Bella notte [20-21/06/2018]

Aecand-kun me proposa de garder le dessin de la Tokyo Tower et celle du dragon Bonzai. Je voulais bien. J’avais même une excellente idée de l’endroit où les placer.

Daisu ▬ « D’accord. Ce que je te propose, c’est que tu les signes. Et quand j’aurais un peu de temps devant moi, j’irais chercher de quoi les encadrer et les accrocher au mur. Je pense que je sais déjà où ils finiront. »

Avec précaution, je déposai les deux dessins sur la table basse du salon avant de reprendre la discussion. Nathan s’excusait de m’avoir dessiné à mon insu. Si j’étais en colère ou blessé ? Non, les mots étaient peut-être un peu fort. J’aurais plutôt dit que j’avais été désagréablement surpris. Ilk m’expliqua n’était pas vraiment volontaire de sa part. Il avait pris son crayon en attendant que je prenne ma douche et… Il avait pensé à moi ? Surement au fait qu’il veuille que je lui serve de modèle, surement. Est-ce que je pouvais réellement lui en vouloir ? Par vraiment. Et puis, ce n’était pas une affaire d’état et il n’y avait pas mort d’hommes. On allait pas faire une montagne d’une taupinière. Je lui souris.

Daisu ▬ « C’est pas grave. Allez, ne nous prenons pas la tête pour ça ! »

Toutefois, je sens que ce n’est pas encore fini. Il restait quelque chose. Et ça, je sentais que ça n’allait pas me plaire. Je le vis prendre son courage à deux mains, puis la parole. Erf… Cette question. Ce piège. Ce dilemme… Lui dire la vérité ? Mentir ? Prétexter ? Paniquer ? De toute façon, c’était de la folie. Certes, les lycans n’étaient pas des bêtes sauvages qui attaquaient les humains à vue. Enfin… Uniquement en temps normal. Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire, lui, une simple humain, s’il venait à rencontrer un infecter. Je n’osais même pas imaginer.

Il est interrompu par le son de mon portable. Un sms. ‘Ka-san ? Que me voulait-elle, encore ? Enfin, elle pouvait bien attendre un peu. Là, il fallait d’abord que j’aie une discussion sérieuse avec Arcand-kun, pour lui enlever cette idée suicidaire de la tête. Alors que je m’apprêtais à répondre, il me fit une remarque qui me faisait tiquer. Vu l’heure ? Mais il était quelle… Oh bordel ! Pourquoi ‘ka-san m’envoyait un sms à une heure du mat ? Je fronçais les sourcils. Il s’était passé quelque chose. Nathan avait raison, c’était évidemment important.

D’une main légèrement tremblante, je déverrouillais mon téléphone pour lire le messag et je me sentis devenir blanc. Non… Merde non ! La peur me prit entièrement, j’avais l’impression que j’allais perdre le contrôle. Sans attendre, je lâchais mon téléphone comme s’il m’avait brulé la main et je courais m’enfermer dans la salle-de-bain. Juste à temps. J’espérais qu’il n’avait vu ni les oreilles, ni la queue, ni les canines ou les griffes. Mais bordel. Comment j’avais réussi à perdre le contrôle ainsi comme un vulgaire louveteau. Je devais me reprendre. Il y avait Nathan dans le salon. Comment allait-il réagir en me voyant ainsi ? Il ne fallait… Merde. Des coups sur la porte. C’était lui.

Daisu ▬ « N’entre pas… S’il-te-plait. »

J’appuyais mon dos sur le mur et me laissais glisser jusqu’au sol. Un lycan avait été retrouvé mort. Et il était toujours sur forme lupine. Ce n’était pas normal. Cela n’avait rien de normal… Que s’était-il donc encore passé ?

Je signe les dessins que je donne à Kûdo-kun, pendant qu’il regarde qui lui envoie un message au milieu de la nuit. Il fronce les sourcils et tremble, est-ce que ça veut dire qu’il redoute une mauvaise nouvelle ? J’observe mon bon jack déverrouiller son portable, puis lire le message qu’il a reçu.
Il devient livide, comme si l’information du message était la pire qu’il puisse recevoir. J’espère que ça ne touchait pas quelqu’un qu’il connaissait, que ce n’était pas aussi grave que son teint de neige me le fait supposer. Il continue de trembler, les yeux écarquillés. Je vois qu’il a peur. Mais pas la peur que j’ai pu avoir lorsque je me suis perdu au début en ville, la vraie de vraie. Celle qui nous pousse à agir n’importe comment sans s’en rendre compte.

