Bella notte [20-21/06/2018]

Je jetais un coup d’œil à ma droite, Arcand-kun semblait à fond sur le film. Moi, j’arrivais à peine à suivre tellement je réfléchissais. Mais quelle mauvaise idée j’avais eu de lui proposer de rester dormir ce soir…

Bon, reprenons depuis le début. Il était arrivé quelques heures plus tôt, un peu avant la fermeture de la salle d’Arcade. En soit, rien d’étonnant. Comme j’étais un peu occupé, il a passé du temps sur une borne avant que j’annonce la fermeture. Et pour qu’il ne soit pas venu pour rien je lui avais proposé de rester et de manger un morceau avec moi. On a donc fermé la boutique à deux avant de monter dans mes appartements où je me suis directement mis à préparer le repas.

On a mangé, on a discuté, on a ri. Bref, ça s’était très bien passé. Sauf que la nuit était tombée entre-temps, avant qu’on s’en rende compte. Il était donc plus question de le laisser partir. J’ai un peu insisté pour qu’il reste dormir à la maison. Alors oui, il est vrai qu’étant un hunter en formation, je pouvais toujours le raccompagner. Mais comment lui expliquer que j’étais un hunter sans arme puisque j’en étais moi-même une ? Pas question. Il allait donc prendre mon lit et moi, le canapé.

Bref, on s’était du coup mis tous les deux dans le salon, devant la télé. Sauf que je me posais quelques questions. Déjà, il n’avait pas de quoi se changer, n’est-ce pas ? J’allais donc au moins devoir prévoir de lui passer des vêtements. Peut-être aussi d’autres pour la nuit. Et puis, j’avais remarqué un carnet dans son sac, légèrement ouvert. Il avait plusieurs fois parler de me dessiner. C’était l’occasion pour lui mais j’étais pas certain d’être prêt pour poser. D’un côté, ça me rappelait un peu trop Rum. Quand je pense qu’il m’avait croqué discrètement pendant le tournoi… D’ailleurs, j’avais toujours pas de nouvelle de sa part. Aucune idée de ce qu’il était devenu. En cette période sombre, les gens disparaissaient un peu trop facilement. D’ailleurs, en plus de la différence d’âge, c’était un autre point qui me bloquait dans l’idée d’aller plus loin. Ce qui était con, parce que j’aimais bien passer du temps avec lui. Mais il fallait pas que je m’attache. Pas pour le moment. D’où le fait que c’était une très mauvaise idée qu’il passe la nuit ici, chez moi. Enfin, bon… J’allais pas changer d’envie en court de route. J’avais insisté… Bah, j’assumais.

Cet après-midi, j’ai décidé de passer voir Kûdo-kun à l’Arcadénium. Il me manque parce que cela fait tout de même un bon moment qu’on ne s’est pas vraiment vu. Encore moins passé un bon moment ensemble. On s’est croisé parfois, mais entre mes cours au lycée, mes cours supplémentaires, et mes débuts dans mon nouveau club de cuisine pour améliorer mon niveau, je sortais assez peu de chez moi. Quant à mon bon jack, je n’ose imaginer la lourdeur de son planning entre sa salle d’arcade et ses missions pour les Chevaliers des Ombres. On avait dû se voir deux ou trois fois, surtout pour des sessions de parkour ensemble. Je progressais lentement, mais Kûdo-kun semblait toujours ravis de mes progrès.

Alors aujourd’hui, j’ai envie de le voir et tant pis si je dois glander un long moment à l’Arcadénium en l’attendant.

J’arrive devant la salle d’arcade, un peu avant l’heure de fermeture pour maximiser mes chances de voir Kûdo-kun. Je l’aperçois plus loin en train de s’occuper de clients. C’est pas grave, j’ai du temps devant moi, alors je m’installe devant une des bornes, celle de Space Invaders. J’aime bien ce jeu et en plus je ne suis pas trop mauvais dessus, contrairement à Pacman où je perds dans les cinq premières minutes de jeu. Après plusieurs parties, mon on jack annonce la fermeture, j’en profite pour aller le voir maintenant qu’il est un peu plus disponible. Pour qu’on passe un peu de temps ensemble, il me propose de rester et de manger avec lui. Ce que j’accepte avec le plus grand plaisir. Je vais profiter à fond de ce repas pour me faire de nouveaux souvenirs avec lui. En attendant, je l’aide à fermer sa boutique avant de le suivre à l’étage chez lui.

J’y découvre, après avoir laissé mes chaussures à l’entrée, un salon confortable et sobre où la majorité des installations sont pour sa passion pour les jeux vidéo. Son écran plat est deux fois plus grand que celui de mes parents chez moi à Sach Harbour ! Je n’en avais encore jamais vu d’aussi grand. Je rejoins Kûdo-kun dans la pièce d’à côté, qui s’avère être la cuisine, où d’ailleurs il s’est déjà mis aux fourneaux. Cela me gêne de le laisser tout faire, alors je lui propose de l’aider un peu. Il accepte et j’épluche les légumes pendant qu’il s’occupe du reste. A deux les préparations vont vites, et le repas est prêt dans la foulée.
D’ailleurs ce que mon divin jack a cuisiné est excellent ! On profite du repas pour discuter un peu de tout, aussi bien de ses rôles chez les Chevaliers, que de mes cours ou encore de nos prochaines séances de parkour. On rit beaucoup aussi, surtout lorsqu’il me raconte des anecdotes, je ris tellement que j’en ai mal aux côtes. Comme on était dans la cuisine, on n’a pas fait attention ni à l’heure ni à la nuit qui tombait. Sauf qu’elle était bien là maintenant, et il fallait que je rentre en faisant attention.

