Inauguration du Fior-Nadur [Libre Changelins] (08/06/2018)

Du haut de mon perchoir, j’avais une vue imprenable de l’ensemble de la salle et de ce qu’il s’y déroulait maintenant. Il y avait bien plus de changelins que je l'aurais imaginé à une heure pareille, mais c’était très bon signe. Si le bouche à oreille faisait son chemin, nous finirions la soirée avec tout un tas de changelins.
Je gardais un oeil sur tout ce qui se passait dans ce sanctuaire pour notre espèce et je pouvais ainsi contempler l’incontestable réussite de mon rêve. Un homme dont je ne connaissais encore rien et qui n’était pas des nôtres sympathisait avec Erèbe, ce qui voulait surement dire qu’il y avait peut-être de l’espoir pour nos semblables et leur acceptation auprès d’humains ordinaire dans l’avenir. Après tout, c’était surement dans l’ère du temps que de mixer notre peuple à celui qui nous avait pourchassé. Ce n’était pas la génération du jeune Zuko ou de Farah qui allait faire preuve d'ostracisme ou d'isolationnisme dans le but de se protéger des dangers du monde de humains. Cependant, il y avait une certain candeur de présente dans cette jeunesse à Nakanoto, comme si beaucoup ignoraient les fondements de notre culture ou en grande parti au moins.
Je vis miss Yamada qui pris le temps de saluer Zuko sous sa forme de loup et qui jouait quelque peu, comme emporté par l’euphorie de l’endroit inespéré où il se trouvait. Je ne doutais pas du fait qu’elle en vienne à enquêter sur la famille de Zuko et de ce jeune Thomas pour en savoir un peu plus. S’il n’était pas changelin, c’était forcément à cause de l’absence de parent changelin dans son patrimoine, mais je m’interrogeai sur la question d’une éventuelle perte de son parent changelin. Cela expliquerait qu’il en sache aussi peu sur son peuple.
Miss Yamada avait la tête sur les épaules et je ne doutais pas du fait que j’allais devoir intensément collaborer avec elle une fois que mon enquête sur le zoo s’étofferait davantage. Quelle coïncidence que Farah n’entra à nouveau dans mon champ de vision en s’adressant à miss Yamada au moment où je songeais à une collaboration futur, qui serait précédé par la collaboration de Farah justement. Nous devions aller au zoo à la fin de la semaine dans le but justement de lui trouver une seconde forme, aviaire de préférence, mais aussi pour enquêter sur la disparition du tigre. Elle avait beaucoup de peur en elle, mais c’était une jeune fille très volontaire et qui allait au devant de ses craintes pour s’endurcir et grandir, un peu comme sa mère finalement. C’est ainsi que je la vis se diriger vers le jeune homme fraîchement arrivé et entamer la conversation. Cependant la conversion a tourné court puisque le jeune homme à la chevelure incongru s’est vite transformé en serpent corail avant d’aller rejoindre le jeune loup.
Tout se passait vraiment bien dans ce havre de paix pour nous changelins. Je me demandais encore comment améliorer l’endroit, bien entendu, mais je laissais les idées aux principaux utilisateurs le soin d’effectuer une évaluation de la qualité de l’endroit. Je pouvais constater l’évidence de la jeunesse de tous les changelins présents, à l’exception de miss Yamada qui était adulte, tous n’avaient pas vraiment l’âge pour fréquenter un bar. Heureusement qu’un pub a avant tout une ambiance familiale. Toutefois, cela était pour moi assez révélateur de l’incompétence du Conseil actuel et ne faisait que me montrer l’étape suivante que je devais franchir pour aider les changelins de la région. Il y a tellement de jeunes qui ignorent leur culture, comme si le Conseil n’essayait même pas de retrouver tout ceux qui pour X raison n’ont pas connus leurs parents. Il était peut-être temps que j’aille à la rencontre de vieilles familles de changelins de la région pour leur demander ce qui a amené le Conseil a être aussi incapable de gérer la situation et protéger son peuple. C’était clairement le smilodon en moi qui me dictait de faire ma loi dans le coin, mais ce n’était pas vraiment ce que je souhaitais non plus. Il valait mieux que je brigue la place de Sage au sein du Conseil. Je me projetai déjà à cette place plutôt qu’à simple représentant des félins, car sans faire preuve d’orgueil, aucun félin même plus jeune ne pourra protéger sa place contre moi.