« Kûdo-kun, qu’est-ce que .. ? »

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’il lâche son téléphone comme s’il était un yôkai ou pire. D’un bond, il quitte le canapé et s’enfuie dans la salle de bain en fermant la porte derrière lui. Je reste un instant, qui me semble durer longtemps, seul dans le salon à fixer bêtement l’endroit où il se trouvait sur le canapé.
Ce n’est pas tant sa fuite qui me rend stupéfait, que ce que je crois avoir vu lors de son départ. J’ai cru voir une paire d’oreilles de … loup ? Non j’ai dû mal voir. Kûdo-kun a les cheveux en bataille, il est parti très vite, ça ne devait être qu’un épi que j’ai confondu. Oui mais … il avait une … queue ? Non ? Je me frotte les yeux comme pour mieux y voir. Soit j’ai mal vu, soit … et bien Kûdo-kun avait bien une queue et des oreilles de loup lorsqu’il est parti.

Je quitte le canapé à mon tour et me dirige vers la porte. J’hésite un instant avant de frapper doucement. Mon bon jack me demande de ne pas entrer, et à sa voix je sais que ça ne va vraiment pas. Gardant le silence, j’écoute tous les bruits pouvant venir de la salle de bain. Je finis par percevoir qu’il s’asseyait sur le sol, comme si ses jambes ne pouvaient plus le porter. Bon sang qu’est-ce qui se passe ? Je m’assois par terre, m’appuyant contre le mur à côté de la porte.
J’ignore ce qui vient de se passer, ainsi que ce qui vient de le mettre dans un tel état. Comment je peux faire pour l’aider à se calmer ?

« Qu’est-ce qui ne va pas Kûdo-kun ? Le sms que tu as reçu … c’était une mauvaise nouvelle c’est ça ? Ta famille va bien ? »

Je sais que ma voix n’est pas aussi assurée qu’elle le devrait, ou plutôt que je le voudrai. Mon divin jack est dans tous ses états et je ne peux rien faire d’autre que de lui parler à travers une satanée porte ! J’aimerai tellement faire plus, arriver à l’épauler. Ce n’est peut-être pas le moment, du coup, de lui demander si j’ai bien vu tout à l’heure.

« Je peux faire quelque chose pour toi ? Tu veux boire quelque chose pour t’aider à reprendre tes esprits ? Est-ce … tu veux parler de … de ce que tu viens d’apprendre ? »

J’y vais plus à tâtons sur cette dernière question. Je sais que j’accorde énormément de place et d’importance à Kûdo-kun, c’est un ami même si moi j’aimerai plus. Mais qu’en est-il de lui ? Il ne me considère peut-être pas comme un ami à qui il pourrait se confier.

J’entendis un bruit contre la porte. Comme s’il venait de glisser par terre. Au moins, il n’était pas entré. Je n’avais pas envie qu’il me voie ainsi. Il allait prendre peur. Ouais, il voulait rencontrer un Lycan. Mais entre le rêve et la réalité, il y avait un monde. Bordel, un lycan était mort. Je ne savais pas encore qui s’était mais ça aurait pu être n’importe quel lycan, non ? ‘Ka-san, ‘To-san… Moi ! Et j’avais pas répondu à ‘Ka-san… Merde ! Elle va s’inquiéter aussi. Bon, elle allait bien se douter que j’allais pas rester de marbre à la nouvelle. Prends-le temps de te calmer, Dai. Respire. Tu dois reprendre forme humaine. Enfin, plus facile à dire qu’à faire avec Nathan de l’autre côté de la pièce. Non, je me passerai bien du verre d’eau. Et quant à parler… Hu… « Désolé, j’ai paniqué parce que j’ai appris qu’un lycan venait d’être tué. » Non… Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Il va encore se poser plus de question après ça. Bon, allez ! Ferme les yeux, respire à fond et vide-toi l’esprit, Dai. Compte jusqu’à dix. Un… Deux…

Tout doucement, les oreilles reprirent une forme normale. Ma queue avait disparu et j’avais à nouveaux des ongles à la place des griffes. J’étais encore secoué par la nouvelle mais, au moins, Nathan pouvait me voir comme ça. Je me levais, difficilement, avant de me passer un peu d’eau sur le visage. Un coup d’œil rapide dans le miroir me permit de voir que j’étais livide. Bon, c’était mieux que rien. Je me dirigeais ensuite vers la porte, que j’ouvris délicatement, et mon regard se posa sur Nathan qui était toujours assis. Je lui offris un léger sourire, qui devait plus ressembler à une grimace qu’autre chose, avant de prendre la parole, d’une voix faiblarde.