Kûdo-kun n’est pas de cet avis, et il insiste pour que je reste pour la nuit. Il ne lâche pas l’affaire et peu importe mes arguments. Je finis par céder et accepter. Au fond, je suis ravi de passer la nuit chez lui, même si cela ne va pas arranger mes fantasmes sur lui et encore moins mes rêves de lui. Il m’a invité à m’installer dans le canapé pour regarder un peu la télé. Je suis plus ou moins le film, j’ai un peu la tête ailleurs. Déjà je me rends compte que je n’ai rien pour me changer demain ni pour dormir. Peut-être que je peux, pour une fois, dormir juste avec mon boxer et mon t-shirt. Quant à demain ... si je me lève pas trop tard, je dois avoir le temps de rentrer pour me doucher et me changer avant d’aller en classe. Pour une fois, ce n’est pas si grave, et puis si c’est le prix à payer pour passer du temps avec Kûdo-un je le fais volontiers ! Je me demande aussi, si ça ne serait pas l’occasion de lui proposer de le dessiner. J’ai mon carnet dans mon sac à dos, ainsi qu’au moins deux ou trois crayons. Il faut dire qu’il quitte rarement mon sac de toute façon.
Je jette un regard en coin à mon ami, et je constate qu’il semble préoccupé. Je n’aime pas le voir ainsi, je préfère quand il sourit et est détendu. Lui non plus ne semble pas suivre le film d’ailleurs. Le son sert surtout à combler le silence. J’ai presque l’impression que le fait d’avoir insisté pour que je reste passer la nuit chez lui, le tracasse. C’est peut-être qu’il attend le retour de sa copine aussi, qu’elle est possiblement même en retard et qu’il ne sait pas comme lui expliquer ma présence. Ou tout simplement qu’il est inquiet qu’elle ne soit pas déjà rentrée ? Je doute que ça soit le moment idéal pour lui proposer d’être dessiné du coup.

« Quelque chose te tracasse Kûdo-kun ? Tu sembles préoccupé, depuis qu’on s’est installé devant le film. Tu sais si ça t’inquiète que je reste par rapport à ta copine, tu peux te rassurer. Il n’est pas encore si tard que ça, et puis je n’habite pas loin, si ça peut t’éviter des problèmes, je peux rentrer. »

La voix de Nathan me tira de mes pensées. Tracassé ? Ouais, peut-être un peu. Mince… Il m’observait ? J’pensais qu’il était dans le film, moi ! Hein ? Copine ? Mais j’ai pas de copine ! Qu’est-ce qui lui fait penser ça ? Et puis, les filles ne m’intéressaient pas. Enfin, ça, il ne le savait pas forcément. Et c’est pas comme s’il pouvait le deviner.

Daisu ▬ « Je… Je réfléchissais à ce qu’il te fallait pour la nuit. Au moins de quoi te changer. Tu ne vas pas dormir tout habiller. Et puis… Tu veux peut-être te prendre une douche aussi. Je vais donc te préparer un essui aussi. Je t’avoue que je préfère me laver au soir. J’suis pas sûr d’avoir de brosse à dents en rab, par contre. Désolé. De toute façon, tu restes ici. Il est trop tard et j’ai pas de quoi te protéger pendant le trajet… »

Je détournais la tête, dans une moue boudeuse. Non, mais. Il allait me rendre chèvre à parler de rentrer aussi tard. Qui dit qu’il y aurait pas un vampire ou un lycan dehors prêt à lui sauter dessus ? Et puis, c’était surtout pour qu’il ne voit pas que je mente. Je pouvais très bien le raccompagner chez lui, mais ça voulait dire qu’il sache pour moi. Et j’avais pas envie qu’il fuie parce que j’étais un lycan.

Daisu ▬ « Et je ne sais pas ce qui te fait penser que j’ai une copine. Elle serait rentrée depuis bien longtemps. Je n’en ai pas et je n’en aurais jamais… »

Oh… Fail… Quel crétin… Daisu, tu parles trop. Je posais un regard en coin sur Nathan. Il semblait se poser des questions, là. Tu m’étonnes. J’en avais trop dit. Et du coup, pas assez. J’ai vraiment le chique pour me mettre dans le pétrin.

Daisu ▬ « Disons que ça ne m’intéresse pas… Tout simplement. »

Simple et discret. Il en tirerait les conclusions qu’il voudrait. En attendant, direction la chambre pour lui préparer de quoi se changer. Je mettais le film sur pause et l’invitait à me suivre. Une fois devant ma garde-robe, j’en sortais un t-shirt, un boxer et un short. Ça serait suffisant, non ? Et ça lui permettrait d’être plus décontracté. C’était peut-être un poil trop grand. Mais le short, il pouvait toujours le serrer à la taille avec le cordon.

Daisu ▬ « Je te déposes ça dans la salle-de-bain. Du coup… Tu souhaites prendre une douche ? »

Je lui avais poser la question en même temps que je lui montrais la pièce d’eau. Au moins, il savait où se rendre d’il en avait besoin. Enfin, ce n’était pas comme si j’avais trente-six pièces dans mon appartement. Il aurait vite trouver aussi.

Kûdo-kun semble surprit que j’ai remarqué son air tracassé. C’est certain que c’est un aveu de ma part sur le fait que je le regardai lui, plutôt que le film à la télévision. J’en aurai même rougi si je n’étais pas autant concentré sur sa réponse à ma question. Il est vraiment gentil et adorable à vouloir être aussi attentionné. Je prends plutôt ma douche le matin, ça m’aide à me réveiller mais de toute façon j’aurai en effet besoin d’un essuie demain matin.
Il n’a pas de quoi me protéger sur le trajet ? Les Chevaliers que j’ai pu croiser dans les rues, ont pourtant tous une arme. Plus ou moins bizarre d’ailleurs maintenant que j’y pense. Peut-être que mon bon jack n’a pas encore reçu la sienne ? Après tout il n’est pas un des leur depuis très longtemps, c’est possible. Pourtant il ... fait la moue ? J’ai bien vu ? Mon divin jack est en train de ... bouder ? Ca l’embête autant que ça de ne pas pouvoir me protéger pendant le trajet ? C’est ... tellement adorable ! Je dois pourtant rester calme ... surtout ne pas penser à ce que je pense que ça pourrait être comme attention. Parce que ce n’est pas ça n’est-ce pas ? Ça ne peut pas être ce à quoi je pense. Je suis juste un ami pour Kûdo-kun, il ne me voit pas comme ... comme moi je peux le voir.

