ne pleure pas voyons, c’est rien. Si tu ne peux pas mettre quelque chose sur eux, tu peux mettre le nom de quelqu’un d’autres tu sais ? Par exemple, le Père Riku peut-être, s’il est d’accord. Tu sais, cette rubrique c’est uniquement pour permettre à l’université de contacter quelqu’un qui te connaisse si jamais il y a un problème.
C’est pas toujours simple les parents, je le sais. Je ne sais pas pourquoi cela te fait autant de mal de penser à eux, mais je t’assure qu’il n’y a pas de honte à ne rien mettre si tu ne veux pas ou ne peux pas le remplir. Personne ne te dira rien, rassure-toi.
Ca va aller, calme-toi doucement. Ne garde pas tes larmes, laisse-les partir, ça va te faire du bien d’évacuer toute ta douleur. Respire profondément, comme ça voilà. Maintenant expire doucement et recommence. Tout va bien Mitsutsuki-san. Tu ne crains rien ici. Ça va aller. »

Sa respiration est encore saccadée à cause de ses pleurs. De plus, je continue de sentir ses larmes venir mouiller mon t-shirt. Tout comme ses mains qui s’y agrippe comme si c’était l’unique moyen qu’elle avait de rester connecté à la réalité. Ca me fait mal au cœur de voir l’état dans lequel elle est juste pour des renseignements banals et communs. Je continue de la rassurer et de lui caresser le dos, ce qui semble l’aider à se calmer. Peu à peu sa respiration redevient normale, ses épaules ne sont plus secouées par ses larmes et elle a cessé de renifler aussi.
Je la laisse s’écarter doucement de moi, et je vois sur son visage que même si les larmes sont passés, la peine qui les a déclencher est toujours là, bien présente. J’avoue qu’elle m’a inquiété à éclater en larme ainsi.

« Ca va aller ? Comment tu sens maintenant ? Un peu mieux ? »

De la chance d’avoir trouver mes parents… Pas réellement. Je cherche mon père biologique, pour échapper à ma famille adoptive. Ils ne sont pas des cadeaux, ou des empoisonnés pour le coup.

« Oh tu sais, je n’ai pas trouvé mes parents. Ils m’ont adopté parce que j’étais dans leurs critères… mais je n’ai jamais vraiment été leur fils. C’est pour ça que je cherche mon père biologique… je ne sais pas… peut-être l’espoir qu’avec lui les choses seront différentes. Mais en tout cas, je te comprends et je connais, un peu, ce que tu vis Mitsutsuki-san. Et être habitué n’est pas une bonne chose… c’est pas parce que quelque chose n’est pas nouveau que cela fait moins mal, je dirai même que c’est presque l’inverse. »

Je m’efforce pourtant de lui sourire avec gentillesse. Je n’ose pas lui dire que certaines blessures du cœur, ou de l’esprit, ne cessent jamais de faire mal. Je doute que cela soit quelque chose qu’elle a besoin de savoir pour le moment. Enfin, quoiqu’il en soit, elle termine de remplir son formulaire d’inscription. Voilà une bonne chose de faite au moins. Ce ne résout pas la question du financement en revanche.
Puisqu’elle n’a pas l’air de beaucoup connaître le monde, ça risque d’être compliqué de lui trouver quelque chose où tout se passe bien. Sans parler de trouver des plages horaires pour dans son emploi du temps de folie. Déjà que moi c’est compliqué d’aller travailler à la boutique d’Akitsuna-san quatre fois par semaine, alors que sans difficulté mon emploi du temps est plus léger que celui qu’elle aura.
Je ne vois pas pourquoi elle a honte de ne pas savoir. Je n’avais pas la moindre idée de comment se faisait des kimonos de luxe avant de travailler dans cette boutique ! Il n’y a aucune honte à ne pas savoir.

« Et bien… on va d’abord remplir une demande de bourse pour toi. Vu tes finances, je ne pense pas que l’Université te la refusera. Ensuite, on peut se renseigner pour savoir quels sont les jobs étudiants proposés sur le campus et autour. Je suis convaincu qu’on doit pouvoir trouver quelque chose qui te plairait.

Si j’ai bien compris, tu souhaites aider les autres n’est-ce pas ? Alors on peut aller voir à la bibliothèque, je connais une étudiante là-bas, elle saura nous dire si tu peux y travailler. Au pire, elle aura surement des informations, après tout le panneau d’affichage se trouve à l’entrée de la bibliothèque du campus, et puis c’est la fille la plus informée que je connaisse… surtout sur tout ce qui n’a rien à voir avec l’Université.
On peut peut-être envisager aussi l’hôpital, comme secrétaire par exemple, ou assistante secrétaire. Comme ça tu pourrais en plus voir les applications de ce que tu verrais en cours.