Daisu ▬ « J’dois d’abord répondre à ma mère. On en discute juste après ? »

Il se releva, avant d’acquiescer, et nous nous dirigeâmes vers le salon. Je fis une simple réponse rapide. Je demandais juste si Senpai était sur le coup. Elle me répondit de suite, sans attendre, que oui. Okay, j’aurais plus d’infos au boulot le lendemain. Pour le moment, je devais d’abord me remettre du choc.

Je posais à nouveau mon téléphone, après une nouvelle réponse, avant de reporter mon attention sur Arcand-kun. Il me regardait fixement, l’air de ne pas savoir quoi faire. Je pris une longue inspiration avant de soupirer longuement. Une tentative bien futile de calmer mes derniers tremblements. J’avais dit qu’on allait parler. Bah parlons.

Daisu ▬ « C’était… ma mère… Je viens d’apprendre qu’un… ami… a été retrouvé… mort ce soir. »

Même en mentant, c’était compliqué à dire.

Daisu ▬ « Elle est sur les lieux. Il y a déjà la police et les chevaliers… »

Le silence s’éternise après mes questions. J’entends Kûdo-kun se lever finalement, et faire couleur de l’eau. Je suppose qu’il tente de se rafraichir un peu en s’en mettant sur le visage. Peut-être pour cacher des traces de larmes ou simplement pour se remettre du choc qu’il vient d’avoir. Je me décale légèrement, pour ne plus être contre la porte. C’était une bonne idée car peu après, mon bon jack l’ouvre. Toujours aussi pâle qu’avant d’entrer dans la pièce d’eau. Ca m’inquiète toujours autant. Et c’est pas son sourire à l’allure de grimace qui va me rassurer, encore moins sa voix digne d’un fantôme.
Répondre à sa mère ? Ca veut dire que sa famille est touchée ? J’espère que ce n’est pas aussi grave que son état me le laisse penser. Je me relève donc avant de lui répondre d’un simple hochement de tête. Qu’est-ce que je pouvais dire de plus ? Il valait mieux s’occuper d’une chose à la fois, et mine de rien il avait reçu le message depuis quelques paires de minutes. Sa mère risquait de s’inquiéter, à juste titre, même si en réalité ce n’était pas pour grand-chose.
On retournait donc dans la pièce de vie, et on se réinstallait machinalement sur le canapé. Je le laissais tranquillement répondre à son sms, qui semblait appeler une réponse puisque son téléphone se remet à vibrer. Il semble légèrement rassuré par ce qu’il lit, avant de répondre une dernièrement et de poser son portable. Là il porte à nouveau son attention sur moi. Son teint blanc, son regard quasi-vide, ses tremblements légers encore présents … tout m’indique qu’il est loin d’être remis de son choc. J’écoute pourtant sans broncher ses explications à sa réaction, et à la situation.
Sans même réfléchir, je l’enlace amicalement pour tenter de le réconforter. Comme je pouvais le faire avec mes amis, ceux que j’ai laissé chez moi, au Canada.

« Je suis tellement désolé Kûdo-kun, toutes mes condoléances pour ton ami. »

Je le pense sincèrement, même si je sais que souvent on emploie ces mots comme des mots creux. Après tout, qu’est-ce que je peux dire d’autre ? Je suis triste pour lui, j’aurai souhaité que ça ne lui arrive jamais. Mais je ne peux rien changer à la situation. En revanche, pour que les chevaliers soient sur place, c’est que ça a un rapport avec les vampires et les lycans. A chaque fois qu’ils sont appelés quelque part, ça a un lien avec. L’ami de Kûdo-kun est un vampire ou un lycan ? S’il peut affirmer que c’est son ami … c’est qu’il y a un corps, donc ça ne peut pas être un vampire. Puisqu’ils sont désintégrés après leur mort. C’est qu’une supposition mais … puisque mon divin jack reste vague, et qu’il veut m’éloigner à tout prix des lycans et vampires, c’est logique. Pourtant … ça impliquerait qu’il omet de me dire certaines choses. Par manque de confiance ou volonté de protection ?
Je m’écarte de lui doucement, et lui offre un sourire réconfortant. J’hésite à avancer mon hypothèse tout de suite, il n’est pas encore très remis, ça se voit. Pourtant … pourtant j’aimerai qu’il n’y ait pas de secret entre nous, pas sur quelque chose d’aussi futile que des oreilles et une queue de loup.