Pas de copine ? Pourquoi il n’en aurait jamais ? Pourquoi est-il si catégorique ? La dernière lui a fait tellement de mal qu’il pense ne pas avoir le droit d’être à nouveau heureux ? Là mon bon jack en a trop dit, et je m’interroge vraiment sur cette négation ultime. C’est fort le mot « jamais » tout de même. Comment ça cela ne l’intéresse pas ? Qu’est-ce qui ne l’intéresse pas ? Être en couple ou ... les filles ? Ca veut dire qu’il y a peut-être une petite chance ... infime, que je puisse avoir une chance ? Faut que j’arrête de fantasmer là, je vais trop loin ... Il ne doit absolument pas me voir de cette façon.
Avant que je n’ai le temps de dire quoi que ce soit, il me fait signe de le suivre. J’arrive alors dans sa chambre, qui est l’image même de la chambre d’adolescent comme celle que j’ai chez moi au Canada. J’adore, je crois qu’on a plus de point commun que je ne le pensais. Il sort de son armoire un t-shirt, un boxer et un short, avant de me dire qu’il me les met dans la salle de bain et me demander si je souhaite me doucher maintenant. Je le regarde un peu perdu pour le cout. Comment mon si divin jack peut-il passer de la moue boudeuse à la sollicitude aussi rapidement ?

« Er ... Oui ... oui merci Kûdo-kun. Je ... j’y vais et je ne serai pas long. »

J’entre avec les vêtements qu’il me prête dans la salle de bain. Il entre après moi, et sors un essuie d’un petit meuble avant de me laisser seul. J’aurai dû m’excuser pour mes dires de tantôt ! Comment je vais faire pour dormir ? Je vais en être incapable ! Rien que l’idée de l’imaginer en pyjamas ... Sans parler de dormir avec son odeur sur moi ! Une bonne douche va me faire du bien oui .... une bonne douche froide. Ca m’aidera à me remettre les idées en place et ça me fera du bien.
Quand je sors de la douche, je m’essuie rapidement le corps et enfile le boxer ainsi que le short que Kûdo-kun me prête pour la nuit. Le boxer est un peu grand, ce qui est normal car on ne doit pas faire la même taille. Le short aussi, mais en le resserrant à la taille ça fera l’affaire. Je m’essuie rapidement les cheveux, même s’ils sont encore humides et sors de la salle de bain en enfilant le t-shirt qu’il me prête, mes affaires à moi dans ma main gauche en même temps. Je me retrouve alors dans le salon, en tête à tête avec mon divin jack.

« Kûdo-kun pour tout à l’heure je ... je suis désolé je ne voulais pas être indiscret, ou te mettre mal à l’aise. J’ai ... fait une supposition hâtive parce que tu es tellement canon, et gentil et attentionné ... que je ne comprends pas comment ça se fait que personne ne soit en couple avec toi. Honnêtement, moi je ne te laisserai pas filer si je le pouvais. »

Je me tais et je réalise ce que je viens de dire. J’ai pas dit ça ? Non non non ! J’espère qu’il n’a rien entendu. Oh si à la tête qu’il fait il m’a entendu ... et très bien même. Bon qu’est-ce que je fais ? Comment je peux disparaitre ? Je dois être rouge écarlate, à ne rien avoir à envier au soleil du drapeau nippon. Mais pourquoi j’ai dit tout haut ce que je pensais ? Il doit carrément me prendre pour un abruti maintenant c’est sûr. Faut que je change de sujet ... que je détourne son attention de ce que je viens de dire. J’ai le don de me mettre dans des situations impossibles !

« Er ... et sinon ton .... arme de Chevalier tu penses que tu l’auras bientôt ? Tu n’as pas totalement fini ta formation à aujourd’hui, c’est pour ça que tu n’en as pas ? Ou au contraire, c’est qu’elle n’est pas prête alors que toi tu l’es ? Désolé si mes questions t’ennuient ... C’est juste que ... ça m’intéresse. Et puis tu es un peu comme un protecteur contre les pauvres que la maladie rend fous. Tu es comme un héro. »

Pourquoi est-ce que j’ai la sensation de m’enfoncer un peu plus ? Je n’ai même plus d’adjectif pour décrire à quel point je dois être rouge ... peut-être vermillon ? Il faut vraiment que je me calme, parce que sinon la nuit va être vraiment longue. Et avec tout ce que je viens de dire ... même pas la peine d’essayer de lui proposer de le dessiner. Il n’acceptera jamais.

Arcand-kun entra dans la salle-de-bain et, moi, j’en profitais pour m’avachir dans le divan. Le film était toujours sur pause. Et loin d’être fini. Avec toute cette histoire, j’avais même pas suivi le début. Peut-être pourrait-on le relancer. Ça serait rébarbatif pour Nathan, quand même. Bien qu’il avait pas l’air d’avoir tout suivi non plus… Mais quel gaffeur pouvait être, parfois. Asuna serait là, elle m’aurait déjà bien secoué. Y avait clairement des baffes qui perdaient, là.