Ensuite, il y a les petits boulots plus communs, comme vendeuse ou serveuse. Mais ça peut être des bonnes pistes aussi, parce que tu peux y trouver des jobs qui commencent en fin de journée, probablement plus pratique vu l’emploi du temps que tu vas avoir. »

Je pose une de mes mains sur les siennes.

« On va y aller un pas à la fois d’accord ? Cela ne sert à rien de t’angoisser pour quelque chose sur lequel tu n’as pas encore la main. Prête à remplir le dossier de demande de bourse ? Tu vas voir, il est moins compliqué que celui d’inscription et beaucoup plus rapide ! »

Peut-être que je peux aussi demander à Akitsuna-san, s’il accepterait de prendre une seconde personne à la boutique. Mitsutsuki-san serait probablement rassurée de ne pas être totalement toute seule. Elle pourrait apprendre sans craindre d'être jugée.

« J’y pense, si tu veux je peux demander à mon patron s’il accepterait de te prendre aussi ? Je travaille dans une boutique de prêt-à-porter haut de gamme, on y vend des Kimonos de toutes sortes. »

Elle remplit la demande de bourse sans difficulté, enfin plus ou moins. Les pièces posant soucis, elle pourra les obtenir à priori auprès de Monsieur Hermansson ou du Prêtre Riku. Il n’y a rien d’insurmontable pour le coup. Je suis content d’avoir pu l’aider avec la partie administrative de l’inscription. Il faut dire que vu les études qu’elle a choisi… je ne peux rien faire de plus. Elle devra se trouver des senpai dans chaque cursus pour l’aider. Osera-t-elle aller vers des étudiants plus âgés pour demander de l’aide ? C’est moins sûr.
Ce qui est bien, maintenant qu’elle ne panique plus de suite, c’est qu’elle commence à réfléchir à ce qu’il serait le mieux pour la suite. Et effectivement, avoir son emploi du temps lui donnera une meilleure vision du job d’étudiant qu’elle peut se permettre d’avoir, si jamais elle n’obtient pas de bourse. En même temps, si une personne comme elle n’obtient pas de bourse, je ne vois pas qui pourrai en avoir.

Elle serre une de mes mains entre les siennes en me remerciant encore une fois. Pourtant je n’ai pas fait grand-chose. Je n’ai fait que l’aiguiller, mais c’est tout. M’embêter ? Elle ne comprend donc pas que si je lui propose c’est que ça ne me dérange pas ? Elle… elle a toujours vécu ici et elle ne sais pas ce qu’est un Kimono ? Et bien si je m’attendais à ça ! En même temps je comprends son envie de faire par elle-même. C’est tout à son honneur en plus de vouloir rendre fier son tuteur.
Toutefois, je vais quand même lui donner mon numéro, si jamais elle a besoin d’aide à l’université je pourrai essayer de lui donner un coup de main. Et puis au début, elle sera peut-être contente de savoir qu’elle n’est pas toute seule. Je prends un papier vierge et lui empreinte un stylo, y écrivant mon nom, mon prénom et mon numéro de téléphone portable, sans oublier mon adresse email. On ne sait jamais.

« Je comprends Mitsutsuki-chan. Et je suis certain que ton tuteur sera fière de toi ! Tiens, c’est mon numéro de téléphone et mon email. Surtout tu n’hésites pas si tu as besoin d’un peu d’aide, ou d’un renseignement, d’accord ? Et puis tu me tiens au courant quand tu as ton emploi du temps, tu veux bien ?

Comme ça, quand tu auras un peu de temps libre, je pourrai te faire visiter le campus et te montrer la bibliothèque. Aussi te présenter d’autres personnes si ça t’intéresse. Après tout… on est un peu comme des amis non ? »

Je lui fais un clin d’œil, puis regarde ma montre et je réalise seulement l’heure qu’il est. Oops ! Il va falloir que je quitte Bonsecours pour aujourd’hui.

« Sumimasen Mitsutsuki-chan, je dois y aller. J’ai rendez-vous avec mon boyfriend et je ne veux pas trop le faire attendre. J’ai été vraiment enchanté de te rencontrer ! Tu veux bien que je revienne te voir ici de temps en temps ? En dehors de l’université je veux dire. Et puis, qui sait, on pourrait faire des sortis à l’avenir, des trucs sympas quoi.

A bientôt ! »

Je la salue correctement puis quitte sa chambre, avant de dévaler les escaliers. J’ai prévu de voir Dai-kun ce soir, et là je vais finir par être en retard. J’ai hâte de passer la soirée, et la nuit, avec lui. Même si je sais qu’il ne va probablement pas sauter au plafond avec tout ce que j’ai décidé de lui annoncer.
En tout cas, aujourd’hui, je sais que j’ai fait une bonne action en aidant Mitsutsuki-chan. Comme quoi, pas besoin d’être forcément un être surnaturel pour aider… même si ça ne change rien à ma détermination sur ce point.