« Tu … tu le connaissais depuis longtemps ? Ta mère l’a reconnu, c’est pour ça qu’elle t’a prévenu ? Elle travaille avec la police ou les Chevaliers comme toi ? »

Oui je suis probablement trop curieux, mais sa mère a forcément une bonne raison d’être là-bas. Enfin si y’a un crime qui a eu lieu, on n’appelle personne dans un premier temps. Du moins, c’est comme ça part chez moi, je ne vois pas pourquoi ça serait différent ici. La famille est appelé une fois le corps déplacé, hors Kûdo-kun me dit que c’est un ami, il n’y a aucune raison qu’il soit prévenu par les autorités du coup.

« Est-ce que … tu savais pour lui ? Je veux dire tu savais que c’était un lycan ? »

Kûdo-kun me regarde, presque avec effroi quand je lui annonce cela. J’ignore si c’est parce qu’il ne souhaitait pas que je le sache, ou parce qu’il ne comprend pas comment je le sais. En vérité, son expression confirme seulement l’une de mes hypothèses, rien de plus. J’en déduis qu’il est quasiment certain maintenant que ma seconde hypothèse est vraie elle aussi.
Je prends l’une des mains de Kûdo-kun dans les miennes, peut-être pour le rassurer autant que cela me rassure moi-même. Je ne sais pas vraiment dans le fond.

« Et tu en es un aussi n’est-ce pas ? Tu … ne voulais pas que je te vois transformé ? C’est pour ça que tu t’es isolé dans la salle d’eau. »

Il s’approcha et me prit dans ses bras. Ça m’a surpris, clairement. Je m’y attendais pas. Faut dire que nous étions pas du tout du genre tactile, sauf avec les personnes très proches. Et quoi qu’on en dise, je connaissais bien maintenant Arcand-kun. On s’était vu plusieurs fois pour que je l’entraine. Mais ce n’était pas pour autant que je nous considérais comme tel. En tout cas, je ne le repoussai pas. Parce que j’en avais besoin pour l’instant. Je me laissai aller, me permettant même de poser ma tête sur son épaule. Ses mots semblent sincères. Je l’entends dans le ton de sa voix.

Après un léger moment, il finit pas s’écarter, doucement. Pour ma part, je m’étends sur le fauteuil, tête en arrière. C’était peut-être un peu trop court. Il me repose des questions. Depuis combien de temps je le connaissais ? Bonne question. Je ne savais pas qui s’était. ‘Ka-san ne m’avait rien dit. Je ne savais pas si elle le connaissait elle-même.

Daisu ▬ « Euh… Non. Elle est photographe. Elle a été prévenue par un ami qui se trouvait sur la scène de crime. Depuis combien de temps je le connais… Je sais plus… C’est un ami de la famille. »

C’est décousu, lacunaire. Comment paraitre vrai dans des cas pareils ? Sérieusement, parfois, je mériterais des baffes. Au lieu de calmer les soupçons qu’il pouvait avoir, je les alimentais.

Daisu ▬ « Alessio, l’ami de ma mère, est un homme d’affaire qui travaillait non loin. Il devait surement faire des heures supp’. Il a trouvé son corps et l’a prévenu aussitôt. »

Ça allait l’air de prendre. Cependant, j’étais pas sorti de l’auberge. La question suivant me donna une sensation perplexe, un mélange entre incrédulité, effroi et perplexité. Comment pouvait-il s’avoir ? Comment avait-il deviné ? Merde. J’ai mentionné les Chevaliers. C’était à cause de ça ? Je n’ai même pas le temps de répondre avec un autre mensonge bateau. Il prend une de mes mains dans les siennes et pose la question fatidique, le regard croisant le mien. J’aurais pu encore mentir, très certainement. Prétendre une attaque de vampire. Ça aurait pu expliquer la présence de Senpai et de ses hommes sur place. Mais à quoi bon ? Je suis un mauvais menteur. A la place, je soupirais, lâchant une remarque simple, mais amère.

Daisu ▬ « Tu es trop intelligent pour ton propre bien… »

Je retirais vivement ma main. C’était la première fois que mon secret était découvert ainsi par un humain, sans que je le confie réellement. Ce n’était pas comme avec les chevaliers. Ce n’était pas comme avec les vampires. Cela me fit frissonner. Il ne savait pas dans quoi il s’embarquait en côtoyant le surnaturel d’aussi près ?