Je m’allongeais un peu plus, me maudissant. Mais qu’est-ce qui m’avait pris de lâcher ça comme ça ? J’pouvais pas réfléchir cinq secondes avant de parler ? J’comprenais pourquoi pouvait désoler ‘Ka-san et Senpai. J’me soulais moi-même, alors les autres. Mais bon, j’avais pas l’pouvoir de revenir dans le temps. Il me restait plus qu’à trouver un vampire capable de le faire. Il débarquerait avant le couché du soleil pour dire à Nathan de rentrer… Ouais… Mauvaise idée. Pourquoi on l’aurait cru ? Et puis, changer le cours des choses, c’était jamais un bon plan. Il suffisait de voir tous les animes sur le sujet. Et puis, même si on changeait le passé, ça changerait réellement l’avenir ? Ou ça créerait un univers alternatif ? Houlà… J’vais arrêter de penser à cela, moi. J’avais déjà les neurones qui surchauffaient. Je n’allais pas en rajouter une couche.

La porte de la salle de bain s’ouvrit. Il avait déjà fini ? Oh… non, le temps avait juste filé. Ça faisait déjà trente minutes qu’il était en train de se changer. Bon ! A mon tour, du coup ! Ah non, pas si vite. Le blondinet tenait d’abord à remettre le sujet sur la table. Il détournait le regard. Il rougissait. Mais bordel ! C’est une déclaration, ça ! Et merde ! Voilà qui s’appelait faire de l’effet. Je sentais le rouge me monter aux joues et une gêne dans mon jeans. Là, si je m’écoutais, je lui sautais dessus en moins de deux. Je pouvais pas ne pas réagir ? Il était humain ! On ne pouvait rien en tirer ! Moi, j’allais rester comme ça s’en vieillir et lui, il finirait par disparaitre ! Il ne pouvait pas… Non, il ne devait rien se passer entre nous ! Instinctivement, je pris un coussin et je le plaçai à mon entre-jambe. Qu’il se rassoie, que je puisse prendre une douche à mon tour ! Glacée, de préférence ! Ça allait me remettre mes idées en place. Ah ! Il changeait de sujet ! Ah non… Pas franchement mieux. Je n’aimais pas mentir. Mais il allait bien falloir. Puis, au final. C’était une bonne diversion.

Daisu ▬ « En fait, les armes des Hunters ont été forgées il y a bien longtemps et le secret de leur fabrication s’est perdu avec le temps. Du coup, il n’est plus possible d’en créer de nouvelles aujourd’hui et elles sont tout de même assez bien limitées. En règle générale, les armes se transmette de génération en génération, comme un… trésor de famille, on va dire ? Du coup, ils n’en donnent pas tout de suite aux hunters en formation. »

Techniquement parlant, c’était pas un mensonge. Senpai serait fier de moi de me voir ainsi réciter mes leçons. Bon, en vrai, je n’en avais pas besoin mais comme j’avais encore une belle étiquette « en formation » sur le front, autant l’utiliser. Arcand-kun n’avait pas besoin de savoir que, techniquement parlant encore, j’étais une arme anti-vampire.

Bon, c’est pas tout mais il voulait pas s’assoir ? Histoire qu’il ne voit pas trop ma gêne… Bon, tant pis. A mon tour d’aller prendre une douche !

Daisu ▬ « Je vais aller me changer à mon tour ! Je serais pas long. »

Sans attendre, je me levai et je me dirigeai vers ma chambre pour prendre de quoi me changer. Habituellement, je ne mettais rien pour dormir. Mais, comme quand le Kazu venait, je pouvais pas faire ça. Du coup, un boxer, un t-shirt et un short. Voilà, direction la salle-de-bain. Je déposai mes affaires et je me déshabillai avant de me placer dans la cabine. Tiens… Le mitigeur était déjà sur l’eau froide. Pas normal, ça… Habituellement, mes douches, je le prenais tiède… Ça voulait donc dire qu’il avait aussi pris une douche froide. Oh, bordel ! Entre ça et ce qu’il venait de dire, je n’avais plus de doute à avoir. Arcand-kun en pinçait pour moi… Comment j’allais me sortir de ce guêpier ?

Bon… Pas le temps de réfléchir plus. Encore une fois, c’était une mauvaise idée. J’ouvrais l’eau sans attendre. C’était froid. Mais ça calmait mon problème et ça remettait les idées en place. C’était au moins une chose de réglée. Je sortis de la cabine avec la chair de poule et je pris le temps de bien me sécher avant de m’habiller. Une fois prêt, je revins au salon. Arcand-kun était de nouveau installé dans le sofa, l’air pensif. Il n’avait pas encore remarqué mon retour, on dirait. Cette fois-ci, j’eus le temps de le détailler un peu plus et je pus voir que son épaule était légèrement dénudée. Mes affaires étaient légèrement trop grandes pour lui. Oh, bordel. Mais c’était un appel à la luxure, là ! C’était pas possible ! Du calme, Dai ! Tu s’assieds, tu relance le film et tu fais comme si tu n’avais rien vu. La première action était simple à réaliser. La deuxième un peu moins, puis que je recaptais l’attention de l’humain pour lui demander si je pouvais appuyer sur le bouton play. La troisième, elle, était impossible. L’image que j’avais eu me restait en tête. Mais qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire ?

Kûdo-kun, avec un coussin dissimulant son entre-jambe, me réponds concernant son arme. On ne peut plus en fabriquer ? Mais alors comment il va pouvoir se défendre contre des lycans fous ? Je comprends tout à faire pourquoi elles sont si précieuses les armes anti-vampires. Il ne doit pas y en avoir encore beaucoup. J’hochais la tête sagement lorsqu’il me dit qu’il va se doucher à son tour. Il disparait donc dans la salle de bain.
Pendant qu’il se douche, je sors machinalement mon carnet à dessin et dessine un peu, sans vraiment réfléchir à ce que je fais. J’ai la tête ailleurs, et je vois les lignes s’agencer doucement sous mes coups de crayons. Parfois je gomme un ou deux traits pour en refaire de plus précis. Finalement, je regarde réellement mon dessin et rougis à nouveau en refermant mon carnet et le fourrant dans mon sac. C’est pas possible, j’ai dessiné de tête mon divin jack ... Enfin juste les premiers traits de son doux visage, mais on le reconnait bien. Pourtant lui, ne semble pas forcément être ... enfin ... Faut que j’arrête de penser à lui comme ça.