Je préférai pour le moment, demeurer sur mon perchoir et veiller à ce que tout se déroule sans le moindre accroc. Je regardai du coin de l’oeil Erèbe qui quittait sa position pour faire le tour des clients changelins qui étaient en salle et me tenais prêt à intervenir si on me sollicitait.

Alors que j’observais calmement ce qui se passait dans la salle, et plus particulièrement Zuko qui s’en allait un peu plus loin. Une jeune femme, très charmante, s’approcha alors de moi et se présenta sous le nom de Yamada Hitomi, Psychologue pour enfants avec spécialité changeline. Voilà qui n’était pas commun. Aussi, se montra-t-elle très directe en me disant qu’elle voulait parler de notre famille, et sous-entendu, comprendre pourquoi je ne suis pas un Changelin. Malin ! Je ne peux m’empêcher de sourire devant la tactique.

Thomas ▬ « Vonlontiers ! Si cela peut vous aider dans votre étude, cela ne me dérange pas. »

En effet, je n’avais rien à cacher. Je ne mentais pas en disant que Zuko était mon frère. Même si je devais plutôt dire demi-frère. L’idée était là : Nous avions la même mère. De plus, la demoiselle était psychologue. Elle savait donc garder les secrets des gens pour elle. Et, sans vouloir vexer, je faisais bien plus facilement confiance en une psychologue pour parler de Zuko et de ses problèmes qu’à un propriétaire de bar.

A vrai dire, elle tombait même à pic puisqu’elle serait plus à même d’aider Zuko avec sa propre nature que moi-même. Je ne pouvais pas dire que je ne savais rien sur les Changelins. Je connaissais, au moins, un peu leur histoire. Mais pour ce qui concernait les transformations et leur nature même, j’étais surement celui qui en savait le moins ici, le bambin inclus.

Yamada-san s’apprêtait à reparler quand une sonnerie retentit depuis son sac. Elle s’excusa rapidement avant de s’éloigner un peu plus long pour décrocher. J’en profitais pour reporter mon attention sur mon petit frère qui était en train de jouer, semble-t-il, avec la jeune danseuse et un jeune homme de son âge. Ce dernier avait une sale cicatrise se le visage, clairement dû à une brûlure. Quelques secondes plus tard, un magnifique serpent se trouva à la place et je ne pus m’empêcher d’afficher une nouvelle fois mon étonnement et mon émerveillement.

Un léger toussotement me fit tourner la tête et j’aperçus la psychologue à mes côtés, l’air un peu embêtée. Elle s’excusa auprès de moi de devoir partir – Le coup de fil était une urgence qu’elle se devait d’aller immédiatement régler – et me demanda s’il était possible de se revoir dans un futur proche.

Thomas ▬ « Ce n’est pas grave. Je comprends tout à fait. Je ne suis pas contre de reporter cette discussion à plus tard. A vrai dire, Zuko aurait bien besoin de quelqu’un comme vous pour le guider un peu. Il y a malheureusement des choses pour laquelle je ne peux rien faire pour lui. »

Elle m’accorda un signe de tête avant de partir en saluant ceux qui n’étaient pas trop absorbés par ce qu’ils étaient en train de faire. Quant à moi, je me retournai vers mon verre afin de le prendre en main et de me lever pour observer un peu plus les jeunes jouer ensemble.

Un autre changelin serpent ça alors ! J'en suis toute émoustillée. Alors que je discute avec Louka, le changelin loup, Zuko je crois, poussé un cri en le voyant. Oh, se connaîtraient-ils? C'est fort possible. Le monde est plus petit qu'il n'y paraît, surtout pour les changelins. Puis le lupin se précipite derrière moi pour se cacher, dans une attitude joueuse, ce qui m'arrache un rire. Je tourne la tête vers lui en souriant avant de me pencher pour le laisser renifler ma main puis, lorsqu'il m'en donne l'autorisation, je le gratifie d'une petite caresse sur la tête.