« Tu es trop intelligent pour ton propre bien … »

Suite à ses mots, Kûdo-kun retire vivement sa main des miennes. Je sens et vois, que ça ne lui plaît pas que je sois arrivé à cette conclusion. Déjà qu’il n’était pas très heureux en voyant que je déduisais que son ami était un lycan … Je vois qu’il frissonne, je sais que ce n’est pas de froid. J’ai la sensation qu’il faut que je rassure mon bon jack.

« C’est possible oui … pourquoi ne voulais-tu pas que je le sache ? Tu restes toi, ça ne change rien. »

Kûdo-kun ne réagit pas de suite, comme s’il cherchait à … je ne sais pas vraiment quoi d’ailleurs. La situation ne le met pas à l’aise. J’ai l’impression qu’il cherche la meilleure façon pour me faire comprendre qu’il peut être dangereux, que les créatures surnaturelles peuvent être dangereuses. Sauf que tout cela, je le sais déjà et j’en ai bien conscience. J’ai beau être prudent, je ne peux pas éviter les individus surnaturels. Y’a qu’à regarder mon patron après tout. Je crois que lui et moi ne venant pas du tout de la même planète tellement il est en décalage.

« Tu sais Kûdo-kun, même en le voulant, dans cette ville éviter les vampires ou les lycans, je ne crois pas que ce soit possible. Il faut juste … être prudent autant que possible. »

Mes mots ne semblent pas l’atteindre, comme s’il était loin, très très loin de son salon et du canapé. Il m’inquiète d’autant plus que son teint est toujours aussi fantomatique. Sans rien ajouter de plus, je quitte le canapé et vais dans la petite cuisine. Je prends le verre de mon bon jack et y remplis de l’eau, avant de le lui ramener. Je lui mets dans les mains.

« Je n’ai pas encore eu l’occasion de te le dire, parce qu’on ne s’est pas beaucoup vu dernièrement, mais j’ai trouvé un travail après les cours. Mon patron est un vampire. Il a d’ailleurs été très cash sur ce point, comme si … c’était normal et que tout le monde savait. »

Le regard de mon divin jack change légèrement. J’ignore comme interpréter la façon dont il me regarde maintenant. J’ai presque l’impression qu’il me prend pour un fou au mieux ou un inconscient au pire. Je n’aime pas ce que ça sous-entend, même si je crois comprendre pourquoi il réagit comme ça. Je ne cille pas pour autant, et soutiens son regard. Après je n’ai rien fait de répréhensible.

« Tout se passe bien, je ne le croise qu’à la fin de mon service pour faire le bilan avec lui. Il ne m’a jamais rien fait. Et je sais que tous les vampires ne sont pas aussi … gentil que mon patron, et que dans l’ensemble il vaut mieux que je me méfie. »

Pourtant, l’attitude de Kûdo-kun ne change pas. Il est toujours distant avec moi depuis que j’ai deviné son appartenance aux lycans. Sauf que ça n’a aucune importance qu’il en soit un ! Il reste Kûdo-kun après tout. Alors oui ça explique son endurance gigantesque, ses facilitées sportives aussi Mais ça ne change pas son comportement, ni son caractère, ni ses qualités ou ses défauts.

« Ca ne change rien que tu sois un lycan à mes yeux Kûdo-kun. Comme je te l’ai dit, ça ne change pas qui tu es. Je suis désolé d’avoir compris cela seulement maintenant, et surtout alors que tu viens de perdre un ami. Et si cela peut te rassurer, je ne parlerai pas de ton secret.
Après si je dois être totalement honnête avec toi … je ne connais vraiment que toi et mon patron ici. »