Je me cale mieux dans le canapé et regarde la télévision où l’image est encore figée. Peut-être que Kûdo-kun va vouloir revoir le début, il ne semblait pas suivre le film. Et si ce n’était pas le film en fait ? Même s’il dit le contraire, c’est peut-être ma présence qui le gêne. Après tout il n’avait pas l’air très à l’aise quand je suis sorti de sa salle de bain. C’est peut-être ce que je lui ai dit qui a eu cet effet. Qu’est-ce que j’ai été bête aussi ! Je n’aurai jamais dû le dire à haut voix, mon divin jack a dû se dire que j’étais tombé sur la tête aujourd’hui. Je n’aurai pas pu être plus maladroit en plus pour dire les choses ...
De toute façon, je n’ai aucune chance avec Kûdo-kun. Il doit me prendre pour un gamin, et je ne peux pas le lui reprocher. Il est plus âgé que moi et majeur en prime, sans compter qu’il a une entreprise et un métier de hunter maintenant. Qu’est-ce que je pourrai lui apporter moi ? Pas grand-chose ... je n’ai pas de métier, je suis encore au lycée et mes parents ne me laisseront probablement pas décider de rester après le coup que je leur ai fait pour venir avec la fausse signature.

Je laisse échapper un soupire à peine audible, avant de me passer une main sur la nuque. Le t-shirt de Kûdo-kun et trop grand pour moi, comme le reste de ses vêtements, résultat il glisse un peu sur mon épaule. Tant pis ça restera comme ça, de toute façon ça ne tiendra pas si je le remets correctement. Après ce que je lui ai dit, je ne vais pas avoir assez de cran pour lui demander de poser pour moi. Il y a des chances qu’il le prenne mal et refuse tout net.
Je ne remarque mon hôte que lorsqu’il se rassoit à côté de moi sur le canapé. Il me demande s’il peut relancer le film et j’acquiesce rapidement. Le film reprend alors, mais ni lui ni moi ne l’avons réellement suivi, pourtant ni lui ni moi n’agit pour le remettre au début. J’ai l’impression qu’il y a une gêne entre nous deux ... Peut-être même une barrière entre nous. Je ne vois ni ne comprends juste pas laquelle.

« Kûdo-kun ... est-ce que j’ai dit quelque chose qui t’a mis mal à l’aise ? Si c’est le cas, j’en suis désolé. Je ne voulais pas que tu te sentes mal. »

Je le regarde un peu en silence en me tournant vers lui, sans entendre le film. Je ne sais même plus vraiment pourquoi on l’a mis à l’origine. Peut-être pour combler le silence justement.

« Tu te souviens Kûdo-kun que je t’avais ... enfin je comprendrais si tu ne veux pas ... c’est normal. Pardon je n’avais pas fini ma première idée ... Tu acceptes de me laisser te dessiner en te prenant pour modèle ?
Je vois bien dans ton regard que tu n’es pas à ... à l’aise avec l’idée. Si tu ne souhaites pas, c’est pas grave. Peut-être que je pourrai te faire un dessin de l’Arcadénium une autre fois ou peut-être de tes personnages préférés ... si cela te dit. »

Je me mords la lèvre inférieure pour ne rien ajouter de plus. Bon sang il a vraiment un visage magnifique ... Il est magnifique comme garçon. Si seulement je pouvais être un peu moins quelconque ... Peut-être que je pourrais avoir une chance d’attirer son attention ?

Je regardais l’écran. Mais je suivais pas l’histoire. Faut dire que j’avais rien suivi, depuis le début. Ceci dit, je n’avais pas besoin de faire semblant de suivre le film vu que Arcand-kun se remit à me parler. Hein ? S’il avait fait dit quelque chose de mal ? Mais non ! Enfin si, il me donnait vachement chaud débraillé comme il était. Mais ce n’était pas de sa faute s’il était plus petit que moi.

Daisu ▬ « Non, non, tu n’as rien dit. C’est juste que j’ai… un peu la tête ailleurs…. Depuis que je… suis chez les Chevaliers. Disons qu’avoir pleinement conscience de ce qu’il se passe en ville. Ca fait plus réfléchir qu’autre chose. »

Non, en vrai. Nathan, j’ai juste envie de te sauter dessus mais ça serait pas raisonnable. Parce que j’ai le double de ton âge, que je suis un lycan, qu’un de nous deux va surement finir par avoir des sentiments alors qu’entre nous, c’est impossible. Je vais pas vieillir et toi, si. Et dans soixante ans, tu auras l’apparence de mon grand-père. Tu mourras et je serais triste… Non, clairement, fallait que je ferme ma gueule, là. Il allait me prendre pour un fou, il allait fuir en criant, attirer l’attention d’un vampire ou d’un infecté et finir en charpie. Bon… Okay. Je crois que j’étais peut-être en train de me faire un film.

Daisu ▬ « Et pour le dessin, ça me dérangerait pas. C’est jusque que ça me rappelle un ami. J’ai plus de nouvelles de lui depuis un moment. Je sais pas ce qu’il est devenu. Disons que je crains le pire. Peut-être un peu plus tard ? J’avoue que j’aimerais bien voir tes talents en dessin, tout de même. »

Mes pensées dérivèrent vers Rum, Sawa, Adriel… Toutes ses personnes qui étaient entrées dans ma vie et dont je n’avais plus de nouvelles. Je me demandais souvent s’ils allaient bien. Ou s’ils n’étaient plus.