- Zuko... ou plutôt, Tanaka-san, c'est ça ? Tu es un ami de Louka ?

J'ai à peine le temps de finir ma phrase qu'il bondit au moi derrière un rocher. Je lui jette un regard amusé avant de regarder l'autre changelin d'un air entendu. Celui ci me confirme qu'il connaît Zuko. Jouer avec eux ? Pourquoi pas ! Il serait temps que je me fasse de vrais amis, en plus de Taichi Tomoe bien sûr. Je hoche la tête en souriant, le laissant passer devant. Je le regarde avec fascination prendre sa forme de serpent corail, les yeux brillants. Je suis vraiment contente d'avoir trouvé un camarade squamate ! Je ne tarde pas à l'imiter, devenant un cobra le temps d'un souffle.

Sous cette forme comme d'habitude ma perception du monde est très différente. Ma vision thermique m'offre un patchwork de jaune et de rouge, tandis que ma langue fourchue se dresse en quête d'odeur à analyser. Je dresse ma petite tête écailleuse, déroulant légèrement ma collerette. Puis ayant repéré mes camarades, je glisse vers eux à toute vitesse, désireuse de rejoindre leur jeu. Nous entamons alors une curieuse partie de chat. Quel drôle de tableau nous devions donner ; un loup et deux serpents qui s'amusent sans aucune agressivité, chacun veillant à ne pas blesser les autres. Parce que Louka et moi sommes tout de même des animaux classés dangereux pour l'homme, à cause de notre venin très puissant.

Emportée dans mon élan, je m'enroule autour d'une patte de Zuko pour remonter son corps velu et me hisser jusqu'à son cou. Je me perche ensuite autour de son cou, la tête dressée et le regard rivé sur Louka, le mettant au défi de me rejoindre. Depuis mon perchoir je jette alors un œil à Monsieur Smith, toujours installé sur la poutre sous sa forme de faucon. On dirait vraiment un patriarche qui veille sur sa tribu. Comme les histoires changelines que me racontait ma mère lorsque j'étais enfant. Je reporte ensuite mon attention sur ma monture improvisée. Tiens, et s'il se mettait à courir ? J'approche ma tête écailleuse de ses yeux et darde ma langue fourchue pour tenter de me faire comprendre.

Un regard à gauche. Un regard à droite. Retour derrière le rocher. Je venais d’apercevoir Assad-san se transformer. Par contre, aucune trace de Louka. Était-il un animal si petit que je ne le remarquais pas au premier coup d’œil ? C’était de la triche, ça ! Comment je pouvais savoir ce qu’il était si je ne le voyais pas ! Hmm… Allez ! J’allais jeter un nouveau coup d’œil !

Un regard à gauche. Un regard à droite. Encore une fois derrière le rocher. Cette fois-ci, même Farah avait disparue de mon champ de vision. Bon, elle, j’avais bien vu qu’elle était un serpent. Donc, si elle se cachait en cette instant dans les quelques fausses hautes herbes qu’il y avait, je risquais pas de la voir. Soudainement, j’entendis un sifflement venir de derrière moi. C’était tellement inattendu que j’avais sursauté.

Un bond à gauche. Un bond à droite. Demi-tour. Un serpent ! Mais je voyais bien que ce n’était pas Farah. Doucement, je m’approchai et je le reniflai. Cette couleur sur sa tête…. Louka ! C’était un serpent aussi ! Génial ! Je reculais un peu avant d’apercevoir Farah apparaitre à son tour. Eh eh… C’est que ça me donnait des idées tout cela !

Un pas à gauche. Un pas à droite. Saut ! Une course commençait entre les serpents et moi. Franchement, cela devait être drôle à voir, un loup coursé par deux reptiles rampants. Bon, je n’allais pas très vite non plus. Le but était de s’amuser plus qu’autre chose. Forcément que j’étais plus rapide, sinon. Et c’était pas drôle du coup.