Il marque un point, je ne peux pas le nier. Malgré la transformation, je restais moi. Je l’avais bien compris, à force. Il avait fallu le temps, le temps que j’apprenne à me contrôler. Mais au final, j’étais moi-même. Juste plus fort, plus rapide… Mais plus réactif aussi. Mais, le problème n’était pas là. Il était loin de là. Il était tout autre. A vrai dire, c’était peut-être même un soulagement. Mais ça n’enlevait pas la peur et les doutes que j’avais. Parce que j’étais immortel, que je n’allais plus vieillir. Là où lui n’était qu’une petite chose fragile, sans moyen de se protéger. Au moindre problème, à la moindre mauvaise rencontre, il n’en ressortirait pas vivant, sans aucun doute. Il essaie tant bien que mal de me rassurer. Mais cela ne suffisait pas à taire la frayeur qu’il y avait au fond de moi. Clairement, j’avais perdu trop de monde dernièrement, avec tout ce qui se passait en ville pour pouvoir penser autrement. Et cela provoquait une déchirure entre mon ma raison et mon cœur. Mon cœur qui voulait vraiment s’attacher, parce que Arkand-kun était gentil, drôle et attachant, et ma raison qui me rappelait sans cesse à quel point j’aurais mal s’il venait à disparaitre à tout jamais. La disparition de Rum me pesait, celle de Sawa aussi, sans oublier celle de ‘Ka-san et ‘To-san, même s’il était revenu entre-temps. Ce n’était pas quelque chose qui s’effaçait d’un simple claquement de doigts. Cela aurait été trop facile.

Nathan me parle d’un boulot. Je n’arrive pas à m’en réjouir, même si c’était surement une bonne nouvelle pour lui. Parce que ça fait une attache en plus pour lui ici. Son patron était un vampire, je relevais rapidement la tête en entendant cela. Juste un peu surpris que celui-ci soit aussi cash envers les autres. Après tout, les vampires avaient mauvaise réputation. Comme les lycans à cause des infectés. Oui, il devait être gentil. Je n’en doutais pas qu’il y en avait, j’en connaissais aussi. Mais pour chaque vampire raisonnable, il y en avait qui chassaient pour se nourrir, comme pour chaque lycan sain, il y en avait des infectés qui n’étaientt plus que des bêtes sauvages. Actuellement, il y avait rien que l’on pouvait faire pour eux. Et c’était surtout eux que les humains retenaient. Oh, il y avait bien des personnes qui bossaient sur un remède, je le savais. Mais combien de temps pour que ce dernier soit fini ? Et combien de temps encore pour que la mentalité des humains change à notre égard ?

Je n’ai toujours pas dit un mot depuis cette révélation. J’aimerais, mais ça ne veut pas sortir. Nathan doit le sentir parce qu’il reprend la parole, essayant encore de me rassurer. J’avais bien compris. Après tout, il me le montrait bien, qu’il n’en avait rien à faire que je sois un lycan. Mais le problème n’était pas là, toujours. Je pris une grande inspiration, pour pousser un long soupir. Avant de prendre la parole.

Daisu ▬ « Le problème n’est pas là. A vrai dire, dans d’autres circonstances, je pense que j’aurais été ravi que tu le saches. Mais… Il y a autre chose. Malgré tout, je ne peux m’empêcher d’avoir peur pour toi. Oui, tu es prudent et tu fais attention. Mais c’est la merde dehors. Et ta vie est en danger en restant ici. Je pense que tu as eu de la chance de ne pas faire de mauvaise rencontre pour le moment. Mais tu finiras bien par en faire une. J’aurais voulu trouver les mots pour te convaincre de retourner chez toi, lors de notre première rencontre. Parce que cela aurait été tellement plus simple… Chez toi, tu ne serais pas en danger comme tu l’es en restant ici… »

Et je ne me serais pas attaché à lui comme je le commençais à l’être et je n’aurais pas eu peur de le voir disparaitre sans nouvelles comme Sawa ou Rum. Je comprenais tellement l’envie d’Asuna de nous enfermer en haut d’une tour en cette instant. Mais la grande différence était que, moi, je pouvais fuir et m’en sortir, voire me défendre face à un vampire. Nathan, lui, n’allait certainement pas survivre à une telle rencontre…

Kûdo-kun pousse un grand soupire après avoir largement inspiré. J’ignore pourquoi, mais j’ai l’impression que ça n’augure pas grand-chose de bon. Comme si … comme s’il allait chercher à me repousser définitivement loin d’ici. Loin de lui. Et là de suite, je n’arrive pas à décider si cela m’attriste ou me révolte. Ce dont je suis convaincu, c’est que je ne partirai pas d’ici. Pour la première fois, depuis super longtemps, je me sens vivant ! Je crois que je suis à ma place dans cette ville. Peut-être que je pourrais retrouver mes origines ? Découvrir qui sont mes parents biologiques peut-être qui sait ?
Il a peur pour … moi ? J’ai bien entendu ? Est-ce que ça voudrait dire que … ? J’ose à peine y croire en fait. C’est tellement inespéré, et incroyable. J’aurai donc peut-être ? Cependant … je crois qu’il faut que je remette les choses au clair avec mon bon jack. Il n’est pas question que je parte d’ici.