Daisu ▬ « Il était… Assez excentrique, je vais t’avouer. Il avait parfois un air suffisant. Surtout quand il jouait aux jeux vidéo. J’aimais bien le faire redescendre sur terre. Il a essayé de me battre sur tellement de jeux différents que je ne saurais même plus compter. Il aimait bien se déguiser aussi. Et se travestir. Un véritable numéro. Il est mangaka. Je sais qu’il bossait sur un projet. Parfois, je fais un tour en boutique pour voir s’il n’a rien sorti de nouveau. Mais… »

Le silence retomba sur nous pendant quelques secondes. Puis, je me mis à brasser l’air pour chasser les souvenirs de ma tête. Cela me minait le moral et c’était pas vraiment le moment. Déjà que je buvais beaucoup moins. Je n’allais pas retomber dans mes travers. Il fut un temps où j’étais loin d’être raisonnable. Et quand on est un lycan, ça fait mal au portefeuille.

Daisu ▬ « Bon ! Et si tu me montrais ce que tu dessines, sinon ? »

Aie ... Un ami qui semble, à l’écouter lui être cher. Il est vrai que ça ne plaide pas pour ma proposition. L’expression de mon bon jack se fait plus lointaine. Je sais qu’il pense aux personnes qu’il connait et dont il a plus de nouvelles. J’aimerai le prendre dans mes bras et essayer de le rassurer. Je peux le faire en penser mais pas en action, il ne le prendrait probablement pas bien. Et puis moi j’aimerai plus mais lui ... peut-être pas.
Il me parle un peu plus de son ami dessinateur, enfin il est mangaka pour être exacte. C’est cool comme métier, même si c’est très exigeant. Il faut du talent pour en devenir un en tout cas. Excentrique ? Je ne suis pas sûr que le mot soit assez fort pour le décrire, parce que de ce que m’en dit mon divin jack, c’était vraiment un sacré numéro. Mais il n’a pas sorti de nouveau manga. J’termine mentalement sa phrase. Je peux comprendre que ça soit angoissant comme situation, surtout si c’est un ami proche. En ville, actuellement, une absence de nouvelle ou une disparition ne voulait rarement signifier une bonne chose. Au contraire même c’était une bad news.

Le silence se réinstalle entre nous, pendant lequel il chasse l’air comme pour chasser une mauvaise pensée. Probablement son inquiétude qui se réactive plus fortement à cet instant à cause de ma demande. Sauf que voilà, sa question suivante me souffle littéralement et me fait probablement prendre une teinte tomate bien mûre. Lui montrer mes dessins ? Er ... je jette un coup d’œil à mon sac et repense au dernier croquis du carnet. Comment je vais l’empêcher de le voir ? Surtout que mes dessins sont loin d’être au niveau de ceux de son ami mangaka. Je ne suis qu’un amateur et je fais ça pour me détendre et m’amuser.
Inspire un bon coup et ça va bien se passer !

« Si ... si tu veux Kûdo-kun. »

Je quitte donc le canapé et récupère mon carnet dans mon sac. Et si je déchirai la page avec son portrait ? Comme ça il ne le verrait pas et il n’y aurait pas de malaise ... En même temps, le faire ça être compliqué sans qu’il ne se doute de quelque chose. De plus je sens son regard sur ma nuque. Il entendra forcément que je déchire du papier et il verra mon geste ... Avec un peu de chance il ne va pas se reconnaître. Oui c’est ça !
Je reviens vers lui avec mon carnet en main, je replace comme je peux son t-shirt correctement sur mon épaule et me rassois à ses côtés.

« Tu veux bien être indulgent ? Je ne suis pas mauvais en dessin, mais je ne suis pas le meilleur non plus. Je pense que tu auras vu des dessins bien meilleurs que ceux que je vais te montrer. »

J’ouvre alors mon carnet, et le mets dans les mains de mon divin jack. Le premier de mes dessins est celui d’un portait de loup. J’avais été au zoo et j’avais pris mon temps pour dessiner celui qui me regardait fixement. Le regard profond qu’il avait, c’était ... comme s’il me connaissait. J’avais adoré le dessiner. Le second est un croquis que je n’ai pas terminé, c’est un tigre je crois. Je devais m’ennuyer ferme le jour où je l’ai croqué. La page suivante est un portait d’un lion mâle, dans un état de grande fatigue, puisque je l’imaginais couché sur le flan. En plus, on a l’impression de voir dans ces yeux qu’il est à moitié endormi. D’où il m’était venu l’idée de le dessiner d’ailleurs ? Je ne sais plus vraiment. Est-ce que ça a de l’importance ? Non. Ça m’avait plu de le faire à ce moment-là. Le croquis suivant est un paysage de chez moi. Probablement le dernier que j’ai fait avant de partir dans ce nouveau carnet. Ce doit être la vue de ma chambre, ou de la terrasse de Grand-Ma. Je crois que le regarder me rend un peu nostalgique des grands espaces que j’ai connu.

« Celui-là, c’est un paysage de chez moi, au Canada. Il n’est pas ... enfin il est un peu brouillon. Je l’ai dessiné avant mon départ, donc un peu dans la précipitation. Comme il n’est pas totalement fini, je ne sais pas si c’est la vue de ma chambre ou celle de la terrasse de ma grand-mère. Mais c’est un petit bout de chez moi quand même. »

Je regarde mon bon jack en lui souriant. Je ne sais pas s’il est jamais venu au Canada, mais je pense que ça pourrait lui plaire. Je tourne la page et y découvre en souriant Pikachu. Ça c’était à l’aéroport, je m’ennuyais alors j’avais dessiné l’un de mes pokemons favoris, rien de bien original. Ensuite j’ai dessiné des loups encore, sur fond de pleine lune. C’était dans l’avion, les forêts me manquaient déjà et je repensais au loup du zoo.

« Celui-là c’est une ruelle nippone, mais je l’ai imaginé à partir des nombreux animes que j’ai regardé. Alors je ne pense pas que ça soit très réaliste. Je me suis bien appliqué pour les écritures.