Un bond à gauche. Un bond à droite. Cette fois-ci, je me m’étais laissé rattraper. Farah s’enroula autour de ma patte et grimpa sur moi. C’était bizarre comme sensation. Mais pas désagréable. Du coup, je laissai le temps à Louka de rejoindre la petite danseuse sur ma tête, si l’envie lui prenait, avant de me mettre à courir avec les deux reptiles sur moi. C’était vraiment amusant.

Un pas à gauche. Un pas à droite. Ralentir. Avec tout ça, je commençai à avoir soif. Je me couchais un moment au sol pour récupérer et laisser mes amis redescendre avant de me diriger et demande tant bien que mal de l’eau. Je posais la patte sur le genou de Thomas et je le regardais avec un regard de louveteau battu. Je sais qu’il commençait à bien le connaitre. On finit par me poser une gamelle d’eau devant le museau et je lapais doucement quelques gorgées pour me remettre d’aplomb.

Je veillais à ce que tout se passe au mieux pour cette soirée d’inauguration et c’était vraiment en bonne voie. Certes, il n’y avait pas eu tant de changelins que cela que je ne connaissais pas déjà au final, mais c’était tout de même une réussite en soi. Nous n’étions pas non plus légion et il fallait que le bouche à oreille se fasse pour que le pub et surtout ce sanctuaire ne progresse en renommée.

Je réfléchissais déjà à faire des travaux pour monter un escalier dans la cour arrière dans le but de relier l’étage et permettre aux changelins terrestre de venir directement par une porte privée avec une trappe peut être. Il fallait que n’importe quel changelin puisse entrer en cas de besoin ici sans se faire voir, mais j’avais le temps pour penser à ce genre de chose.

Je voyais bien que les choses se déroulaient de façon idéale. Farah découvrait de nouveaux amis possibles en la personne de ce Zuko et Louka. Son travail était fini pour la soirée à moins qu’elle ne veuille remonter sur scène, mais pour le coup, c’était terriblement plaisant de la voir ainsi s’amuser avec ses semblables et pouvoir également découvrir d’autres changelins reptiles comme elle. Tout changelin qu’elle est et malgré sa mère qui n’a rien dû lui cacher sur notre peuple, je doutais sérieusement du fait qu’elle ait rencontré d’autres changelins de son âge avant ce soir. J’avais beaucoup d’attentes pour cet endroit, dans l’avenir, il serait un pilier pour la communauté changeline. Pour l’instant il allait fonctionner quelques temps par effet de mode et de nouveauté, mais il y avait assez peu de raisons de penser que cela allait continuer. J’allais sans l’ombre d’un doute tourner à perte. Il n’y avait pas beaucoup d’anglosaxons dans la ville et assez peu de personnes sensibles au charme d’un pub irlandais dans le centre-ville d’une cité japonaise. Cela ne m’empêchait pas de caresser le rêve de voir un jour cet établissement se rentabiliser rien qu’avec des changelins et en faire une communauté fréquentant l’établissement tous les jours ou presque.

J’ai soudainement remarqué qu’Erèbe me cherchait du regard sans parvenir à me trouver. Je suis donc descendu de mon perchoir en planant doucement vers le comptoir du bar. Une fois posé dessus, je laissai échapper un petit cri aigue avant de bondir derrière aux côtés de mon employé en reprenant ma forme humaine dans la volée du mouvement.

John ▬ Tu peux prendre ta pose Erèbe je t’en prie. Je prends la suite du service.

J’ai posé mon regard sur le jeune homme aux cheveux bleu étincelants. Il était en train de saluer miss Yamada qui devait partir prestement. Sans doute avait-elle reçu une mission de la part du conseil ou une urgence personnelle à gérer. En tous les cas, je la reverrai surement bien vite. Je la saluai également d’un signe discret de la tête. Puis je me suis tourné vers le frère de Zuko qui l’avait laissé pour jouer avec Farah.

John ▬ Puis-je vous proposer un autre verre jeune homme ? Et peut-être aller vous me dire un où en est votre frère du savoir qu’il a sur son peuple ?