« Je suis désolé que tu ais peur pour moi Kûdo-kun mais … je ne vais pas partir. Je suis là pour toute l’année scolaire, à minima. Je ne veux pas partir. Parce que même si ça peut te sembler étrange et totalement fou, je suis bien ici. »

Son expression m’indique directement ce qu’il pense de ce que je viens de dire. C’est sûr que dit de cette façon ça n’a rien de rassurant. Mais je ne vais pas partir sous-prétexte qu’ici il se passe des choses. Après tout des attaques de loups, il y en a aussi par chez moi dans le grand nord.

« Pour être franc … tu n’aurais pas pu trouver les mots lors de notre première rencontre. Pas plus que maintenant. Je n’étais pas bien chez moi, j’avais besoin de changer d’air, de me découvrir. Et ici j’ai la conviction que je peux le faire. Et même si tu ne trouves pas ça rassurant, tu ne peux pas m’enfermer à double tour pour qu’il ne m’arrive jamais rien. Oui je ne suis pas à l’abri de faire une mauvaise rencontre ici … pas plus que de part chez moi.
Tu sais … je crois que les lycans, il y en a aussi au Canada, y compris des lycans malades. Dit-toi qu’ici au moins, je sais où je peux aller pour être en sécurité. Réellement en sécurité. »

Je ne doute pas un instant que si je me sens en danger, je peux me réfugier chez mon divin jack, ou chez les Chevaliers des Ombres, du moins à l’entrée de leur QG.

« Et puis … j’ai beaucoup de raison de rester ici. Il y a d’abord les cours, puis la culture ici mais surtout il y a toi. Oui je n’ai pas peur ni honte de l’avouer. Je me suis attaché à toi, même si on se connait peu. Et je n’échangerai ma place ici pour rien au monde. Parce qu’ici je suis chez moi. »

Je m’étonne parce que je n’ai pas cillé un instant en lui avouant tout ça. Je sais que j’ai rougis, je crois, à moins que ça ne soit la chaleur qui me donne cette impression. J’espère que Kûdo-kun aura comprit que je ne partirai pas. A moins qu’il parte lui-même, mais vu que sa vie est ici … ce n’est pas demain la veille.

Hélas, malgré ma peur, il ne compte pas s’en aller, se mettre à l’abri. En vrai, ça ne me surprend pas. Jamais je n’aurais réussi à te convaincre, n’est-ce pas ? Non, je comprenais ce qu’il voulait dire, un peu. Et ça me paraissait pas étrange, ni fou. Peut-être un rien suicidaire ? Allez, fallait vraiment que j’arrête avec ça.

Il développa un peu sa réponse. Et, bien sûr, ça ne me plut pas. Ceci dit, je comprenais que j’étais en train de mener un combat perdu d’avance. Pourquoi partir si c’était pour être mal, hein ? Moi aussi, même si je savais que la meilleure solution était de fuir, je restais ici, pour ma salle d’arcade, pour Kazuo. En vrai, si on le voulait, on pourrait tous partir d’ici. Je suis certain que Takao adorerait nous voir tous débarquer chez lui. Ou pas. Il pleurerait surtout son intimité et sa tranquillité perdue.

C’était marrant, parce que je me sentais, en cet instant, à la place d’Asuna. Elle aussi avait tenté de faire en sorte que je reste loin de tout. Mais comme je ne pouvais pas enfermer Arcand-kun en haut d’une tour, elle ne pouvait non plus le faire avec moi. En vrai, je n’aurais pas tenté. Justement parce que je me trouvais, de l’autre côté, à sa place. J’espérais juste que, contrairement à moi, il n’avait pas de raisons de rester ici. J’avais tort, à mon grand regret.

Je soupirais longuement avant d’afficher un petit sourire. Je devais avoir les joues légèrement rouges. Mais que je fasse partie des raisons qui le faisait rester me faisait plaisir. La peur de le perdre se faisait encore plus grande. Si je m’autorisais à m’attacher plus, j’allais encore souffrir. Ce qui suffit à faire revenir une pointe de tristesse sur mon visage et mon regard.

Daisu ▬ « Je suis désolé. Je suis un peu égoïste. »

Mon regard se porta sur Nathan, il sembla surpris par ma remarque. Je ne savais pas s’il était en train de faire le lien ou pas. En tout cas, je précisais le fond de la pensée.