Là j’ai essayé de faire une porte de temple ou un autel. Mais je crois que c’est un peu ... en décalage avec ce à quoi elles peuvent ressembler réellement. Après pour un anime je pense que ça peut passer.

Et sur celui-là j’ai utilisé de l’aquarelle. En arrivant au Japon, j’ai fait une escale de plus heures à Tokyo, j’en ai profité pour aller voir la Tokyo Tower. Après tout, j’ignore quand je retournerai dans la capitale, j’ai préféré occuper le temps au mieux de ce que je pouvais. »

J’ai un bon souvenir de mon bref passage à Tokyo, j’aimerai y retourner plus tard, si j’en ai l’occasion. Maintenant il va falloir que je sois prudent. Il ne reste que deux dessins je crois avant celui qu’il faut absolument que je lui cache. Sinon ... sinon je ne sais pas comment il va bien pouvoir le prendre.

« Lui je l’ai fait pour le cours d’art au lycée. C’est un mélange de bonzai et de dragon. Je trouvais l’idée amusante. Mon professeur moins, je l’avoue, ça ne m’a pas valu une bonne note, mais je l’aime bien quand même.

Er ... celui-là c’est ... Enfin on parle beaucoup de lycans et de vampires en ville avec tout ce qui se passe. J’ai voulu en dessiner un, comme je me les imagine. Je doute qu’ils puissent ressembler à cela en vrai, en tout cas celui de la vidéo était différent même si on ne le voyait pas super bien. J’ai prévu de dessiner un vampire après, enfin si je trouve l’inspiration pour. »

Je n’ai pas le temps de récupérer mon carnet que Kûdo-kun a déjà tourner la page. Et là je ne sais plus où me mettre ... ni quoi lui dire. Comment je peux justifier un dessin de lui non fini, dans mon carnet alors qu’il n’a encore jamais posé pour que je le dessine ? Machinalement je détourne le regard et rougis. Je sens son regard sur moi, mais je n’ose pas le regarder pour savoir si c’est bon ou mauvais signe.

« Ecoute Kûdo-kun je ... c’est ... il n’est pas fini. C’est juste que ... j’ai essayé de te dessiner de ... de mémoire. Je sais que tu m’as dit ne pas être prêt pour poser ... et je comprends. De fait, si tu préfères, je peux l’effacer. Je comprends si cela te met mal à l’aise ou en colère.

J’aurai pas dû. Gomen. »

Qu’est-ce que je peux lui dire de plus ? C’est vrai je n’aurai pas dû le faire, mais tout à l’heure mon esprit à dérivé et je n’ai pas fait attention à ce que je faisais. J’espère juste qu’il ne va pas m’en vouloir trop.

Arcand-kun me sembla devenir livide ? Il avait honte de me montrer ce qu’il dessinait ? Quel con j’étais ! Je venais de lui parler de Rum, un mangaka. Il devait penser que ses dessins valait rien à côté. Quelle idée ! J’étais sûr du contraire et j’allais pas tarder à en avoir la preuve.

Après quelques instants d’hésitations, il finit par prendre son carnet et par se réinstaller à mes côtés. Le premier dessin est celui d’un loup. Alors, certes, il était pas au niveau de Rum mais personne ne pouvait nier qu’il y avait beaucoup de travail fait. Le dessin était magnifique, à mon goût. Et ce regard ! On aurait dit qu’il cherchait à sonder notre âme. Je tournais ensuite la page pour trouver le dessin d’un tigre, visiblement pas terminé. Mais très reconnaissable. On avait l’impression que l’animal se reposait un peu, assis. Et, sur la page suivante, il était possible de voir un lion. C’était tellement réaliste ! Sur un coup de tête, je me tournais vers Nathan et je m’exclamais sans ménagement.

Daisu ▬ « Et tu oses me dire que tu es mauvais ? Je suis sûr qu’avec encore un peu d’entrainement, tu pourrais bosser de ton coup de crayon ! »

Ma réaction le fit rougir un peu. Mais c’était la vérité ! J’en étais persuadé ! Il y avait clairement du potentiel. Il ne répondit pas, cependant, me laissant tourner la page pour arriver sur un paysage. Et j’ai droit, pour la première fois, à quelques explications supplémentaires.

Daisu ▬ « C’est peut-être vite fait mais ça donne envie de visiter ton pays. Si l’occasion se présente… J’ai déjà vu pas mal du Japon mais je ne l’ai jamais quitté. »

Le dessin suivant me fit rire ! Ce Pikachu était très réussi ! Il donnait envie de le sortir de là pour le câliner un peu. Est-ce que j’avais déjà dit à Arcand-kun que j’étais fan de la franchise ? Je m’en souvenais pas. Enfin, il le comprendrait certainement une fois qu’il s’installerait dans mon lit ! Tiens ! A nouveau des loups ! Il semble être fan de ces animaux. Je me demandais s’il en avait déjà croisé des vrais, dans la nature, ou seulement dans des zoos ou des réserves. Je ne posais pas la question, passant à la page suivante pour tomber sur une représentation d’une ruelle japonaise.

Daisu ▬ « Un style un peu vieux. Je pense que tu pourrais trouver un décor similaire dans les vieux villages. En tout cas, c’est très réussi. Par contre, il va falloir que je t’amène au temple. Surtout si tu veux te faire une idée plus réaliste ! »

Toyo tower ! Là, j’suis bluffé ! Mais c’est qu’il mériterait des baffes ! Il est excellent, ton niveau, mon grand ! Et le dragon bonzai ! Son professeur devait être coincé de quelque part pour ne pas lui avoir mis une mauvaise note. Ou juste jaloux de l’imagination du gamin.