Evidemment je parai mon visage d’un grand sourire dans le but de le mettre un peu plus en confiance, sans pour autant que ma voix ne fasse mielleuse. J’étais soucieux du cas de son frère et cela était flagrant. Je n’aimais pas trop l’idée d’un changelin qui ignore tout de son peuple, de ce qu’il peut ou non faire et de nos lois. De plus, avec un changelin de son âge et un jeune homme ne faisant pas partie des nôtres, je devais évidemment me méfier de ce que je pouvais dire et faire. Je n’étais pas encore membre du Conseil Territorial bien que je briguasse une place. Or, je ne pouvais donc pas vraiment faire valoir ma voix à la défense de ce jeune homme en cas de révélation de notre secret.

J’étais en tous les cas très curieux de découvrir un peu ce Thomas et de savoir ce qu’il comptait faire des informations qu’il avait en sa possession.

John ▬ Je ne tiens pas à vous inquiéter et ce n’est nullement une menace. Mais les dirigeants de notre peuple ne sont pas vraiment très... tolérant vis-à-vis du secret de notre existence. Aussi, ne parlez pas de tout ce que vous voyez ce soir, car bien que je sois très conciliant, ce n’est pas le cas de tous les changelins.

Une fois Yamada-san partie, je me retrouvais seul accoudé au comptoir, en retrait. Dans la salle se déroulait une fort agréable scène. En effet, Zuko était en train de jouer avec deux autres changelins. La première étant la petite danseuse orientale, le deuxième était un jeune homme que je ne connaissais pas encore. Mais il semblait que Zuko, lui, le connaissait.

Je n’eus pas le temps de regarder plus les péripéties du loup et des deux serpents. Mon attention fut captée par le propriétaire des lieux qui était descendu de son perchoir, visiblement pour reprendre les choses en mains et accorder une pause à son employé. Il se plaça derrière le bar et me proposa un autre verre, que j’acceptais volontiers. Il revenait aussi à la charge en ce qui concernait mon petit frère et ma famille. Je pouvais comprendre qu’il se souciait du bien-être de l’un des siens mais se manière de me présenter les choses me rebutaient légèrement.

Je savais que je n’avais pas assez de recul à son sujet. Depuis que je connaissais son existence et que je l’avais rencontré, je ne pouvais le faire. Il était un le sujet de mes réflexions et de mes pensées. Comment devais-je agir avec lui ? Avais-je le droit d’agir comme je le faisais ? Pouvais-je me permettre de m’immiscer ainsi dans sa vie ? Et les menaces sous-jacentes – bien que Monsieur Smith dît qu’elles n’en étaient pas – me donnaient l’impression que je m’étais fourvoyé sur mes droits et semblaient les remettre en cause. Pourtant, j’avais le droit de connaitre mon demi-frère, surtout que je n’avais nullement l’intention de lui faire du mal. Et lui, ma mère n’avait pas le droit de l’abandonner sous prétexte qu’il n’était issu d’une relation extra-conjugale. Le pauvre avait fini seul, sans savoir ce qu’il était et sans personne pour le guider.

Je pris mon nouveau verre pour en prendre une gorgée. Mon silence avait été assez long ainsi. Pas la peine de faire attendre plus longtemps le vieux changelin. Mon visage ne reflétait ni colère, ni agacement. J’étais toujours fidèle à moi-même, les traits neutres et la voix posée.

Thomas ▬ « Vous avez beau dire que ce ne le sont pas, vos mots sonnent comme une menace. Et je trouverais cela dommage si vos autorités n’arrivent pas à prendre en compte que, même si je ne suis pas changelin, il y a un lien de parenté proche entre Zuko et moi. Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, je suis toujours prêt à défendre mon cas devant vos dirigeants. Je suis loin de ne pas être prêt pour cette éventuelle rencontre. »

Je regardais avec attention les réactions de mon interlocuteur, laissant un nouveau et court silence. Toutefois, je voulais bien faire preuve d’un peu de bonne volonté.

Thomas ▬ « Vous m’avez demandé ce que Zuko savait de vous. Je vais faire simple, rien. Ou du moins, quasiment rien. C’est bien simple : si la transformation ne semblait pas si innée, il ne saurait pas ce qu’il est. A côté de ça, il est incapable de se transformer avec ses vêtements comme vous le faites.