Daisu ▬ « C’est juste que j’ai… tant perdu. Tellement de personnes dont je n’ai plus de nouvelles. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus. J’imagine le pire. Et… Avec toi… J’ai juste pas envie d’ajouter un nouveau nom à la liste. Elle est déjà bien trop grande à mon goût. »

Mon cœur ne le supporterait pas. J’en étais certain. Quand je repensais à Sawa ou à Rum et au fait que je n’avais plus de nouvelle d’eux. Ils ne répondaient pas. Ils étaient partis. Le pire avait été le silence radio de ‘Ka-san.

Daisu ▬ « Parlons d’autre chose. Je vais encore déprimer. »

J’avais déjà assez avec la nouvelle à digérer. C’était pas la peine de mettre de l’huile sur le feu.

Je vois que les joues de mon bon jack son légèrement rouge. Est-ce que ça a un rapport avec ce que je viens de dire ? Si c’est cela, ça me fait plaisir. Parce qu’il sourit un peu, même s’il est tout petit. Il s’excuse ? Mais pourquoi donc ? Comment ça il est un peu égoïste ? De quoi il parle ?
Ma tête doit parler pour moi, puisque Kûdo-kun précise sa pensée.

Je comprends ce qu’il ressent, enfin je peux imaginer. Il a vécu beaucoup de moment difficile, plus que moi. Ses amis lui manquent et, par rapport à la situation, il redoute le pire. A sa place, n’importe qui en ferait autant. L’absence est une chose, mais lorsqu’on n’a pas de nouvelles, l’esprit a tendance à s’emballer très vite et surtout à imaginer le pire. Et plus c’est dramatique, mieux c’est pour l’imagination. C’en est tristement ubuesque en fait.
Je sais que mon geste va certainement le désorienté, et le gêner, mais après ce qu’il vient d’avouer … et d’admettre … c’est la moindre des choses que je peux faire. Je l’enlace doucement, reste silencieux quelques minutes ainsi sans bouger. Puis, je m’écarte et pose ma main sur son avant-bras simplement. J’ai envie de le rassurer, même si mes efforts sont vains parce que ça l’inquiète encore plus.

« Tu n’es pas égoïste Kûdo-kun. Tu as peur, c’est normal avec la situation. Tu as pleins de personnes auxquelles tu tiens qui ne te donnent plus de nouvelles. Tu ne sais pas ce qui leur arrive, et tu imagines le pire. Tout le monde réagirait comme tu le fais.
Tu n’es pas égoïste, parce que la seule chose que tu voulais c’était te protéger et me protéger. Tu n’as pas à t’excuser pour avoir le courage d’admettre ta peur. Et de toute façon, je n’ai rien à te pardonner. »

Je lui souris lorsqu’il demande à ce qu’on parle d’autre chose, pour ne pas déprimer. Je comprends, mais j’aurai bien aimé le consoler pour ma part. Heureusement qu’il ne sait pas ce que je pense ! Qu’est-ce qu’il en penserait ? Ce n’est pas le moment de penser à cela. Sinon je n’aurai pas le courage de rester aussi positif et confiant. Encore un peu d’audace pour ce soir, juste un peu. J’embrasse sa joue sans arrière-pensée … ou presque, mais ce n’est pas l’instant pour continuer ainsi. Surtout que je ne suis pas certain d’en être capable pour autant.

« Bien sûr. La soirée a été suffisamment difficile pour toi. De quoi pourrions-nous bien parler ? Et si tu me parlais de ta passion pour les jeux d’arcade ? Elle te vient d’où ? Il faut être un authentique passionné pour avoir sa propre salle d’arcade.
Qu’est-ce que les jeux vidéo te font ressentir ? Tu as l’impression de t’évader quand tu y joues ? D’ailleurs … tu joues à quoi en ce moment ? »

Je suis trop curieux probablement, et je l’ai surement mis terriblement mal à l’aise à voir l’expression sur son visage. Mais je savais que si je ne le faisais pas là, je n’en aurai pas eu le cran après. Au pire, Kûdo-kun préfère ne pas me répondre et lance un autre sujet. Ce n’est pas grave. Le plus important c’est de lui changer les idées, même un tout petit peu.
Après … je reste en ville donc je suis convaincu que mon divin jack et moi, auront tout le temps nécessaire pour mieux apprendre à nous connaître.