Nouveau dessin. Un lycan. Je l’écoute d’une oreille attentive tout en examinant ce que j’avais sous les yeux. Ouais, c’était pas exactement ça mais il avait déjà bien l’idée de tête. Par contre, il fallait vraiment qu’il ne s’obstine pas à en croiser. Parce que je donnais pas cher de sa peau, sinon. En vrai, des lycans et des vampires, j’étais certain qu’il en croisait tous les jours. Mais un humain ne s’en rend jamais compte. Enfin, si, ça arrivait, mais généralement, cela voulait signifier la fin.

Page suiv… Oh… Mais c’est moi, ça ! mon regard se porte sur Arkand-kun. Quand il a fait ce dessin ? J’ai jamais posé pour lui ! Il essaie de se justifier. Il bégaie, il devint rouge, il ne sait plus où se mettre.

Daisu ▬ « En effet. Tu aurais juste pu me prévenir avant. J’aime pas trop être dessiné à mon insu. Mais bon… C’est plutôt ressemblant… Tu me le montreras une fois fini. »

Les compliments de mon bon jack me font monter le rouge aux joues … encore. J’ai l’impression qu’avec lui, je n’ai pas fini de rougir. Travailler de mon coup de crayon …J’en rêve, mais je ne suis pas dupe, il ne fait pas juste être bon pour percer. Il faut être original et ultra-bon, pour faire la différence. Je suis encore loin de ce niveau.

Envie de visiter mon pays ? C’est cool ça ! Peut-être que je pourrai y retourner pendant les vacances un peu et lui proposer de venir avec moi ? Enfin s’il le peut par rapport à tous ces engagements. Pas forcément aussi simple, surtout vu ce qui se passe en ce moment en ville. J’espère que cela va se calmer.
Devant mon Pikachu il rit. Je cris que j’apprécie vraiment de l’entendre rire. C’est spontané, vibrant et chaleureux, autant que mon bon jack. Je sais qu’il ne se moque pas, qu’il est seulement surpris par mon dessin. Et j’aime ça de pouvoir le surprendre dans le bon sens du terme !
Je me doutais que la ruelle que j’ai dessiné n’était plus d’actualité. En même temps c’est logique, les villes ont changé, se sont modernisés et les traditions architecturales n’ont pas forcément survécus. Ce ne veut pas dire qu’elles n’existent plus pour autant, mais elles sont moins présentes au quotidien. J’acquiesce à sa proposition de m’amener au temple de la ville. Y aller avec quelqu’un qui connait les rite et coutumes, c’est un plus non négligeable … et c’est encore plus appréciable si j’y vais avec Kûdo-kun ! J’ai hâte en fait et je lui souris largement.
Ces yeux pétillent en voyant la Tokyo tower et le dragon banzai. Ca veut dire que ça lui plait ? Peut-être que je devrais lui proposer de les prendre et de les garder. Peut-être que ça lui fera plaisir ?

« Si ils te plaisent Kûdo-kun, tu peux les prendre si tu veux. Je te les donne avec plaisir. »

Il semble déjà plus contrarié devant mon dessin de Lycan. Il faut dire qu’il essaie, vainement, depuis qu’on se connait de me dissuader de m’intéresser de plus près à toute cette histoire. J’ai conscience que cela fait partie de sa mission en tant que Chevalier des Ombres mais … il est vraiment opiniâtre sur le sujet. Peut-être même un peu trop en y réfléchissant. Comme si … comme s’il voulait absolument que je ne m’approche pas de quelque chose. Même si j’ignore ce qu’est ce quelque chose. Et puis j’ai peut-être un ressentis modifié en ce qui concerne les intentions de mon divin jack …
Ma surprise est indescriptible lorsque je constate qu’il ne se met pas en colère, et que le reproche qu’il me fait est totalement dérisoire. Il ne prend pas trop mal le fait que j’ai commencé son portrait de tête. Malgré tout, je me sens penaud et terriblement désolé. Je culpabilise d’avoir agit à l’insu de mon bon jack, même si je ne l’ai pas fait exprès.

« Je suis vraiment désolé Kûdo-kun, j’aurai dû réfléchir avant de dessiner sans penser. Oui je … je te le montrerai une fois terminé. J’espère que ça ne t’a pas trop mis en colère ou blessé ?

C’est juste que …. Enfin tout à l’heure quand … quand tu es allé te douché je …. J’ai dessiné pour m’occuper et en même temps je pensais à toi … alors je crois que j’ai … machinalement suivi ma pensée. Sumimasen. »

Je me tais et réalise ce que je viens de dire. Je ne fais qu’avouer ce soir ! C’est infernal ! Qu’est-ce qu’il va bien pouvoir penser de moi après ça ? Il ne va pas vouloir m’accorder un peu d’intérêt après tout ça. Il faut vraiment que je reprenne pied moi, c’est vrai qu’il me fait tourner la tête plus que de raison mais … j’doute d’avoir une chance. Une vraie chance. Comme quoi Grand’Ma avait raison. Il suffisait que je quitte le pays pour découvrir ce qui m’attirait. En l’occurrence, Kûdo-kun.
Une fois mon malaise un peu passé, je me dis que je devrais carrément oser. Après tout … je ne risque rien à poser la question. Dans le pire cas, il ne me répond pas ou me répond négativement. Et dans le meilleur … et bien peut-être que j’aurai un peu de réponse. Je me mordille la lèvre.

« Kûdo-kun … est-ce que tu veux bien me dire pourquoi tu … tiens tant à ce que j’arrête d’essayer de rencontrer des lycans ? Je pense que je peux comprendre pour les vampires, à cause du fait qu’ils peuvent boire mon sang. Mais pourquoi les lycans ? Je veux dire, je sais bien qu’ils peuvent être dangereux mais … »

Je n’ai pas le temps de terminer mon idée, que son téléphone sonne. Visiblement avec insistance. Je désigne son téléphone.

« Tu ne devrais pas répondre ? C’est peut-être important vu l’heure. »