Notre mère n’est pas plus changeline que moi. Quant au père, ce n’était qu’un coup d’un soir. Il est parti aussi vite qu’il est arrivé. A vrai dire, je suis prêt à parier qu’elle ne savait pas que c’était un changelin. En ce qui me concerne, je ne sais que ce que l’histoire a gardé d’informations sur vous. »

Je fis une pause pour écouter la réponse de John Smith. Je fus toutefois déconcentré par une patte posée sur mon genou. C’était Zuko qui venait quémander de l’eau. Mais, étant en tenue d’Adam sous sa fourrure, il ne pouvait pas se transformer pour le demander lui-même. Je lui caressai doucement la tête, avec affection et un sourire, avant de me tourner vers le bar.

Thomas ▬ « Excusez-moi, serait-il possible d’avoir une gamelle d’eau pour Zuko ? »

Quelle sensation euphorisante ! L'espace n'est pas suffisant pour permettre à mon camarade lupin de courir à grande vitesse, mais je peux tout de même sentir l'air glisser sur ma tête écailleuse. C'est la première fois que j'expérimente ça. En même temps, a-t-on jamais vu un cobra chevaucher un loup ? Ce petit jeu dure un bon moment. Je tourne ma tête reptilienne vers Louka et darde ma langue fourchue. Comme je suis contente d'avoir rencontré un autre changelin serpent ! Ça me fera une bonne nouvelle à raconter à Mama.

Zuko commence à fatiguer et finit par s'allonger sur le sol, la langue pendante. Louka et moi en profitons pour descendre et je love mon corps sinueux non loin de mon nouvel ami à fourrure. Celui ci retourne voir l'homme qui l'accompagne pour réclamer une gamelle d'eau. La simple vue de l'écuelle suffit à me donner soif également. Je m'approche doucement et patiente à côté de lui qu'il ait terminé pour me désaltérer à mon tour. J'aurais pu me retransformer pour demander un verre d'eau, mais j'aime bien l'idée d'être solidaire du loup, qui, de ce que j'ai compris, ne peut pas reprendre forme humaine avec ses vêtements.

Il s'écoule plusieurs minutes pendant lesquelles je reste tranquillement enroulé sur moi-même, à côté de Zuko, attentive aux conversations. L’homme qui accompagne le changelin loup échange quelques mots avec John, l’air un peu préoccupé. Je me demande bien pourquoi… Louka adresse aussi quelques mots à l’homme aux cheveux bleus pour se présenter. Puis il se tourne vers moi et tend une main. Confiante, j’approche ma tête et le laisse toucher mes écailles. De son autre main il caresse la fourrure de Zuko. Les deux ont l’air de bien se connaître, je me demande d’où...

Mais je n’ai pas le temps de poursuivre ma réflexion. Mon corps de squamates, très sensibles aux vibrations, détectent des pas qui s’approchent lentement de la pièce. Je me redresse, la tête tournée vers la porte, et darde une langue aventurière. Aussitôt je reconnais les particules odorantes et mon coeur saute de joie. Je me précipite vers l’entrée au moment même où une femme d’âge mûr, à la peau mate et aux longs cheveux noirs, fait irruption dans la salle secrète.

- Mama, tu es là ! je m’exclame après m’être retransformée en l’espace d’une seconde.

Je me glisse dans ses bras pour profiter de son étreinte chaleureuse si agréable. Elle dépose un baiser sur ma tête tandis qu’elle me caresse les cheveux, puis elle finit par se dégager pour me regarder en souriant.

- Tu as l’air radieuse ma chérie. ça me fait très plaisir ! Comment va Shani ?
- Bien, elle a eu son biberon, elle dort maintenant.

Comme si elle nous avait entendu, ma petite soeur gémit dans son sommeil. Ses petits mains s’ouvrent puis se crispent, comme si elles cherchaient quelque chose à quoi se raccrocher. Mama y glisse son index pour attraper l’une de ses minettes, et un nouveau sourire de tendresse barre son visage. Puis elle se tourne vers l’assemblée. Ni une ni deux, je l’entraîne vers le centre, tout en commentant.

- J’ai rencontré deux nouveaux changelins ! Il y a Zuko Tanaka, le loup, et aussi Louka, c’est un serpent corail !

Lorsque j’arrive à leur hauteur, je m’empresse de faire les présentations.

- Louka, Zuko… enfin, Tanaka-san, voici ma mère, Nawel Assaad ! Et au bar, c’est Erèbe-san, c’est aussi un loup !
- Enchantée, jeunes changelins.

Mama ne dit rien, mais je sens qu’elle est heureuse que je me sois fait de nouveaux amis, surtout changelins. Elle sait à quel point j’ai eu du mal à m’intégrer. Les japonais ne voient pas d’un bon oeil les étrangers comme nous. Ce n’est qu’en arrivant à l’université que j’ai commencé à fréquenter d’autres jeunes, Taichi étant ma première véritable amie ici. Dommage qu’elle ne puisse pas être ici… et dommage que je ne puisse pas lui dire ce que je suis vraiment… Mama s’en va saluer John, son ami de longue date, tandis que moi, je retourne auprès de mes amis.

- Hum, dites, j’ai cru comprendre que vous vous connaissiez bien tous les deux ? Vous vous êtes connus comment ?

A peine ai-je fini ma phrase qu’un bâillement menace de me décrocher la mâchoire. Je masque ma bouche ouverte avec politesse. Cette soirée riche en émotion m’a quelque peu fatiguée. Je ne sais pas si je ferai long feu ce soir...

Maintenant que j’étais désaltéré, j’en profitais pour m’allonger un peu et regarder ce qu’il se passait autour de moi.

Tout d’abord, il y avait le propriétaire du pub et Onii-san qui discutaient entre eux. Je ne sais pas de quoi, mais c’était certain que c’était pas une discussion agréable. En vrai, les deux ne semblaient pas s’entendre. De ce que j’avais compris, Smith-san n’était pas ravi que mon grand frère soit au courant de l’existence des Changelins. Thomas, lui, semblait ne pas apprécié qu’on ne considère pas qu’on soit frères. Je n’aimais pas vraiment ça… Moi qui m’étais toujours posé des questions à propos de ma famille biologique, je pouvais enfin en apprendre une sur elle. Et prendre contact avec des changelins voulait dire passer à côté de cette chance… Je lâchais un gémissement rien qu’à cette idée. J’voulais pas être obligé à ne plus voir Thomas. C’était encore un peu particulier, mais je commençais vraiment à l’apprécier.

Je n’eus pas le temps d’y penser plus longtemps. Louka vient se présenter Thomas avant se tourner vers moi. Moi aussi, j’étais content qu’il soit un Changelin aussi. Au moins, ça me faisait un ami en plus avec qui en parler, avec Taichi. Il y avait Farah aussi, qui avait l’air d’être vraiment sympathique.

En parlant de Farah, elle vint jusqu’à Louka et moi avec une dame qui lui ressemblait beaucoup. Elle nous la présenta rapidement et je répondis par un aboiement et une agitation de la queue. Elle nous regardait avec un doux sourire. C’était agréable. J’aurais bien voulu me transformer pour discuter un peu plus, mais c’était pas vraiment possible pour l’instant. J’aurais pu me rendre à nouveau discrètement derrière le bar : C’était Smith-san qui le tenait maintenant. Et l’idée de me transformer devant lui me dérangeait bien plus que de le faire devant Erèbe. Faut dire qu’avec lui, j’ai été bien obligé dans la forêt.

Farah se mit à bailler après une question qui concernait apparemment le proprio et sa maman. J’ai tout de suite baillé derrière à m’en décrocher la mâchoire. C’est que ça m’avait un peu épuisé de jouer ainsi. Sans le vouloir, un deuxième bâillement sorti. Instinctivement, je posais doucement ma tête sur mes pattes avant et je fermais les yeux quelques instants.

Hum… Ça serait pas plus malin d’attirer l’attention de Thomas ? Non, il était en pleine discussion. C’était une meilleure idée de me reposer un peu. Au pire, s’il fallait partir à un moment. J’étais certain qu’il me réveillerait pour que je me retransforme et que je m’habille. Et puis, si je devais rentrer sur le campus après, il valait mieux que je me repose. Bien que j’avais aussi une chambre au manoir, maintenant…